Chaque année, de nombreux candidats se présentent aux tests de recrutement de la force d’intervention de la Police nationale (FIPN) pour le RAID et les GIPN. Peu d’entre eux décrochent le précieux sésame. Parcours de Bruno C., un policier rhônalpin qui a décidé de présenter sa candidature.

 

Février 2011 – SGAP technique de Saint-Fons (Rhône)

Ils sont cinq, en ce mardi matin hivernal, à se présenter aux pré-tests physiques communs RAID-GIPN pour la région Rhône-Alpes. Police aux frontières, sécurité publique, unité d’intervention, les profils des candidats sont variés et issus de toute la région. Ils partagent le même objectif d’intégrer le RAID ou un groupe d’intervention de la Police nationale. Ils ont tous franchi la première étape de sélection, la validation administrative de leur inscription. Pour postuler, le policier doit justifier de cinq ans minimum de service, avoir moins de 35 ans et présenter des notations exemplaires.
Parmi les candidats de la région Rhône-Alpes, Bruno C., 32 ans, est père de deux enfants, policier depuis 2004 et en poste dans une section d’intervention de la région. Il ambitionne d’intégrer le RAID :
“Je suis devenu policier pour servir mon pays, et le faire au sein du RAID serait un aboutissement professionnel.”
Les candidats sont réunis dans un local adjacent au gymnase. Hafid C., conseiller technique régional en APP auprès de la délégation interrégionale au recrutement et à la formation (DIRF) sud-est de la Police nationale, leur adresse un dernier conseil : “Le plus important est l’état d’esprit que vous afficherez. Rien ne sert d’en faire trop. Privilégiez la qualité des gestes à la quantité.” À quelques minutes de la première épreuve, dix hommes du GIPN de Lyon entrent dans le gymnase, en tenue. La tension monte chez les candidats. “C’est impressionnant de passer les tests sous les yeux de nos aînés. Ça fait envie de les voir ici.”
Pour la première épreuve, les candidats doivent réaliser deux montées de corde de 5 mètres sans contrainte de temps. Bruno est le premier à réussir le test. S’ensuivent les pompes jusqu’à épuisement. Notre candidat se lance et enchaîne les pompes à une vitesse hallucinante. Les deux évaluateurs comptabilisent le nombre de mouvements. Les tests de force s’enchaînent pour clore cette matinée “physique” : tractions, répulsions et relevés de jambes jusqu’à épuisement. Chaque geste est observé, analysé, décortiqué.
L’après-midi est consacré à l’endurance avec le test Cooper, qui consiste à parcourir la plus grande distance possible en douze minutes, suivi d’un sprint sur 50 mètres. En couvrant 3 300 mètres, Bruno réalise une belle performance, supérieure aux minima du RAID. Il repart de cette journée de tests épuisé, dans l’expectative et peu confiant sur ses chances d’être retenu.
“Ces prérequis permettent de faire le tri parmi les candidats, explique Hafid C. Notre mission est d’être un relais efficace et loyal du RAID. Il nous est demandé de mettre en oeuvre ces épreuves qui collent à un règlement particulier. Nous l’appliquons donc sans y déroger. À l’issue des tests, nous adressons au RAID un récapitulatif des résultats de chacun, éventuellement complété d’observations : respect des consignes, non-conformité des gestes, comportement général… Notre implication dans les sélections s’arrête là.”

Mars 2011 – Dans la banlieue lyonnaise

Bruno C. reçoit un télégramme en provenance du RAID. Après analyse des résultats nationaux, l’unité a décidé de le convoquer pour l’étape suivante : “Une immense joie et une belle fierté. Je vais me préparer du mieux possible, mais le plus important sera de rester moi-même.” Il est l’unique candidat de sa région à décrocher le précieux sésame.
 

Avril 2011 – École de police d’Oissel (Seine-Maritime)

En ce mercredi matin d’avril, les visages des 43 candidats encore en lice, sur les 48 présents au départ de cette semaine à Oissel, sont marqués par les efforts et la fatigue. Après trois jours de tests en tous genres, claustrophobie, filature, boxe anglaise, parcours police…, ils viennent d’achever une marche de nuit de plus de 50 km dans la campagne normande. Ils sont en action depuis plus de vingt-quatre heures sans interruption. Pourtant, la plus grosse journée de tests de la semaine débute, alors que les candidats commencent à atteindre leurs limites physiques et, pour certains, psychologiques. Bruno revient sur son début de semaine :
“C’est vraiment dur physiquement. Les épreuves s’enchaînent à vitesse grand V, on passe d’un atelier à l’autre, d’un savoir-faire à l’autre. Le plus dur est de gérer la pression psychologique car on ne sait jamais à quoi s’attendre.”
Les candidats sont répartis depuis leur arrivée en différents groupes selon leurs demandes d’affectation. Chaque groupe est encadré par un homme du RAID ou d’un GIPN ainsi que d’un psychologue de la DRCPN. Le test psychotechnique a d’ailleurs été, dimanche, la première épreuve de la semaine : “Il permet de donner le profil d’un candidat en fonction de critères psychologiques, explique Marie-Anne L., psychologue et responsable de la cellule psychométrie à la  sous-direction de la formation et des compétences à la DRCPN. À travers deux grands domaines, les aptitudes intellectuelles et la personnalité, nous parvenons à déterminer la capacité des stagiaires à se fondre dans un groupe, à réfléchir en intervention, à prendre des décisions dans des situations extrêmes, à gérer leur stress, ou encore à avoir des dispositions psychologiques particulières.”
Bruno C. se présente à l’épreuve des gestes techniques professionnels d’intervention (GTPI). Un instructeur d’un GIPN annonce le scénario de l’exercice : “Un individu a tiré sur l’amant de sa femme et s’est retranché, seul et armé, au fond d’une cave. À vous de l’arrêter.” En binôme avec un autre candidat qu’il ne connaît pas, notre policier s’équipe d’un masque, de menottes, d’un pistolet et saisit un bouclier pare-balles. Avec son collègue, il s’avance prudemment dans la cave plongée dans le noir, mais sous les yeux de plusieurs membres de l’encadrement du stage et d’un psychologue. Après quelques mètres, un premier coup de feu fait monter la tension. Les deux candidats tentent d’instaurer le dialogue avec l’individu. Sans résultat. Ils doivent donc continuer à progresser sur ce terrain hostile. Après plusieurs minutes, les deux hommes parviennent au fond de la cave où “l’acteur” du RAID est retranché. Ils remarquent que l’arme a été jetée au sol. En une fraction de seconde, Bruno prend la décision de se ruer sur son adversaire et l’immobilise contre un mur avec le bouclier. Fin du test.
Les deux candidats ressortent de la cave et se trouvent alors face à une dizaine de personnes pour un débriefing détaillé, pointilleux même. Chaque réaction, chaque parole, chaque attitude est passée au crible, alors que l’action en elle-même n’a duré qu’une poignée de minutes. “L’intérêt est d’avoir leur ressenti immédiat sur ce qu’il vient de se passer, justifie un responsable GIPN. Nous jugeons ainsi leur capacité d’analyse, leur discernement et leur propension à se rendre compte de leurs éventuelles erreurs. C’est aussi un moyen de leur expliquer leurs éventuelles fautes, qui justifieront ensuite leur note sur cet exercice.”
À peine le temps de souffler que le groupe de Bruno est appelé sur un autre atelier : l’épreuve de force. Le candidat, lesté de plusieurs kilos, doit soulever des charges lourdes, tracter puis pousser une voiture, courir avec un bélier de 30 kg et, enfin, évacuer deux “blessés” installés dans le véhicule. Et de courir immédiatement vers l’épreuve de “patience”, puis celle de discernement, puis de tirs, puis d’endurance…
Le rythme imposé aux stagiaires est tout à fait calculé.
 
“La fatigue est un élément extrêmement révélateur. Lorsque les candidats sont à la limite de leur résistance, les masques tombent ; dès lors il devient plus difficile de jouer un rôle pour séduire les évaluateurs. Les vraies personnalités, bonnes ou moins bonnes, se révèlent et c’est ce qui nous importe.”
 
Après plus de trente-six heures d’efforts et de concentration, les candidats restants s’endorment à 19 heures, rompus de fatigue.
La dernière journée de tests débute dès 7 heures dans le dojo de l’école. D’un côté, une quarantaine de candidats courbaturés aux corps affaiblis par une semaine d’épreuves en tout genre. De l’autre, dix hommes du RAID et des GIPN aux physiques affûtés et experts en boxe française, karaté, boxe thaïlandaise… “Nous voulons les pousser dans leurs derniers retranchements, explique un boxeur du RAID, les agresser sans les blesser, évaluer leur résistance et leur état d’esprit combatif. Même si ça fait mal au coeur de les combattre vu leur état de fatigue, c’est le passage obligé pour continuer.”
Dans un dojo adjacent, Bruno finit son échauffement. Il sait que tout va se jouer en trois minutes : 1’30” contre un autre candidat et 1’30” contre un membre du RAID. “Je ne lâcherai rien. Je me suis pris une “raclée” monumentale il y a trois jours en boxe anglaise et j’espère juste affronter le même adversaire pour lui montrer ma réelle valeur.” Les évaluateurs veulent que les candidats profitent du premier combat pour montrer leur technique et du second pour prouver leur combativité. Comme souhaité, Bruno est confronté au même adversaire du RAID, mais cette fois pour un combat pieds-poings. Rageur, il se lance à l’assaut et parvient à toucher à plusieurs reprises son adversaire. Sous les ripostes, Bruno tombe au sol mais se relève aussitôt pour ne pas montrer de signe de faiblesse. Le courage et le coeur face à la force et la maîtrise. La prestation de Bruno conquiert les évaluateurs, qui lui attribuent une bonne note. Pour les candidats plus limités techniquement ou simplement épuisés, cette épreuve est un cauchemar. Certains finissent en sang, tombent à plusieurs reprises, foncent tête baissée, ne se protègent même plus… Mais tous se relèveront, conscients de l’enjeu…
La piscine est la dernière épreuve proposée, et souvent la plus redoutée. Après un parcours subaquatique particulièrement déstabilisant, les postulants doivent nager 25 mètres en apnée, escalader une échelle de corde, chercher un mannequin à quatre mètres de profondeur et effectuer avec lui une longueur de bassin. Pour le chef de l’unité plongeurs du RAID, ce test permet « de juger l’aisance aquatique, de voir évoluer les candidats dans un milieu inconnu. Nous les plaçons dans une situation totalement nouvelle, à eux de s’adapter du mieux possible. » Bruno, bien entraîné, passe le test avec succès.
Dernier jour. Les candidats sont réunis dans l’amphithéâtre de l’école. Certains font grise mine. La suite leur donnera raison. Sur les 48 réunis au départ, seuls deux candidats ont été au final retenus pour rejoindre le RAID et cinq les GIPN. Bruno en fait partie. Nous le retrouverons au mois de septembre pour le début de sa formation, toujours éliminatoire. Puis viendront six mois d’observation au sein d’une unité. Peut-être qu’à l’issue il vivra de l’intérieur la cérémonie d’intégration dans l’unité d’élite…

Source :http://www.police-nationale.interieur.gouv.fr/- Photo © Ministère de l’Intérieur (juillet 2011)

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