« Deux écoles de l’intervention, issues de la Police et des Forces Spéciales, se sont confrontées, fin Septembre, lors d’une semaine d’échanges prolifiques en région parisienne.
Dans un craquement sinistre, la porte métallique cède, sous la poussée des vérins hydrauliques du Libervit.
Le temps de la tirer, et une horde en kaki et en noir s’engouffre dans une enfilade de galeries pour libérer les « otages » et neutraliser les « terroristes ».
C’est le résultat d’années d’entraînent et, dans ce dédale de souterrains, d’une infiltration commencée trois heures plus tôt par trois snipers du RAID, sous l’œil observateur d’un des membres de la cellule formation du RAID, Y., un ancien commando Marine qui a servi chez Penfentenyo.
Les modes de travail sont radicalement différents d’une unité à l’autre, mais les deux entité ont en commun des compétences en matière d’acquisition du renseignement, d’intervention, et la même  passion de l’expérimentation.
Les paras sont venus à huit : sept d’un groupe de chuteurs opérationnels de la 1° compagnie SAS, et un personnel de l’instruction spécialisée.

A huit, ils dégagent  une impression de puissance, bien qu’ils soient venus sans leurs propres armes ( le RAID leur a prêté des Glock et HK G36C transformés pour le tir de Simunition) : ils n’ont que leur casque, leur pare-balle, et un lourd bouclier spécialement conçu pour l’invex.

Félins, souples et manœuvriers, comme dit l’adage militaire, mais il s’y prête : les paras sont en mouvement permanent, couvrant tous les secteurs dans le dédale de couloirs et de souterrains, jusqu’à leur objectif.

Pour les policiers, la conception de l’approche est assez différente, car en milieu urbain, et de surcroît en France, l’appui est permanent, et les types de danger connus.

Evoluant en territoire adverse, les Forces Spéciales sont formées à gérer les approches en s’auto-appuyant.

Les interventions du RAID sont majoritairement réalisées en milieu urbain, mais deux ans après leur création, les « Raidmen » ont effectué en 1987 une le leurs plus belles opérations au cœur de la compagne du Loiret, pour interpeller les quatre dirigeants de Action Directe, vivants.

Depuis, régulièrement, l’appel de la forêt –ou du maquis- les prend.

Les modes opératoires doivent s’adapter. Le premier signal est venu en  2003 avec les opérations pour retrouver Yvan Colonna, en Corse, puis un autre fugitif Jean –Pierre Treiber.

Régulièrement, les policiers sont requis pour s’enfouir et … observer pendant plusieurs jours.

Ils l’ont fait en Auvergne à 1200m d’altitude sur une équipe de l’ETA logée dans deux chalets postés en zone boisée, en Octobre-Novembre 2010 dans la région d’Epinal, en Décembre 2010 en Corse.

Du maquis au métro

Les hommes en noir ont pu bénéficier des techniques du 13°RDP en matière d’enfouissement, mais aussi du 1°RPIMA en matière de tir à longue distance : le tir police, qui initialement ne portait qu’à quelques dizaines de mètres (25-120 m), a dû s’adapter avec le terrorisme.

Amaury de Hautecloque, le contrôleur général qui dirige le RAID, a fixé à son service, fort de 160 hommes et femmes, un cahier des charges particulièrement exigeant.

Il faut notamment diversifier les environnements, travailler sur les structures tubulaires.

Le RAID a en charge, directement ou indirectement, le tunnel sous la Manche, les métros des grandes métropoles, et : des cibles rêvées pour les terroristes.

Laser 1 (indicatif du patron du RAID) a confié la construction d’une cellule de tir  renforcée à un capitaine de police (M.) qui a fait ses classes au  13°RDP, puis dans l’appui opérationnel, au RAD, M.  a déjà quasiment amené ses tireurs d’élite à la moitié de leur progression.

Certains sont déjà très aguerris comme P.P, un des piliers  de la communauté des snipers, et armurier de son état. Il y a aussi J., un ancien sous-officier de la Légion.

Et des jeunes, qui sont devenus des adeptes du HK417, livré il y a quelques mois, pour assurer les missions à l’étranger, notamment en Afghanistan.

Les policiers viennent aussi d’étrenner le SCAR, lors d’une mission de protection présidentielle en Libye dans laquelle ils ont d’ailleurs croisé des personnels du régiment.

Le chef de la cellule snipers du RAID a emmené ses ouailles faire un tour de France, pour emprunter  les meilleures pratiques là où elles existent, y compris dans sa première, à Dieuze.

Les snipers de la police sont aussi en cours d’acquisition d’une compétence en appui feu tireur embarqué (AFTE).

Et l’analyse de la menace y est beaucoup plus fine : la culture de l’expérimentation se développe de plus en plus.

Il faut désormais que les balles puissent traverser plusieurs couches successives après avoir parcouru éventuellement  plusieurs centaines de mètres.

Et ceci, sans se disperser et sans toucher les otages à proximité.

Il faut donc aussi expérimenter  in vivo une pratique  qui s’est développée au RAID, comme cette campagne sur des métros réalisés dans l’Est, il y a seulement quelques semaines.

Tous les calibres et types de munitions ont été testés sur une rame de métro, avec minutie.

Les résultats de l’étude, menée par le pilier de la cellule de tir, sont présentés  à l’équipe  du 1°RPIMA, dans un centre de formation de la RATP.

Comme ils le font régulièrement dans d’autres milieux, les commandos du  1°RPIMA doivent être  accoutumés aux environnements  tubulaires, y compris en zone urbaine, d’autant plus que plusieurs pays dans le monde utilisent des métros  français.

Ce milieu est très particulier, avec une kyrielle de véhicules différents,  dont la neutralisation peut changer du tout au tout d’un modèle à l’autre.

Certains métros on, en plus, des portes palières.

L’usage des explosifs dans le milieu aussi confiné, et pourvu de grosses surfaces vitrées, n’est pas non plus neutre.

Pour couronner le tout, du 750 volts règne à côté des rails.

Bref,  les parachutistes découvrent  l’immensité du sujet, captivés par l’étude de la Police.

Le chef des snipers du RAID explique aux Bayonnais tous les ressorts de ce milieu, présente brièvement les études, en promettant de transmettre.

Les cheminots expliquent  aux commandos les différents ressorts d’action, présentent même un de leurs véhicules techniques qui pourrait être  utilisé pour l’intervention.

Puis c’est le passage au concret.

Le sniper du RAID se place en appui à plusieurs centaines de mètres, avec son HK417 pourvu d’une puissante lunette de vision nocturne  arrivée la veille au service.

Cette  NSV-600  de NSOLT est couplée à un illuminateur désignateur  ANPQ-2 et une lunette claire NightForce (x 3,5 –x15).

L’occasion de constater que la lumière des tunnels parisiens n’apprécie pas forcément les réglages d’une nuit étoilée à Beynes, où les policiers vont souvent s’entraîner.

A l’autre bout du tunnel, les paras progressent  dans le noir complet, sans générer un décibel de bruit, alors que les cailloux qui forment le ballast n’attendent que ça.

Un signal signifiant  la mort d’un des preneurs d’otages sans la cabine de conduite… Puis les huit paras pénètrent comme un seul homme dans la rame. Terroristes neutralisés, otages saufs : mission accomplie.

Le RAID en pleine évolution

Cette semaine d’échanges est à l’image du virage pris par le RAID ces dernières années, suivant en cela l’évolution du terrorisme de masse.

Le RAID a totalement mué, sans changer d’effectif (160 policiers).

Il est aujourd’hui la tête de ligne de la Force d’Intervention de la Police Nationale (FIPN), créée à l’initiative du DGPN Frédéric Péchenard (comme le numéro deux de la BRI-BAC, il est passé par le 1er RCP étant jeune, Amaury de Hautecloque, descendant du Maréchal Leclerc, a effectué son service national chez les commandos Marine, à Lorient) et de ses 422 membres, issus aussi des GIPN et de la  BRI-BAC parisienne.

Cette FIPN bénéficie de moyens d’appui diversifiés, de hors-bord fluviaux, de tracteurs anti-émeutes, de bulldozers de force et même de minidrones à voilure tournante.

Depuis quelques mois, il est aussi abonné aux hélicoptères du Groupe Interarmées d’Hélicoptères (GIH), initialement créé en 2006 par le COS pour les seuls besoins du GIGN.

Plusieurs centaines heures sont aussi consacrées, sur les hélicoptères de la Gendarmerie, à l’entraînement  à l’aérocordage et à l’AFTE (une séance par semaine avec la section aérienne de gendarmerie de Villacoublay).

Les échanges peuvent être qualifiés de prolifiques avec le COS et ne sont pas à sens unique, puisque chacun apporte ses points de force.

Les tireurs du RAID ont bénéficié d’échanges avec le Commando Montfort, le 1°RPIMA (il y a aussi eu des rencontres sur le Nedex et les explosifs) et le 13°RDP (ainsi qu’avec le 3°RPIMA).

Le RAID a aussi fourni au 13°RDP une équipe pour l’exercice Eugénie, cette année.

Plusieurs séjours réciproques ont déjà été organisés par les deux unités depuis 2009.

Une bulle tactique radio est aussi développée par EADS avec les Commando Marine.

Cette association permet de mieux répartir  les coûts de développement  (700 000  euros).

Si chacun reste dans sa sphère opérationnelle, ces échanges permettent de mieux appréhender les réalités de demain, qu’elles soient tactiques… ou budgétaires, tout en permettant  aux hommes, fondement de l’efficacité de ces unités, d’être encore plus performants. »

Article tiré du mensuel RAIDS n°306 – Novembre 2011
Texte et photos de Jean-Marc Tanguy
Photo © Sandra Chenu Godefroy

 
 
 

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admin@fipn-sdlp.fr

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