« Désormais, les policiers nouvellement affectés au RAID et aux GIPN suivent, durant un mois, un stage commun d’intervention. La poursuite d’ une logique visant à mieux coordonner l’activité, la formation et l’équipement de la filière intervention de la Police.
Fréderic Péchenard (Directeur Général de la Police Nationale) s’est déplacé en personne,
Le 04 Juillet 2008, pour remettre l’habilitation à 20 stagiaires du RAID (huit fonctionnaires dont deux lieutenants) et du GIPN (douze) formés ensemble durant un mois au sein d’un « tronc commun d’intervention » (TCI), à Bièvres, base du RAID.
En Octobre, c’est une promotion de futurs membres des GIPN qui a également été formée sur ces nouvelles bases, à Bièvres.
Désormais, tous les entrants de la filière intervention de la Police Nationale ( FIPN) franchiront ce passage obligé.
Cette nouvelle approche du domaine permettra de constituer « un réseau » à part entière, avec le RAID « en tête de réseau » et des irrigations dans la France entière (y compris en Outre-Mer) représentées par les GIPN.
« Une filière de 400 spécialistes garantissant la force de frappe nécessaire », a auguré Fréderic Péchenard, le 04 Juillet. L’idée est ancienne, mais sa concrétisation a régulièrement buté sur plusieurs obstacles. Notamment parce que le RAID dépend directement de la Direction Générale de la Police Nationale, alors que les GIPN sont placés sous la responsabilité de la Direction Centrale de la Sécurité Publique.
Il n’en sera désormais plus de même lors d’une opération de grande ampleur, le chef du RAID prenant la direction opérationnelle du tout. C’est, par exemple, ce qui a été effectué lors de l’exercice de prise d’otages massive (PROM) au Stade de France en Juin, mobilisant également le GIGN.
La possible mobilisation d’effectifs aussi importants, venus d’horizons aussi différents, permet de traiter des actions engageant un grand nombre de terroristes et/ou un grand nombre d’otages.
Ou encore, plusieurs actes terroristes (prises d’otages simultanées en différents lieux, chantages aux biens..).
Organiquement, chacun restera à sa place hors de ce créneau d’urgence, tout en recherchant les voies de synergies nouvelles.
Un modèle qui a le mérite de ne froisser personne, tout en augmentant l’efficacité de l’antiterrorisme français, objectif lancé par la ministre de l’intérieur et le Président de la République en personne. Depuis 2002, le RAID et dans une moindre mesure, les GIPN ont connu un renforcement (humain et matériel) sans précédent, même si cet effort doit être poursuivi en permanence, pour combler les lacunes capacitaires et s’adapter à la menace.
Formation initiale commune mais aussi équipement commun, et désormais fréquence intervention réservée sur Acropol pour le RAID et les GIPN, ce qui leur permet, en cas d’intervention commune, de pouvoir simplement… communiquer. C’est tellement simple que personne, semble-t-il , ne s’était penché sur le sujet.
L’équipement individuel est aussi important, car on sait que c’est depuis longtemps une des lacunes capacitaires des GIPN financés en partie sur les budgets des Directions Départementales de la Sécurité Publique dont ils dépendent – pour 30 000 euros par an.
Frédéric Péchenard était lui-même directement sensibilisé au problème, puisque prenant localement la température du nouveau GIPN « Antilles » (monté en Janvier 2008), il avait constaté avec effarement que les opérateurs ne disposaient « ni de gilets, ni de casques lourds ».
Et que l’effectif de quinze équipiers était , en réalité, réduit à onze fonctionnaires.
Message reçu, semble-t’-il, par le représentant du DCSP qui évoluait dans le sillage du DGPN, à Bièvres, le 04 Juillet.
Les dotations en matériel d’intervention- gilet pare-balles, tenues, armement sont désormais en voie d’uniformisation.
Ce premier stage a eu une suite immédiate, avec le déclenchement d’un deuxième, en Octobre, uniquement au profit, cette fois des GIPN. Cette deuxième édition a profité du retour d’expérience du premier, et à terme, le TCI pourrait comporter peut-être un peu plus d’escalade. Difficile cependant d’être très éclectique, vu la brièveté du TCI.
Le principe du TCI annuel, au minimum, est désormais acquis, selon le DGPN.
Cette évolution significative n’est pourtant qu’une première étape dans le tableau général, en matière de formation, mais pas exclusivement. La formation de 20 « négociateurs régionaux » (deux par GIPN) commencera à l’automne à Bièvres.
L’excellence de la filière du RAID est déjà reconnue, puisqu’elle rayonne même jusqu’au sein de certaines structures du ministère de la Défense. Le RAID, qui vient de recevoir du GIGN une nouvelle qualification à l’aérocordage, va également transmettre ce savoir-faire aux GIPN, à partir d’hélicoptères appartenant aux formations aériennes de la gendarmerie (FAG). Ce qui permettra aux GIPN, dans leur zone , d’avoir un accès récurrents à ces mêmes machines.
Alors que l’accès à ceux de la Sécurité Civile était notoirement insuffisant, et pour tout dire, plutôt imprévisible.
RAID et GIPN vont aussi prendre l’habitude d’entraînements communs . Le premier aurait dû avoir lieu dès cette année, dans la région de Strasbourg, mais il a dû être reporté, pour des raisons de calendrier.
Le programme du TCI a été concocté lors de réflexions communs entre les formateurs du RAID (logés au sein de la 3° section) et leurs homologues des différents GIPN. En l’état actuel, le stage est essentiellement limité à la bonne acquisition des bases de progression tactique et de tir.
C’est cependant une phase cruciale qui oblige souvent les fonctionnaires à remettre en cause leurs acquis précédents.
Pour l’essentiel, les stagiaires proviennent des BAC ou des CRS.
La première phase concerne principalement le maniement et le port e l’arme lors de progressions tactiques basiques, sans l’équipement tactique, dans le Close Quarter Battle (CQB) du RAID.
Cet espace est reconfigurable à l’ envi, par le déplacement de cloisons en bois portées sur des câbles en acier. En surplomb, et dans le CQB même, les instructeurs scrutent les évolutions de leurs élèves, avant de longuement « débriefer » chaque progression, en nourrissant la discussion d’anecdotes extraites de leur expérience de terrain.
Au fur et à mesure , les scénarios se corsent, le poids sur les épaules des stagiaires augmente, avec le port du gilet lourd.
Et quelques éléments puisés dans la célèbre loi de Murphy viennent agrémenter les phases tactiques.
Le 2 Juillet, les 20 stagiaires n’ont plus tout à fait la même tête, et leurs instructeurs les affranchissent sur leur exercice de synthèse.
Une héritière kidnappée, une traque sans précédent de tous les services de police, et une information fragmentaires, collectée mais pas vérifiée. La jeune femme pourrait être séquestrée dans l’ancien siège social d’une société à l’abandon depuis plusieurs mois.
Or, une oreille policière y a entendu des bruits. C’est léger mais c’est la seule piste viable, et l’ultimatum approche.
Après un briefing rapide, vers 21 heures, les deux officiers étudient les différents scénarios possibles et composent leur colonne d’intervention.
Sur le trajet, la fiction rejoint la réalité, quand, par l’autoradio, on apprend qu’à l’autre bout du monde, Ingrid Betancourt a retrouvé la liberté…
Au bout de 20km, la colonne se scinde en trois branches. En 15 minutes, le bâtiment est investi, méthodiquement. Des cris de femmes sont entendus : les trois colonnes convergent . Les trois chefs se concertent brièvement, à la lueur, étouffée d’une lampe. Nouvelle phase de cris. C’est le « go ».
Une porte vole en éclats, peut-être une flashbang. Dans une confusion apparente, un puis deux kidnappeurs sont interpellés, et la victime mise en sécurité.
Un criminel a pu s’échapper, et il se barricade avec soin, narguant les opérateurs.
La configuration des lieux pose problème aux impétrants, qui essuient des tirs de grenades (à plâtre) pendant plusieurs minutes.
Après une ultime concertation, et venus de trois axes différents, les policiers arrivent enfin à maîtriser le dernier criminel.
Il est 23 heures… »
Tiré de POLICE PRO n°12 – Novembre Décembre 2008
Texte et photos de Jean Marc Tanguy