« Le RAID, force d’intervention de la Police nationale, fête officiellement ce jeudi 23 octobre ses 40 ans. À cette occasion, CNEWS explore la genèse de cette unité d’élite à travers les yeux de son cofondateur, Ange Mancini.

«Servir sans faillir». Force d’intervention d’élite de la Police nationale, le RAID (pour «Recherche, Assistance, Intervention, Dissuasion») célèbre ce jeudi son 40e anniversaire. Ange Mancini, cofondateur et premier dirigeant de cette unité, raconte à CNEWS les débuts de cette aventure policière.

Comment l’idée du RAID a-t-elle vu le jour ?

L’idée d’un RAID traîne dans les esprits un peu partout dans le monde après l’affaire de l’assassinat des athlètes israéliens à Munich en 1972. A ce moment-là la Police nationale a créé des groupes d’intervention via un service qui n’était pas permanent : la BAC, qui regroupait trois autres services.

Parallèlement, en 1974, l’armée a créé le GIGN (Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale). Sauf que, très vite, on s’est rendu compte qu’avec la découpe territoriale entre la Gendarmerie et la Police nationale, le RAID ne pouvait pas agir sur l’ensemble du territoire national.

« 1200 candidatures pour 80 postes« 

Avec Robert Broussard, quand on s’est retrouvé en Corse entre 1983 et 1985, on a eu l’idée de récupérer la BAC pour en faire un service national. Évidemment, le directeur de la police judiciaire nous a dit : «Vous êtes bien gentils. Vous faites ce que vous voulez mais moi, je conserve ma BAC».

Du coup, quand Broussard a été nommé directeur général adjoint chargé de l’opérationnel auprès de Pierre Verbrugghe, il a vendu l’idée à laquelle on avait pensé. Avec l’accord de Pierre Joxe (ministre de l’Intérieur de l’époque), on a donc envoyé des télégrammes pour chercher des volontaires. On avait 80 postes opérationnels à pourvoir.

80 postes, c’est peu, comment avez-vous procédé à la sélection ?

J’étais le candidat de Brossard et du directeur général et j’ai été choisi pour diriger le RAID et on m’a demandé de former le service en juin 1985. Ça a été très compliqué. On a eu 1.200 candidatures pour 80 postes. Le but, c’était d’avoir des recrues de tous les grades, tous les services, tous les corps existants pour que le RAID soit représentatif de la Police nationale.

Le recrutement c’est fait en deux temps. D’abord sur dossier, on avait décidé qu’il fallait au moins cinq ans d’ancienneté dans la police et après on a organisé une semaine de recrutement physique. On a réuni les candidats sélectionnés sur dossier et on leur a fait subir des tests physiques, psychologiques, médicaux pour en tirer les meilleurs.

Pour être certain d’avoir 80 recrues, on en avait sélectionné 160 pour cette semaine et on a pu en sélectionner 40… On a donc recommencé une nouvelle sélection et on a réussi à avoir nos 80 membres du RAID, qui devaient être opérationnels en décembre 1985.

Quand on y pense aujourd’hui le RAID compte 500 effectifs. En 2024, il a effectué plus de 1.500 interventions ! C’est un service indépendant mais surtout un service d’assistance des autres services.

La prise d’otages du palais de Justice de Nantes en décembre 1985, a été la première mission de grande envergure du RAID. Vous souvenez-vous de ce jour ?

Oui, on venait de rentrer de notre première mission. Une mission de protection du président de la République (ndlr. François Mitterrand) lors d’un déplacement en Guadeloupe. Il avait reçu des menaces de mort. On venait de rentrer et j’étais en train de préparer l’installation du RAID à Bièvres quand on a reçu l’appel pour cette prise d’otages. On était à la veille de Noël (ndlr. Le 19 décembre 1985).

« Imaginez 30 gaillards en noir en train de marcher dans la neige »

Il y a eu 37 heures de négociation avec Georges Courtois, un voyou d’une quarantaine d’années qui avait déjà vingt ans de prison derrière lui. Avec deux complices, il a pris en otage la cour d’assises de Nantes. En tout une quarantaine de personnes, magistrats, avocats, étudiants, jurés…

Il était en train d’être jugé quand un de ses complices, Abdelkarim Khalki, est arrivé avec des armes et a menacé tout le monde. Il avait un revolver dans une main et une grenade dans l’autre. Et avec Courtois et un autre complice qui était, lui aussi, en jugement, Patrick Thiolet, ils ont pris en otage la cour.

Vous êtes restés cinq années à la tête du RAID, avez-vous des anecdotes à nous partager ?

Oui, il y a eu l’affaire marseillaise du gang des Postiches en décembre 1986. Ils nous ont bien eu en fuyant par les égouts. Ils ont fait un super boulot en préparant plusieurs mois à l’avance un tunnel dans les égouts. Il y avait de la moquette, l’électricité et c’était caché par une plaque de bronze boueuse.

Ils ont fait jouer la comédie à leurs otages en les faisant taper sur des murs et autres pour faire croire qu’ils étaient toujours là mais ils avaient filé après avoir vidé les coffres. Mais on a fini par les attraper !

Il y a aussi l’affaire de l’arrestation des quatre chefs d’Action Directe en février 1987 dans une ferme de Vitry-aux-Loges. Quand on a été appelé sur cette opération, il avait neigé et nos uniformes étaient noirs. Quand on les a choisis, on s’est dit que la couleur noire, c’était bien parce qu’intimidant et qu’on pourrait se fondre dans la nuit.

« Le RAID a gardé son âme »

Alors imaginez 30 gaillards en noir en train de marcher dans la neige. On se disait : «On va se faire repérer». Mais heureusement ils ne nous ont pas vus.

Quand le RAID est né, nous n’avions pas de devise. On l’a trouvé un peu plus tard, enfin, c’est la femme de Broussard qui a trouvé. Il lui a dit qu’on cherchait une devise et un matin, elle lui a dit : «J’ai trouvé la devise ‘Servir sans faillir’».

40 ans après, que ressentez-vous en voyant ce qu’est devenu le RAID ?

Je suis très heureux de l’avoir créé mais je suis encore plus heureux de voir ce que c’est devenu. La force du RAID, c’est d’avoir pendant qurarante ans eu la capacité de s’adapter de façon permanente. Mais si tout a bougé dans le RAID, ce qui reste depuis sa création, c’est son aspect moral.

Le boulot du RAID, c’est d’intervenir puis de disparaître et de laisser la place au service que l’on assiste, ceux qui n’ont pas les moyens, les techniques d’agir dans certaines situations. Quand on voit que le service a gardé son âme, c’est une fierté immense de voir ce qu’il est devenu. »

Source : Cnews.fr – article écrit le 23 octobre 2025 par Quitterie Desjobert
Photo @ Ludovic MARIN / POOL / AFP

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