Amaury de Hauteclocque a dirigé le Raid pendant l’affaire Merah. Le petit-neveu du libérateur de Paris s’éloigne des affaires de sécurité pour œuvrer à l’alliance de trois mutuelles.

“On ne construit rien sur la nostalgie. J’ai tourné la page. Je ne reviendrai pas dans la police!” C’est dit. Amaury de Hauteclocque, patron du Raid de 2007 à 2012, a enfilé depuis septembre un costume d’assureur qui semble bien étriqué pour ses larges épaules. À bientôt 47 ans, l’ex-flic de choc y voit au contraire un nouveau challenge à relever, le départ d’une deuxième vie professionnelle. Celle-ci a désormais pour cadre les locaux modernes parisiens de Covéa, à Montparnasse, qui, clin d’œil de l’Histoire, surplombent l’allée de la 2e DB et le mémorial du maréchal Leclerc de Hauteclocque, son illustre grand-oncle.

Son nouveau titre? Directeur des stratégies coopératives du groupe. Mais encore? “Thierry Derez m’a recruté pour favoriser les synergies entre les assureurs Maaf, GMF et MMA”, résume-t-il. Regroupées au sein de l’entité Covéa depuis dix ans, les trois enseignes prospèrent – 11 millions de clients, 14,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 26.000 salariés – mais ne parlent toujours pas la même langue. Il faut “que les gens se connaissent, se rencontrent sur le terrain pour créer un “esprit promo”””, esquisse- t-il comme programme. Avec comme objectif d’éviter les concurrences stériles et de gagner des parts de marché tout en économisant les coûts. Une mission ardue au sein de mutuelles où le pouvoir des actionnaires vient de la base et où les barons provinciaux ont toute légitimité pour résister au pouvoir venu de Paris.

“Je n’avais pas envie de gérer des vigiles”

Injecter du sang neuf pour dynamiser un milieu par trop consanguin? La démarche, illustrée déjà par l’arrivée, il y a vingt ans, de Thierry Derez, un ancien avocat, est saluée même par les concurrents. “On vit trop dans notre monde d’assureur, estime Gérard Andreck, le patron du rival, la Macif. Il ne faut pas rester entre nous.” Andreck reconnaît que l’arrivée de Hautecloque peut ouvrir des réseaux et des portes sur le plan politique. Un autre ami assureur s’inquiète pourtant de voir l’ancien patron du Raid disparaître dans “un poste un peu riquiqui” pour lui. “À moins que la DRH ne lui ait été promise?”

Retour en arrière. Le 12 avril 2013, la nouvelle tombe : le bail d'”ADH” à la tête du Raid – près de cinq ans, l’un des plus longs – s’achève. Contrairement aux autres cadors de la police (son mentor, Frédéric Péchenard, le préfet de police Michel Gaudin ou le patron du renseignement intérieur Bernard Squarcini) jugés trop proches de l’ancien pouvoir, et malgré le fiasco relatif du siège Merah à Toulouse, Hauteclocque a pu poursuivre sa mission près d’un an après l’installation de l’équipe Valls.

Pas de chasse aux sorcières mais un enterrement de première classe en guise de bon de sortie : direction l’IGPN (Inspection générale de la Police nationale). Dans le jargon, le “cimetière des éléphants”. À 46 ans, pour l’enfant gâté de la Police nationale, la pilule est dure à avaler. Sa décision est rapidement prise : “J’ai saisi l’opportunité de valoriser mes acquis professionnels : capacité de décision à chaud, management d’une équipe sous tension, gestion de crise… Finalement, on m’a rendu service.”

Amaury de Hauteclocque n’est pas le premier “grand” flic à passer au privé. Son prédécesseur à la tête du Raid, Jean-Louis Fiamenghi, officie chez Veolia. Dans l’assurance, l’ancien commissaire Nadia Chelghoum opère chez Axa depuis dix ans, et Guillaume Ancel, un militaire, vient de débarquer chez Humanis. Mais Hauteclocque est sans doute l’un des plus jeunes et surtout l’un des rares à prendre un virage à 180 degrés : “Je n’avais pas envie de gérer des vigiles, encore moins de multiplier les audits de sécurité bâtiments!”

De toutes les propositions – le PDG d’EDF l’aurait approché –, c’est celle de “Thierry” qu’il a retenue. Les deux hommes se tutoient. Ils se sont rencontrés il y a cinq ans autour d’un repas d’avant-match de l’équipe de France de rugby que Derez, né à Biarritz, sponsorisait avec la GMF. Une amitié sur fond d’ovalie. Amaury de Hauteclocque est un ancien troisième-ligne aile du Stade Français. “Le poste de Chabal, avec moins de cheveux”, plaisante ce fils de militaire à la coupe impeccable.
Si Derez est la bonne fée à l’origine de sa nouvelle existence, la première vie du commissaire de Hauteclocque doit beaucoup à un autre fils de bonne famille du 17e arrondissement de Paris : Frédéric Péchenard. Contrairement à ce qui a été beaucoup écrit, le véritable ami d’enfance de Péchenard n’est pas Nicolas Sarkozy  mais Wallerand de Hauteclocque, frère aîné d’Amaury.

Charismatique pour les uns, macho pour les autres

“Sa mère m’en a un peu voulu de l’avoir détourné de Saint-Cyr”, confie l’ancien directeur général de la Police nationale, conscient d’avoir joué un rôle majeur dans le destin du jeune Amaury. Même s’il effectue son service dans les commandos de marine, le petit-neveu du libérateur de Paris préférera marcher non pas dans les traces du chef de la 2e DB mais dans les pas du copain de son grand frère. Ce sera bien Saint-Cyr mais… Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, l’école des commissaires dans la banlieue de Lyon, après un DEA de droit pénal sur les bancs de la fac d’Assas que fréquentait aussi Marine Le Pen. Pas d’anecdote mais un commentaire : “Je lui reconnais un courage certain pour avoir su affronter certains regards hostiles.”

Commissariat du 12e, 5e DPJ, brigade des stups… La carrière du commissaire de Hauteclocque connaît un sérieux coup d’accélérateur en 2002 quand il prend la direction de la section antiterroriste (SAT) de la brigade criminelle dirigée par… Frédéric Péchenard. Au 36, personne n’ignore l’amitié qui unit “Fred et Momo”. Une proximité qui fera grincer quelques dents en 2007 quand Péchenard, devenu patron de la Police nationale, le propulse à la tête de la prestigieuse unité d’intervention de la police, le Raid, au nez et à la barbe d’autres candidats… “Je ne l’ai pas choisi parce c’était un ami mais à cause de ses qualités et parce que j’avais toute confiance en lui”, se défend l’actuel délégué interministériel à la sécurité routière.

Le fait est que Hauteclocque n’a pas que des admirateurs dans son ancienne boutique. “Intelligent”, “charismatique”, “déconneur” sont les adjectifs qui reviennent comme une évidence. Même chez ses détracteurs, qui ajoutent cependant à la liste “arrogant” pour certains, “réac et macho” pour d’autres. “Il a fait joujou avec l’institution et son départ dans le privé est l’illustration qu’il n’avait pas sa place dans la police”, tranche une ancienne collègue. Lui reconnaît avoir été “gâté”, se félicite d’avoir bossé dans “les plus beaux services”, toujours avec “passion” et, c’est sa plus grande fierté, “sans jamais un gars tué en service”.
Sa nouvelle feuille de route n’est pas sans rappeler la création de la Force d’intervention de la Police nationale (FIPN), une force opérationnelle non permanente de 600 hommes regroupant les effectifs de trois entités différentes, le Raid, la BRI parisienne et les GIPN de province, qu’il a “montée” en moins de deux ans pour répondre aux risques de prise d’otages multiples comme à Bombay en 2008 et plus récemment à Nairobi. “Dans la police, une priorité chasse l’autre. À Covéa, j’ai la chance de travailler dans l’anticipation. C’est un ‘process’ à sept, huit, voire dix ans!””

Source : Le Journal Du Dimanche – article écrit le 14 octobre 2015 par Stéphane Joahny et Matthieu Pechberty

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