Sur les images du cortège, on les voit regarder  en l’air ou scruter  la foule, presque comme s’ils s’ennuyaient. Costume sombre, œil aux aguets, ils encadrent les « officiels ». Ce sont eux, les visages inconnus des premières lignes de la marche du 11 janvier.

Ils évitent d’être filmés, tentent de disparaître  du cadre des photos officielles et renâclent à parler  de leur métier : les 500 officiers de sécurité de la sous-direction des personnes protégées du SDLP (service de la protection) recherchent l’anonymat presque autant qu’ils traquent le danger. Ils protègent les ministres, le président, les chefs d’Etat étrangers en visite, les juges antiterroristes et les membres de la société civile que l’Uclat (Unité de coordination de la lutte antiterrorisme) estime menacés.
Ils sont en deuil et épuisés. Quelques heures de repos seulement depuis ce 7 janvier où, pour la première fois de leur histoire, l’un des leurs est mort en service. Dans les locaux de Charlie Hebdo, Franck Brinsolaro, 48 ans, le garde du corps de Charb, a été assassiné en même temps que celui qu’il protégeait.

« En face, il y a des gens avec des armes lourdes »

Au SDLP, rue de Miromesnil, à Paris, on a eu peu de temps pour se recueillir. Une minute de silence, quelques larmes, et beaucoup de nuits blanches depuis. Il a fallu organiser les nouvelles missions — le nombre de personnes à protéger a augmenté depuis la semaine dernière — et préparer  la marche du 11 janvier, où 44 chefs d’Etat ou de gouvernement étrangers sont venus rendre  hommage aux victimes des attentats.

« On est là pour faire régner la paix et pour protéger des vies. En face, il y a des gens qui partent à la guerre avec des armes lourdes », déplore Abdelhalim Benzadi, délégué syndical Alliance au SDLP. En septembre 2014, il dénonçait déjà, avec d’autres syndicats policiers, un manque de moyens matériels et humains pour assurer des missions toujours plus nombreuses.

A part leur Glock à la ceinture, rien ne distingue les hommes du SDLP de ceux qu’ils protègent. « Ce n’était pas un grand baraqué, mon mari, dit Ingrid Brinsolaro dans un entretien accordé à Ouest  France, mais un homme fin, discret, qui adorait son métier. »
« On est comme des extincteurs », décrit Abdelhalim Benzadi. Invisibles mais indispensables, immobiles et mobilisés. Leur première qualité : ne pas gêner. « On n’a pas toujours envie d’avoir un chien de garde », souligne l’ancien officier de sécurité de Nicolas Sarkozy et de François Baroin, qui a depuis intégré le service des missions temporaires, chargé de la sécurité des personnalités étrangères.

 

Adaptabilité, discrétion, il faut apprendre le langage et les coutumes de « sa » personnalité — c’est comme ça qu’ils disent, souvent avec affection, pour parler de celui qu’ils protègent. Du matin au soir, ils le suivent, l’accompagnent. Des journées de dix-sept heures, où ils partagent avec « leur » VIP l’intimité d’une voiture, mais aussi une conversation, parfois un repas. Gardes du corps, chauffeurs, « super-nounous » aussi, débrouillant toute difficulté, des visas à obtenir aux enfants à récupérer. « On est dans le premier cercle, on part avec eux en vacances, on connaît leur famille », explique Abdelhalim Benzadi.

« Avec “ma” personnalité, on n’avait plus besoin de parler pour se comprendre. On se regardait, on savait ce que l’autre pensait, explique, nostalgique, Christophe Crépin, porte-parole du syndicat UNSA Police. C’est une relation de mimétisme. » Dans un entretien à la revue Charles, en juin 2013, Charb l’évoquait avec humour : « Des fois, je finis par me demander si ce n’est pas moi qui bosse dans la police, et eux qui vont à Charlie Hebdo. »

Le 7 janvier, Franck Brinsolaro est mort en service. « Il est mort pour la liberté de la presse », a dit sa femme. Sur les pancartes dimanche, on pouvait lire  côte à côte les slogans « Je suis Charlie » et « Je suis flic ».”

 
 
Source : LeMonde – article écrit par Laure Mentzel le 15 janvier 2015

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