« Si le grand public et les médias connaissent le GIGN de la gendarmerie nationale et le RAID de la police nationale, peu ont entendu parler des GIPN qui opèrent  en métropole et outre-mer.
Au nombre de neuf, ces unités d’intervention  sont pourtant tout aussi capables que leurs « grands frères » ; elles effectuent d’ailleurs annuellement plus d’opérations  que ces derniers. C’est pour cette raison que RAIDS  a choisi de présenter ce dossier sur les GIPN, au travers du groupe d’intervention de Lyon.
Créés en 1972 pour répondre à la menace terroriste après le drame des Jeux Olympiques de Munich, les GIPN –Groupes d’Intervention de la Police Nationale – vont s’intégrer au fil des années dans la structure de la police nationale  et prendre part à toutes les affaires de prises d’otages, de forcenés ou de mutineries  de détenus. Des opérations pour lesquelles les différents services de police n’ont ni les compétences ni les capacités pour intervenir.
Ces dix dernières années ont assisté à une profonde évolution des GIPN : tandis que les autorités régionales de tutelle découvraient enfin, après plusieurs opérations majeures , l’outil qu’ elles détenaient entre leurs mains, se dessinait  une harmonisation de la sélection, de la formation, des techniques d’emploi et des équipements de ces unités spéciales de la police.

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De manière absolue et sans délai

Actuellement, les GIPN sont de plus en plus fréquemment employés hors de leur « secteur régional » pour des missions souvent très médiatisées, sans d’ailleurs que la presse ne les différencie  des groupes d’intervention « phares », le GIGN et le RAID, comme en témoignent par exemple le procès Papon à Bordeaux ou encore la protection de personnalités en Corse.

Les groupes d’intervention de la police Nationale sont au nombre de neuf, implantés pour la métropole à Lille (16 fonctionnaires), Rennes (16 fonctionnaires), Strasbourg (16 fonctionnaires), Lyon (24 fonctionnaires), Bordeaux (16 fonctionnaires), Marseille (24 fonctionnaires) et Nice (16 fonctionnaires) et pour l’outre-mer à Saint-Denis de la Réunion (16 fonctionnaires) et à Nouméa (16 fonctionnaires) en Nouvelle-Calédonie.

En ce qui concerne les missions prioritaires, les GIPN sont sollicités de manière absolue et sans délai pour des actes de terrorisme, des prises d’otages, des retranchements de malfaiteurs ou de forcenés et lors de mutineries de détenus dans les prisons placées sous le contrôle géographique de la police nationale.

« Il faut savoir que les capacités de notre unité sont très vastes », nous confirmera le commandant Eric Frati, patron du GIPN de Lyon – l’une des deux unités les plus nombreuses de France -, « car elle peut apporter une réponse immédiate à quasiment tous les problèmes, de la prise d’otages à l’assistance accordée à d’autres services de police dans le cadre d’une intervention, en passant par la protection de personnalités ou encore la sécurisation d’un procès à risque. Toutefois, si grandes soient nos qualités, le GIPN est un groupe d’intervention régional élaboré pour répondre à un problème régional, donc avec des capacités  limitées, sans que l’on voit là un aspect péjoratif : au contraire, il constitue sans aucun doute la structure la mieux adaptée pour répondre aux problèmes auxquels nous sommes confronté presque tous les jours ».

« Bien que nous soyons parfaitement capables de traiter une affaire de bout en bout et ce, sans état d’âme », continue Eric Frati (nombre d’opérations l’ont été ainsi : lire l’encadré sur les opérations majeures menées pas le GIPN de Lyon), « quand cela nous dépasse, il est fait appel au RAID. «Ainsi, comme il l’est dit dans la circulaire du ministre de l’intérieur adressée aux préfets, délégués du gouvernement et hauts commissaires, « le Directeur Général de la Police Nationale  pourra, en fonction du type d’affaire, imposer l’intervention du RAID, soit en raison de la nature des faits et des circonstances qui pourrait donner à l’événement  un retentissement  particulier, soit si l’intervention nécessite des moyens ou des techniques spécifiques dépassant le potentiel des GIPN ».

Outre le RAID basé en région parisienne, les autorités de police compétentes peuvent faire appel à un regroupement de différents GIPN, une sorte de « super GIPN », placé sous le commandement de la cellule de coordination des GIPN. Notez que dans cette perspective, les GIPN effectuent régulièrement (en moyenne trois fois par an) des exercices communs. Ces rencontres sont réalisées tant au niveau des chefs de groupe que des équipes de chaque GIPN pour comparer et mettre au point des techniques et des modes d’emploi identiques.

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Risque réel ou danger potentiel

Les GIPN peuvent aussi être employés dans des circonstances exceptionnelles et , après autorisation, par les directeurs départementaux pour des opérations de maintien ou de rétablissement de l’ordre.

Ils manœuvrent alors sous les ordres du responsable d’ordre et sont placés en pointe, sachant, comme le précise le texte d’emploi, que « leur entraînement aux techniques d’interpellation, leur condition physique les destinent tout particulièrement à des missions rapides et mobiles, exigeant une technique particulière ». Les GIPN peuvent également être utilisés en renfort opérationnel des équipes de Sûreté départementale et urbaine en cas de problèmes importants.

Autre type de missions, les hommes des GIPN assurent les escortes des détenus très dangereux et participent  à la sécurisation des procès présentant un risque réel ou un danger potentiel. Ainsi, nombre de GIPN ont assuré la sécurité lors du procès de Furiani à Bastia en Corse, celui de Barbie à Lyon ou celui de Papon à Bordeaux. Les GIPN peuvent aussi participer à la protection de personnalités durant leur visite et lors de voyages officiels. Ils sont aptes à sécuriser un parcours ou une résidence en tenant les points stratégiques, avec des tireurs de précision et des vigiles  équipés d’appareils optiques, ils peuvent également prendre en charge la protection rapprochée de personnalités importantes. Toutefois ce type de mission est strictement limité dans le temps dans le temps et nécessite une formation spécifique (et continue) assurée par des instructeurs du Service de Protection des Hautes Personnalités (SPHP). Enfin, les GIPN peuvent participer à des actions limitées de formation technique et tactique au profit d’unités spécialisées de la police : BAC, Sûreté, etc.

« Le seul problème est que, vu le nombre de missions et leur diversité, les hommes ne sont jamais chez eux. Plus sérieusement, l’autre problème est géographique, car nous travaillons dans un rayon de 300 kilomètres, et les temps de mise en alerte et de déplacement ne sont pas extensibles ».

A cette fin, les autorités de police peuvent faire appel aux hélicoptères de la Protection Civile  pour gagner un temps précieux.

« Chaque élément , lorsqu’il est d’astreinte, soit grosso modo une semaine toutes les quatre semaines, doit pouvoir rejoindre l’unité dans les trente minutes. Ainsi,  chacun dispose maintenant d’un téléphone portable ».

A titre d’exemple, durant les trois jours de sa présence au sein du GIPN de Lyon, l’auteur a suivi deux actions sur le terrain :  l’une à la suite d’une attaque à main armée dans une bijouterie du centre-ville, l’autre pour arrêter un individu très dangereux, armé et en possession de deux chiens d’attaque, des american staffs. On ne chôme pas à Lyon !

Dans le cadre de leurs missions quotidiennes, les GIPN sont placés sous l’autorité fonctionnelle et structurelle des commissaires de police directeurs départementaux de la Sécurité Publique. Lors de missions prioritaires, les GIPN, qui sont stationnés au siège des commissariats centraux des grandes agglomérations, opèrent sur instruction du préfet du département ; dans le cas où la mission se déroule dans un département différent le préfet du lieu de l’évènement demande à la Direction générale de la police la mise à disposition du GIPN. Toutefois, lors de missions prioritaires, les groupes sont placés sous l’autorité de la Direction Centrale de la Sécurité Publique, et plus particulièrement  d’un commissaire  de police coordinateur  ou de son adjoint appartenant à la cellule de coordination des GIPN (lire l’encadré sur l’historique).

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Des tests triennaux pour tous

Le GIPN de Lyon comprend 24 éléments commandés par un commandant  (un GIPN peut être commandé par un capitaine) ; ce dernier est assisté par un adjoint (un major) et chaque équipe  composée de gardiens de la paix est dirigée par un gradé (brigadier ou brigadier-major). L’unité comprend une cellule de commandement à deux éléments, une cellule d’encadrement avec six chefs d’équipe et des équipes d’intervention à six éléments, soit un gradé et cinq gardiens. Notez que le GIPN de Marseille comprend lui trois équpes d’intervention à sept hommes chacune. La moyenne d’âge est de trente-trois ans, tandis que les fonctionnaires restent dix ans  en unité (actuellement l’un d’eux  a dix-sept ans de présence dans l’unité). « Il faut savoir , nous déclare le commissaire principal Frédéric Lauze, chef de la cellule de coordination des GIPN, que tous les éléments des GIPN doivent effectuer  et réussir des tests triennaux, destinés à contrôler leur motivation, leurs capacités opérationnelles sur site et en tir ainsi que leurs aptitudes physiques.

Ceux qui ne peuvent les réussir doivent quitter l’unité. Nous sommes la seule catégorie d’unités de la police à réaliser  de tels tests…Une façon de se remettre régulièrement en cause ».

Outre la remise en cause, les unités sont à la recherche de nouvelles techniques et de matériels plus performants. Ainsi, au sein du GIPN de lyon, le commandant a créé des cellules spécialisées dans une discipline, afin de responsabiliser les éléments et de faire avancer les techniques. On y trouve donc une cellule techniques et moyens, une pour le sport de combat, une consacrée à l’armement et au tir et une autre pour les techniques de corde.

Autre dénominateur commun des GIPN : l’accent mis sur l’entraînement. En effet, et pour reprendre l’exemple du groupe d’intervention de Lyon, le rapport entraînement / mission est de 45% 55%.

Les moyens sont d’ailleurs  à la hauteur : le GIPN de Lille dispose d’un parcours avec 26 obstacles installés dans un fort ( à l’instar du GIPN de Lyon qui a le sien au fort de Montluc)où les hommes de l’unité peuvent s’entraîner  à outrance ! Le but recherché est ainsi de mettre en place les automatismes , mais aussi de savoir affronter une situation de crise. Les sports de combat enseignés tendent à la saisie du malfaiteur ou du forcené et à son immobilisation au sol, les fonctionnaires du GIPN s’entraînant  pour cela en priorité à la boxe anglaise et américaine, au kick-boxing , au karaté et aux différents types de balayage. Un entraînement  parfaitement adapté aux missions prioritaires des GIPN : la mise hors d’état de nuire du malfaiteur, preneur d’otage ou forcené, avec pour règle première de s’emparer de la personne sans la blesser ou pire la tuer.

Mobilisation totale durant la Coupe du monde

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De plus en plus, les GIPN sont appelés à sortir du cadre régional. Ainsi, lors de la Coupe du monde où la totalité des 128 éléments des différents groupes étaient mobilisés, les GIPN ont travaillé sur tout le territoire national : celui de Lille assurait la protection des équipes à Rennes, et les GIPN de Strasbourg et de Nice étaient en alerte pour intervenir partout en France pendant que les autres unités étaient mobilisés sur les différents stades. De même, après l’assassinat du préfet Eric Erignac en Corse, en moins de douze heures, quelque 35 personnalités en Corse étaient protégées par des hommes des GIPN.

En 1995, les GIPN ont réalisé 66 interventions majeures, en 1996 , 61 ; en 1997, 70. Il ne faut pas oublier non plus que, depuis plusieurs années, avec la montée de la violence urbaine, en particulier dans les banlieues, les GIPN assistent  les différents services de police : SRPJ, UIR (unité d’investigations et de recherches), etc. , là où des opérations rapides et musclées sont nécessaires.

Ce type d’opération débute  6 heures du matin, heure légale, et en quelques minutes, l’équipe entre dans un appartement ou une habitation, interpelle la personne recherchée et quitte les lieux aussitôt après.

Cependant, bien que nombre d’opérations – et non des moindres, en particulier contre des forcenés souvent redoutables- aient été menées par les GIPN, ces unités d’intervention de la police restent méconnues. Il ne vous reste donc plus qu’à demander aux hommes du GIPN de Lyon, par exemple, de vous raconter quelques-unes de leurs actions : elles ne vous décevront pas… et jamais le sang ne fut versé.

L’équipement d’un GIPN ( à 24 éléments)

Tous les fonctionnaires d’un GIPN sont équipés d’un gilet lourd d’intervention pare-balles ainsi que d’un casque lourd pare-balles, d’un masque à gaz Avon, d’un casque anti-bruit, d’un tonfa, d’un gilet pare-balles PN4 ou d’un modèle discret SEMA, d’une paire de menottes, d’un étui cordura de jambe pour une arme de poing,  d’une combinaison d’intervention type RAID/GIPN, d’une cagoule, d’un blouson polaire et d’une surveste, de chaussures d’intervention, d’une lampe individuelle Surfire, d’un poste radio portable, d’un couteau d’intervention, de pansements compressifs, d’un sac individuel, d’un sac à dos et d’une paire de lunettes anti-choc Bollé.

L’unité dispose aussi de boucliers légers pare-balles, d’un bouclier sarcophage, de matériel d’escalade (baudrier, gants, sangles, cordes, descendeurs, mousquetons, échelles, etc.) d’appareils de transmission et de réception qui se fixent sur le gilet d’intervention, de systèmes filaires pour les postes portables (micro de déport, écoutes discrètes et oreillettes), de casques radio New Eagle, de portables, de jumelles 8×56, d’un appareil photo Nikon F301, d’une pince coupante, d’une pince monseigneur, d’un coupe-boulons, d’une hache, d’une masse, de béliers de différentes tailles.

Enfin, chaque GIPN aligne trois véhicules de tourisme de grosse cylindrée, deux véhicules de type monospace et un fourgon J5 ou équivalent doté d’un moteur puissant de type turbo diesel.

L’armement d’un GIPN

En armes de poing, les hommes d’un GIPN sont équipés de vingt-quatre revolvers MR73 en 4 pouces modèle Gendarmerie, de trois revolvers Smith & Wesson de 2 pouces et de vingt-quatre pistolets Beretta 92FS ou Mas. En ce qui concerne les armes longues, on compte neuf carabines Steyr Mannlicher, trois fusils d’assaut SIG 551, sept pistolets mitrailleurs HK MP5 A5, six fusils à pompe Benelli et quatre flash-ball.

Chaque GIPN dispose d’un éventail de grenades : aveuglantes et détonnantes, fulgurantes, multiflash et multibang, fumigènes, ainsi que d’un disperseur dorsal lacrymogène. Depuis peu, plusieurs GIPN alignent une carabine de précision PGM Ultima Ratio.

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Les opérations les plus marquantes du GIPN de Lyon

En 1974, lors d’une prise d’otages à Annemasse, le preneur  est arrêté. En 1983, à Lyon, un individu se retranche dans un foyer de travailleurs, abat cinq personnes et en blesse trois autres. Il est finalement maîtrisé. L’année suivante, un homme se barricade dans son appartement, et il est maîtrisé. En 1985, les prisons de Lyon sont le lieu de mutineries ; le GIPN intervient pour les briser. La même année, les hommes du GIPN réussissent  à arrêter trois braqueurs qui se sont retranchés dans un appartement après un vol à main armée. En 1986, le GIPN réalise deux actions majeures : l’une pour arrêter  un individu qui vient de commencer une prise d’otages dans une maternité de l’hôpital Edouard Herriot à Lyon, l’autre à Chambéry contre une forcenée qui retient en otages certains de ses proches.

Un autre forcené est maîtrisé dans sa maison à Montélimar en 1989.

Durant l’année 1991, le GIPN intervient  lors de la mutinerie à la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône ; il met hors d’état de nuire un forcené retranché à Montceau-les-Mines.

En 1992, à Nevers, encore une prise d’otages : l’individu est finalement maîtrisé par le GIPN.

L’année suivante sera marquée par une série d’opérations menées par les équipes du GIPN : à  La Mulatière, un individu, armé et retranché, est interpellé après des négociations ; l’interpellation d’un homme armé, retranché  à Romans ; l’arrestation à Paray-le-Monial d’un individu armé  et retranché suite à sa tentative d’homicide sur un agent de la force publique ; à Chalon-sur-Saône, un forcené armé est capturé ; un autre individu, retranché cette fois à Villeurbanne, sera lui aussi maîtrisé.

En 1996, lors de la prise d’otages dans le palais de justice du Puy-en-Velay, les hommes du GIPN réussissent  à interpeller le malfaiteur.

En 1997, c’est à Albertville,  que, suite à un homicide volontaire, le GIPN réussira à arrêter un individu embusqué sur un parking. L’image sera ensuite publiée dans la presse nationale.

Outre ces opérations, les membres du GIPN de Lyon ont assuré des protections de personnalités et travaillé à la sécurité lors de procès à risque. On peut ainsi citer la visite du Pape à Lyon, différentes procès d’autonomistes corses, le procès d’Action Directe, le procès Klaus Barbie, le procès Furiani à Bastia, les Jeux Olympiques d’Albertville et des protections de personnalités en Corse après le meurtre du préfet Erignac.

RAIDS n°148 – article écrit par Eric Micheletti

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