Le GIPN de Lyon fut le premier à être équipé d’un fourgon blindé. Aujourd’hui, c’est également chose faite pour le groupe de Marseille, qui avait notamment évalué les capacités d’un tel moyen lors d’un exercice d’envergure au sein du GPM, en 2007.

 

Mardi 20 mars 2007, 14h40, au cœur du Grand Port de Marseille (GPM) : des individus armés tirent sur des agents des douanes et de la PAF, puis se retranchent dans un bâtiment avec un fonctionnaire de police en otage, son collègue gisant au sol près de son véhicule.

Quelques minutes plus tard, les deux patrouilles intervenantes montent le périmètre de sécurité au niveau du bâtiment : le GIPN 13 est alerté.

A 15h15, le groupe de Marseille arrive sur zone pour prendre en charge l’événement  et un PC crise est mis en place au niveau du commissariat central, en relation avec le PC opérations sur place.

Parant au plus pressé et utilisant un fourgon blindé comme « bouclier » pour s’abriter, les hommes du GIPN de Marseille récupèrent  le policier blessé gisant au sol à côté de son véhicule. La négociation commence alors…

Rassurons-nous, il s’agit bien là d’un entraînement.

Avec l’accord de la Direction Centrale de la Sécurité Publique (DCSP), un exercice majeur grandeur nature rassemble alors des éléments de plusieurs groupes GIPN de métropole.

En renfort du GIPN de Marseille, c’est ainsi au total environ une cinquantaine de fonctionnaires de police qui interviennent  dans le cadre du traitement d’une prise d’otages de grande ampleur au cœur du GIPN sur le port autonome de Marseille.

L’objectif, sous le regard attentif de trois observateurs du RAID, est de mettre en évidence les difficultés liées à ce type d’intervention nécessitant la participation  de renforts conséquents, dont un fourgon blindé de la société de transports de fonds Loomis.

Le scénario ? Un commando d’environ six personnes tente de s’introduire sur le territoire national avec un armement important ; au cours d’un contrôle  avec le service des douanes, ces terroristes ouvrent le feu et se réfugient dans un bâtiment administratif du GPM, où une vingtaine de personnes sont prises en otages.

Le commando veut organiser un attentat et il exige la libération de détenus condamnés à de lourdes peines pour association de malfaiteurs visant une activité terroriste.

Suivent plus de quatorze heures de tensions et de réflexions, de discernement et de précision, pour la cinquantaine d’hommes du GIPN mobilisée : un après-midi et une nuit entière passés sous un mistral déchainé et glacial, dans les conditions réelles d’une prise d’otages, jamais vue de mémoire de marseillais, mais qu’il faut se tenir prêt à affronter.

L’originalité de ce dispositif tient dans la collaboration des effectifs de différents groupes pour la prise en compte d’une menace conséquente.

L’exercice réalisé permet au GIPN de réfléchir sur le bon agencement des diverses équipes et de leurs techniques,  la comptabilité des matériels, notamment au niveau radio et armement, la gestion de l’unité de commandement au cours d’une crise avec un nombre important de terroristes et d’otages, puis  sa gestion dans le temps avec l’épineux problème de la relève des effectifs.

Le fourgon blindé prêté par Loomis dans sa configuration de base, sans aménagement particulier, n’est alors utilisé que sur une phase courte, répondant à un besoin spécifique à un moment précis, il n’est s adapté pour tenir dans la durée.

C’est en effet la première fois que le GIPN engage autant d’effectifs et de moyens matériels sur un exercice aussi long, dont le scénario n’est, bien sûr, connu que des seuls formateurs.

L’exercice  permet de vérifier l’acquisition des techniques d’intervention  par chaque groupe et la bonne coordination des moyens, grâce à une convention avec le GPM pour une intervention réaliste sur un bâtiment du port.

 

Le fourgon blindé est alors déjà à l’honneur,  son cadre d’emploi étant étudié et ses capacités exploitées afin d’en définir les meilleures options pour une utilisation future éventuelle.

Il sert ici de « bouclier » pour permettre à un binôme du groupe d’extirper  le policier blessé gisant au sol, dans la ligne de mire des preneurs d’otages, afin de permettre son évacuation rapide vers un service des urgences.

Aujourd’hui, face à l’évolution de la délinquance et à l’emploi de plus en plus fréquent d’armes à feu, parmi lesquelles des armes de guerre légères (Kalachnikov), progressivement les GIPN perçoivent leur fourgon blindé, dans le cadre de la montée en puissance de leurs capacités d’intervention.

Celui de Marseille, deuxième véhicule de ce type, est issu du premier projet développé à Lyon.

L’ensemble des groupes avait été consulté afin d’en définir les caractéristiques par rapport aux besoins du terrain, aux missions visées.

Le fourgon de Lyon a déjà été utilisé durant les grosses émeutes qu’ont connues les villes de Lyon et de Grenoble, puis sur le sommet de l’OTAN, le G20, et durant le grand exercice de contre-terrorisme à Nice avec le navire de croisière Club Med 2, en 2010.

Au départ, un partenariat d’ordre technique a été lancé avec la Brink’s, en 2008, pour que la police nationale puisse récupérer ses véhicules. Il s’agit  en effet de fourgons blindés servant habituellement au transport de fonds, mais totalement reconditionnés en vue de leur nouvel emploi.

A la demande de la Direction Centrale,  le SGAP de Lyon a construit le premier,  récupéré par le GIPN début 2009.

Le blindage du toit avait notamment été renforcé.

Plus récents, les deux véhicules suivants avaient déjà un blindage plus important, mais des modifications diverses  leur ont été apportées pour une utilisation « police ».

Une fois récupéré, le fourgon est complètement démonté, de nombreuses pièces sont changées, le blindage est amélioré, l’aménagement intérieur modifié pour permettre d’y  demeurer dans la durée, des matériels radio sont ajoutés, ainsi que des rangements divers.

Un engin neuf de ce type coûte environ 350 000 euros.

Racheté d’occasion, avec certes beaucoup de kilomètres au compteur, mais révisé, transformé, amélioré, le véhicule tourne aux alentours de 15 000 euros seulement.

« L’engin nous est livré brut, avec des capacités d’installation de matériels spécifiques importantes, comme, pourquoi pas, une caméra thermique, des périscopes, etc .

Les évolutions possibles sont nombreuses.

Il faut dire que nous en avions profondément besoin pour son usage prioritaire, avoir réussi  à combler ce manque sans un lourd investissement est pertinent. Nous allons ainsi  pouvoir en équiper les dix groupes relativement rapidement.

Par rapport à ce qui se passe dans les cités, avec les armes que nous sommes susceptibles d’y trouver aujourd’hui, nous avons été visionnaires : si demain nous sommes confrontés à un gros problème, nous pourrons réagir.

Cet équipement est le fruit de la réflexion menée sur les groupes d’intervention lors des violences urbaines, dans le cadre de la FIPN.

Nous sommes en train de cibler un package à livrer au pouvoir politique, allant de la surveillance, la fourniture de renseignements, à l’intervention, grâce notamment  à l’utilisation de fourgons blindés » explique  le capitaine Nicolas Battesti, commandant du GIPN de Marseille.

Cela correspond à une politique nationale de la DGPN, et locale de la DCSP, pour disposer rapidement, et à moindre cout, de moyens conséquents en région, en cas de crise grave.

A titre d’exemple, le fourgon blindé du GIPN de Marseille a été envoyé sur Toulouse en soutien du RAID pour son assaut contre l’appartement de Mohamed Merah, au cas où.

Réactif, le groupe ne l’aura finalement pas employé sur zone, les tacticiens ayant jugé que ce n’était pas nécessaire.

Lourd, mais bénéficiant quand même d’une vitesse maximale de 100km/h, le fourgon blindé du groupe peut ainsi se déplacer sur la zone de compétence concernée.

De classe 4, il résiste aux impacts de carabines et de Kalachnikov (Magnum, 7,62mm, 7,08mm).

Il est équipé d’un gyrophare deux tons à LED, de pneus anti-crevaison, d’un projecteur puissant et d’une plateforme avec points d’attache pour une échelle sur le toit.

Le véhicule possède une porte coulissante latérale et une porte classique à l’arrière.

En projet à court terme, une caméra  à 360°  pour des vues à l’extérieur  de jour comme de nuit.

Plusieurs  réflexions ont, bien sûr, été menées. Pourquoi ne pas récupérer des VAB, afin d’avoir un véhicule blindé se rapprochant de ceux de la gendarmerie ? Son emploi serait plus souple (tout-terrain, protection balistique supérieure), toutefois un tel blindé, lourd, au « look militaire », ne véhiculerait  pas une bonne image des forces de l’ordre aux yeux de la population.

Les fourgons sélectionnés restent  des outils urbains très efficaces, avec leur aspect impressionnant mais pas trop agressif.

Ce camion classe 4 permet d’aller au plus près de la crise, lorsque le terrain le permet et suivant le degré de celle-ci, sans avoir à exposer  des personnels « à l’ancienne ».

Une sorte de Ramsès géant  permettant de faire évoluer la colonne : la fameuse « tortue romaine » !

Huit personnels équipés peuvent y prendre place, et même s’y tenir debout.

Ainsi, toute la colonne d’assistance  du matin, lors de  « domiciliaires » peut  se rapprocher au plus près en évitant des projectiles, grâce  à ce concept de bouclier mobile.

En revanche, à l’avant, les deux personnels ne peuvent pas être équipés en lourd.

Les missions de ces fourgons sont multiples et appelées à évoluer : approches sous couverture en milieu hostile (cités, zones périurbaines, forcené tirant depuis une fenêtre), armement  d’un PC de crise au plus près du centre de gravité de la crise,  transferts de valeurs, d’armement ou de personnes sensibles (extractions judiciaires), pénétration pour recherche de renseignement, etc.

Jusqu’à présent, le fourgon de Marseille a été utilisé pour des transferts sensibles, comme celui du marseillais Bernard Barresi –auteur de l’attaque … d’un fourgon blindé-  lorsqu’il est venu de Strasbourg, du transport de munitions et des transferts de personnes à risque, puis pour la fouille d’un camping suspect, suite au braquage du casino d’Aix-en-Provence, à Saint-Mitre-les-Remparts.

Les trois braqueurs avaient alors tiré sur des fonctionnaires de police à la Kalachnikov et la fouille du camping avait été rendue possible grâce à une évolution dans cet abri roulant fort appréciable.

Actuellement, les GIPN de Lyon, Marseille et Strasbourg sont les premiers équipés.

A terme, les dix groupes devraient en être pourvus.

Même le groupe de Guadeloupe est actuellement en contact avec la Brink’s pour une donation en fin d’année. Bien sûr, dans l’absolu, les groupes auraient sûrement préféré avoir un véhicule  blindé neuf, conçu spécifiquement pour leurs missions, au meme titre que la BRI de Paris ou le RAID… un véhicule  comme le nouveau MIDS de Renault Trucks Defense (RTD) aurait été le bienvenu (cf. Police Pro n°31).

Quatre roues motrices, climatisation, réservoir d’eau, intercom, éclairage extérieur, lame de déblaiement, pare-buffle, rampe de feux police avec sirène, observation par caméra, extinction d’incendie et extraction de fumée, armement de 5,56 ou 7,62 téléopéré, lance-grenades fumigènes, etc. proposé avec de nombreuses options, cet engin peut embarquer 12 hommes avec leurs matériels.

Développé sur une base de camion civil, avec une imposante caisse blindée, la vedette de Milipol bénéficie d’une bonne protection et propose aux équipages d’excellentes conditions de vie pour tenir dans la durée.

Sa rampe arrière constitue notamment un atout pour le débarquement rapide des hommes lors d’une intervention, en gardant toujours un œil sur l’objectif.

Pouvant atteindre 100km/h, avec une autonomie de 600km, il possède un caractère particulièrement dissuasif du fait de sa stature imposante : 6,3 m de long pour 2,5m de largeur et 3m de hauteur !

Il devrait être bientôt  en service en Egypte. Mais le fourgon idéal envisageable financièrement, quel est-il ? Vraisemblablement  un engin élaboré à partir de la base actuelle choisie, un fourgon blindé de type Brink’s, renforcé et à la configuration évolutive, avec l’ajout d’un équipement technique de nouvelle génération, notamment au niveau des transmissions, ce qui devrait être le cas grâce aux récentes réflexions  relatives aux violences urbaines.

Cela dit, même si l’effort est louable, et que nous parons ainsi au plus pressé, l’âge des véhicules aidant, il faudra peut-être  à un moment donné relancer la réflexion quant  à une solution de remplacement.

L’idée et la structure sont bonnes, l’investissement  plus que raisonnable compte tenu de l’emploi,  mais la mécanique n’est pas inusable, même avec un entretien des plus minutieux.

De plus, la violence urbaine se durcit, comme le confirme  la tendance en France, mais aussi en Europe, au Moyen-Orient, en Amérique du Sud et même en Asie.

La délinquance évolue, nécessitant des pouvoirs publics une adaptation continuelle des moyens, des matériels.

Let’s wait and see !”

Tiré de Police Pro n°36   Novembre- Décembre 2012

Article de Olivier Merlin

 

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admin@fipn-sdlp.fr

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