Les hommes du « GIP » marseillais, comme ils se baptisent eux-mêmes, refusent pourtant l’étiquette de « super-flics » que les médias leur ont collée.
« Nous sommes davantage des policiers sportifs que des sportifs policiers » renchérit le Commandant Didier Andrieu qui dirige le groupe depuis 1996 après trois années passées au RAID.
C’est un spécialiste des sports de combat.

Le groupe – car c’est toujours en terme de groupe qu’il faut résonner – a fait preuve à de multiples reprises de son efficacité, comme ce fameux 2 Septembre 2001 à Béziers.

Ce jour-là, un islamiste sème la terreur dans les rues de la ville. L’homme abat tout d’abord d’une rafale d’AK-47 le directeur de cabinet du maire avant de tirer une roquette de RPG-7 sur une voiture de patrouille, à quelques mètres du commissariat.
Par miracle, les fonctionnaires assis dans le véhicule ne seront pas blessés. Mais c’est une situation de guerre.
Didier Andrieu est appelé sur place avec ses hommes.

Il a parlementé de longues minutes au téléphone avec celui qui se présentait comme un « combattant ». Il a fallu beaucoup de diplomatie et de conviction pour attirer le jeune tueur à l’extérieur de la ville, dans le parc des expositions.
« Je lui ai dit : les combattants, ça s’affronte sur un champ de bataille, pas au milieu des civils. »
Et l’interlocuteur se laisse convaincre. Dans le parc, celui qui portait sur lui le numéro de téléphone de Zacharias Moussaoui est touché par trois tireurs d’élite. Synchronisation parfaite, trois projectiles en pleine tête.

Une sélection draconienne
Cette opération délicate qui mêle psychologie et précision dans l’intervention résume à elle seule les hommes du GIPN.
Un large éventail de compétences est réclamé. A la différence du RAID qui dispose de psychologues négociateurs dans les phases de crise, le GIPN table sur une polyvalence de chacun.
Les uns et les autres sont naturellement portés vers une spécialité conforme à leur goût :
Tir, conduite rapide, sports de combat… Mais chaque homme doit être capable de remplir la mission de l’autre et de se substituer au spécialiste initialement désigné.
Tous les policiers du GIPN sont par ailleurs appelé à jouer les négociateurs si la situation le réclame.
Une sélection draconienne est donc organisée pour obtenir un personnel vraiment polyvalent. Un concours est ouvert sur tout le territoire.
Il fournit en effectif les sept GIPN répartis sur la métropole : Lyon, Lille, Strasbourg, Bordeaux, Rennes, Nice et bien entendu Marseille dont la zone de compétence s’étend sur huit départements, des Bouches du Rhône aux Pyrénées Orientales.
Chaque année près de 300 postulants se manifestent. Un premier tri sur dossier permet de retenir 48 prétendants.
En bout de course et après passage de tests entre 10 et 20 candidats sont retenus au plan national.
« A Marseille, j’évalue entre deux et trois éléments le turn over annuel au sein du groupe » précise Gérald, l’adjoint du Commandant.
Mais l’appartenance au groupe n’est pas acquise. Les membres du « GIP » repassent les tests d’habitude tous les trois ans.
« Je n’ai jamais constaté d’échec aux tests de contrôle et c’est normal. Quand un homme n’est plus apte ou moins motivé, il est repéré par la hiérarchie et écarté » confirme Gérald.
 

 
Concentré sur les situations de crise

Le GIPN, c’est en effet un état d’esprit et une école où les « apprentis-rambos » n’ont pas droit de cité.
Au-delà des qualités physiques, les états de service et les compétences en matière de procédure et de technique policière sont décisifs dans la sélection.

Selon une organisation parfaitement huilée, les vingt-quatre membres du GIPN fonctionnent en trois groupes de huit. L’un est affecté à la permanence des missions dites prioritaires. Un autre suit es entraînements spécialisés : tir, effraction, corde et groupe nautique qui est une singularité du GIPN de Marseille. Enfin, une troisième unité est affectée aux missions d’assistance judiciaire et de protection de personnalité.

« On constate une évolution depuis la création du groupe en 1972. Avant, nous étions constamment appelés. Aujourd’hui, d’autres services comme les BAC remplissent des missions qui nous étaient jadis dévolues. Nous sommes donc plus concentrés sur les situations de crise ».
Chaque année, le groupe assure 15 missions prioritaires, 80 missions d’assistance (filature, interpellations…) auxquelles s’ajoute la protection de personnalités, comme ce matin de printemps à Nîmes en vue de la venue de Jean Pierre Raffarin dans les célèbres arènes de la ville.
Si ce travail n’est pas le plus spectaculaire, il nécessite une longue et méticuleuse préparation. Gérald grimpe sur la plus haute arcade des arènes antiques pour positionner le meilleur angle le binôme composé d’un tireur d’élite et d’un observateur.

Ce dernier va scruter les immeubles alentour à la jumelle, plus particulièrement entre le moment où la personnalité descend de sa voiture et celui où elle pénètre dans le meeting. Le but est de repérer et d’éliminer d’éventuels tireurs en effectuant un « contre-sniping ». Gérald précise : « nous ne nous intéressons qu’aux fenêtres. Une fois la personnalité dans les arènes, ce n’est plus de notre ressort. Notre rôle reprend à la sortie quand elle regagne sa voiture ».
Ce rôle anonyme et peu spectaculaire fait partie du quotidien du GIPN, au même titre que les transferts de détenus réputés dangereux. Mais les moments les plus forts sont bien entendu ceux où les hommes peuvent faire étalage de toutes leurs compétences et satisfaire leur goût de l’action.


La garantie de la motivation, c’est l’entraînement.

Six heures du matin. Le Commandant Andrieu réunit toutes ses troupes dans la salle de réunion du commissariat Nord de Marseille. La mission du jour : neutraliser un groupe de malfaiteurs spécialisé dans les braquages dont le QG se situe dans le HLM La Busserine.
Des investigations du GIR ont démontré qu’une seule et même famille de Rmistes de la cité dispose d’un impressionnant patrimoine immobilier évalué à plusieurs centaine de milliers d’euros.
Le produit des braquages a été manifestement réinvesti.

Des informations font également état d’une récente livraison d’armes, notamment des M-16 et AK-47 en provenance de la région parisienne.
Méfiance donc. Tout le groupe est attentif. Gérald prépare chaque équipe et désigne les places dans les voitures.
Quelques minutes plus tard, les hommes du « GIP » vêtus de leur « tenue camouflage urbain » se positionnent sur le site.
Chaque groupe positionne des « libère-vite » hydrauliques sur l’encadrement des portes des appartements des suspects.
Ces derniers ont été repérés plusieurs jours auparavant par des enquêteurs du GIR.
La pression phénoménale de l’engin arrache dans un craquement sinistre et la porte, et le mur.
Comme dans un ballet méticuleusement réglé, les hommes casqués s’engouffrent dans l’appartement. Toujours en binôme. Un premier voltigeur muni d’un bouclier protège son collègue qui est collé à lui.

A l’intérieur des cris, des bruits de lutte et de meubles renversés, mais pas un coup de feu : « suspect maîtrisé, tout est clair » crie Gérald.
Ce matin-là, un des trois objectifs initiaux est rempli. Ce n’est pas si mal.
Il arrive en effet que les hommes du GIPN fassent chou blanc après des heures de planque dans des conditions éprouvantes.
Jamais ici on ne raisonne en termes d’échec.
La garantie de la motivation, c’est l’entraînement permanent qui maintient les hommes sous pression.
L’accent est mis sur la formation. Stéphane est l’un des anciens : ce formateur gère notamment l’armurerie . Il rappelle que les hommes du GIPN agissent dans le même cadre juridique que leurs collègues des unités classiques : en état de légitime défense.

Le souci d’efficacité.

Le tir n’est donc que l’ultime extrémité. C’est en quelque sorte un échec dans le processus de neutralisation. Les armes et munitions choisies répondent à une situation précise : ainsi, les cartouches graphites sont utilisées pour arrêter les véhicules, les balles de calibre 5,56 sont efficaces pour des tirs inférieurs à 100 mètres. Mais pour les longues distances, les tireurs d’élite font usage en priorité de balles blindées « Match Men » de calibre 7,62 de haute précision. L’unité est pourvue de fusils de précision Ultima Ratio et Steyr.
Les balles « frangibles » sont utilisées dans les milieux clos, « Minimum de tirs, maximum d’efficacité » telle est la devise du GIPN qui sélectionne ses armes avec minutie.

HK MP5 à lunettes, PA Glock 17 et 26, SIG 551 et fusil à pompe Remington 870 express, la panoplie étalée dans le véhicule d’intervention est impressionnante. Et chaque homme est parfaitement rompu au fonctionnement de ces armes.
Toujours dans un soucis d’efficacité et de limiter au minimum l’usage des armes létales, le GIPN est l’un des rares à bénéficier d’une nouvelle arme non mortelle : le Taser X26.

L’unité fut l’une des premières en France à tester ce pistolet électrique paralysant de fabrication américaine.
C’était le 16 Mars dernier contre une détenue des Baumettes qui menaçait de faire sauter sa cellule.
L’arme propulse deux dards de 5 mm dans les vêtements de la personne visée.
Les dards sont reliés à des fils invisibles qui transmettent une décharge électrique suffisante pour neutraliser la cible sur le champ.
Ce jour-là, l’arme a parfaitement rempli son rôle, mais des esprits chagrins et pétris d’humanisme remettent en cause l’utilisation du Taser en milieu carcéral.
Pour les hommes du GIPN, il est parfois difficile, sinon impossible de lutter contre ces adversaires-là.

Tiré du mensuel RAIDS n°225 – Février 2005
Article de Jean-Michel Verne

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