“Qu’il s’agisse du RAID, des sapeurs-pompiers de Paris ou de la BRI, ces unités d’intervention ne comprennent que des hommes d’exception au mental faisant référence. Ils témoignent.

Robert P., instructeur au RAID

« Le test du combat est le plus révélateur »

Robert P. appartient au RAID depuis 17 ans. Pratiquant de sports de combat de haut niveau, il est devenu l’un des intervenants et instructeur de cette fameuse unité d’élite de la police nationale dont les missions sont très dangereuses et nécessitent un mental hors norme.

Il nous définit le mental d’un homme d’élite.

 

 

Karaté Bushido : Comment appréciez-vous le mental des candidats lors des tests d’entrée au RAID (Recherche Assistance Intervention Dissuasion) ?

Robert P. : D’abord, il faut savoir  que ce sont des volontaires qui se présentent aux tests. Ils savent que par la suite, ils vont devoir aller au charbon et prendre des risques. Ils sont donc motivés. Mais ils ne sont pourtant pas tous aptes à supporter un stress intense. On en sélectionne une cinquantaine sur dossier.

Pendant une semaine, ils vont devoir subir toute une batterie de tests (psychologiques, médicaux, sportifs). Selon moi, le test de combat est toujours le plus révélateur et les psy partagent  souvent mon avis : « dis-moi comment tu combats et je te dirai qui tu es ». On en garde en moyenne cinq sur les cinquante.

K.B : Comment juge-t-on le mental d’un combattant  en quelques mouvements ?

R.P : Par sa façon de faire front à l’adversité. Va-t-il abandonner  tout de suite,  se cacher, ou au contraire, encaisser  en « resserrant les boulons » ?  Comment va-t-il  répondre ? On ne cherche  pas des mecs agressifs mais posés. Il ne faut pas confondre agressivité et combativité. L’agressivité est négative. On juge à l’attitude par rapport  à un profil que l’on recherche : dur au mal, rustique, frais, sain, pas forcément champion. Souvent le champion est « égocentrique ». Il accepte mal de ne pas dormir ou de ne pas manger à heure fixe ; il est parfois fragile et est réceptif aux changements climatiques.

K.B : Quelles autres épreuves leur faites-vous subir ?

R.P : Des exercices de mise en situation. Aucun d’entre eux ne doit avoir de phobies. Il faut donc les détecter. Par exemple, ils sautent dans une piscine avec leur casque lourd, leur gilet pare -balles et un fusil. Ils sont obligés de se déséquiper pour ressortir. Ils doivent aussi remonter avec le fusil. On « corse » quelques fois le test avec un exercice de mentalisation : la restitution d’un texte lu au fond de l’eau. On voit tout de suite si le gars est capable de discernement en situation de stress intense.

K.B : Quelles techniques utilisez-vous pour augmenter la force mentale de ces policiers d’élite ?

R.P : Le mental, cela ne s’apprend pas. On « détecte » un bon élément  puis on lui donne les moyens d’intervenir. Après avoir passé avec succès  les épreuves, le gars sait qu’il peut. C’est cette prise de confiance qui évitera la crise de conscience  et lui donnera les moyens d’être plus fort à l’heure H.

C’est comme un boxeur. Une fois que celui-ci a compris qu’il a une bonne droite, il faut lui donner les moyens de l’utiliser à bon escient.

A nous de faire ressortir sa bonne condition physique, sa technicité, son sens tactique, donc de lui faire prendre encore plus confiance en lui tout en l’habituant à être vigilant en respectant tous les principes de sécurité. Puis il y a aussi le phénomène de groupe, son émulation, qui joue un rôle.

K.B : Utilisez-vous des techniques particulières ?

R. P : La visualisation en est une. Le principe est de chasser les idées noires et de relativiser. Derrière la porte, s’il y a un homme armé, il faut avoir une bonne dose d’optimisme pour vouloir entrer quand même. On sait tous qu’on peut mourir (nous ne sommes pas fous).

On va donc vite chasser les idées noires et se retrancher derrière un schéma tactique : visualiser la pièce, vérifier son arme, se remémorer le plan des lieux… Ca occupe l’esprit. Malgré tout, il faut se préparer au pire. Si un boxeur pense qu’il va descendre du ring aussi bien peigné qu’il y est monté, il risque d’avoir des surprises dès les premiers échanges. Il faut qu’il se prépare mentalement à l’épreuve.

K.B : Quelles techniques utilisez-vous pour augmenter la force mentale de ces policiers d’élite ?

R. P : Encore une fois, ils se renforceront grâce aux entrainements spécifiques à notre métier. A nous, formateurs, de leur donner les moyens en essayant de ne rien laisser au hasard. J’ajoute que l’on teste en permanence leur degré de motivation car c’est un service qui fatigue et le « potentiel  courage » finit par s’émousser avec le temps, comme le potentiel physique.

K. B : La condition physique est-elle un élément clé pour posséder un mental fort ?

R. P : Elle prend une part prépondérante. On fait donc du renforcement musculaire. On s’entraine en boxe. Le sport collectif de prédilection au RAID, en ce moment, c’est le rugby. Un sport où on ne peut rien faire tout seul et, donc, une discipline qui renforce l’esprit collectif. Mais le plus important, c’est la détermination. Vous pouvez être le meilleur technicien du monde, si vous n’êtes pas déterminé, vous serez un bâton de dynamite sans détonateur.

Par contre, il est inéluctable que le sujet déterminé sera d’autant plus fort s’il est prêt physiquement. Il aura cette confiance qui permettra de repousser encore plus loin les limites du supportable, l’atteinte de ce fameux « seuil de panique » où toute organisation défensive est impossible.

K.B : Quelle importance prennent les arts martiaux dans votre travail ?

R. P : Leur pratique est incontournable. Même si on travaille beaucoup avec les armes et que l’on est très rarement amené à faire le coup de poing, tous les hommes travaillent différentes techniques pour être meilleur dans leur travail (techniques de police, tonfa, bâton, défenses sur couteau, clefs…). Et puis, la pratique des arts martiaux amène la sérénité, une certaine aisance, l’habitude de prendre des coups, la vigilance… et l’humilité. La compétition est intéressante pour cela. Quand on a appris à gérer le stress d’un combat, on peut le refaire avant une intervention même si les risques encourus ne sont pas tout à fait les mêmes.

Article extrait de Karaté Bushido n°341  – janvier 2006

Texte de Ludovic Mauchien

 
 

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