Paris, 13 novembre 2025.


La nuit tombe sur la capitale, mais une autre lumière s’installe doucement : celle des bougies alignées sur les trottoirs, des gerbes déposées à la hâte, des regards qui se croisent puis s’abaissent, par pudeur, par émotion. Dix ans après les attentats du 13 novembre 2015, Paris se souvient. Et ce soir, c’est toute une ville qui respire plus lentement.

Stade de France, 9 h 00

Devant la grille D, la même qu’en 2015, un groupe de proches se serre dans le froid humide du matin. Le président de la République arrive avec un bouquet blanc. Un silence compact recouvre les abords du stade ; seuls quelques clics d’appareils photo viennent entailler la scène. Les noms sont lus un à un. Un homme ferme les yeux à chaque syllabe, comme pour retenir la voix de quelqu’un qui ne reviendra plus.

Les terrasses du 11ᵉ, midi

Les passants ralentissent spontanément devant le Carillon, au Petit Cambodge, à la Bonne Bière, au Comptoir Voltaire et à la Belle Équipe. Des habitants déposent un café, une fleur, un billet griffonné. Une femme en manteau bleu s’arrête devant une plaque :
« J’avais 24 ans… c’est ici que j’ai compris que rien ne serait plus jamais pareil », murmure-t-elle.
Autour d’elle, les enfants du quartier courent, inconscients ; la vie reprend là où la mémoire insiste.

Bataclan, 16 h 30

Devant la façade noire, restaurée mais inchangée, les familles arrivent en silence. Quelques-uns ne se connaissent pas mais se reconnaissent, dans ces regards qui portent la même absence.
Un père a apporté la guitare de son fils. Il la pose contre un lampadaire et s’éloigne d’un pas tremblant.

Lorsque les noms des 90 victimes du Bataclan sont lus, les larmes coulent sans retenue. À la fin, une minute de silence. Une minute immense. Une minute où Paris ne respire presque plus.

RAID, BRI, BI : les forces de l’ombre

Dans les coulisses de cette journée d’hommage, les unités d’intervention — le RAID, la BRI et, plus rarement évoquée, la BI — sont discrètement présentes. Elles ne prennent pas la parole, elles ne défilent pas. Mais elles portent, comme les familles, la mémoire de cette nuit.

La BRI PP

Dans les couloirs sombres du Bataclan, c’est la BRI de Paris qui engage la première colonne. « On savait ce qu’on allait trouver, mais pas ce qu’on allait ressentir », confie aujourd’hui un ancien opérateur, présent dans l’assistance. Dix ans après, il garde le même regard précis, presque fixe.

Photo @ Préfecture de police


Au Bataclan, ils étaient près d’une soixantaine. Ils ont progressé derrière le bouclier Ramsès, lourd comme une porte blindée, criblé de balles ce soir-là.

Le RAID

Plus bas, dans la salle principale, les hommes du RAID prennent position. Tireurs d’élite, médecins, négociateurs : la mécanique est millimétrée. Le médecin du RAID, qui a passé une partie de la soirée à traîner des blessés hors des sièges collants de sang, se rappelle :
« Je n’avais jamais vu autant de vie et de mort entremêlées. »

Photo @ Préfecture de Police

La BI

Moins connue du grand public, la BI constitue l’un des maillons intermédiaires de la chaîne d’intervention. En 2015, elle n’était pas en première ligne comme le RAID ou la BRI, mais elle faisait partie de la structure globale qui permet d’armer, renforcer, relayer. « Une opération comme celle-là, c’est un puzzle où chacun compte », dit un responsable. La BI constituait avec la BRI PP, la BAC (Brigade Anti-Commando) lors de prise d’otage ou forcené dans l’agglomération parisienne. Elle était une composante de la FIPN et reconnue, ainsi, à juste titre, comme une unité d’intervention. Les opérateurs du service avaient participé à la traque des frères Kouachi en janvier 20132 et étaient positionnés dans les colonnes d’assaut devant l’Hyper Cacher de Vincennes.

Capture d’écran compte instagram de la BI

Depuis la place Saint-Gervais à Paris, où se tient un hommage dix ans après les attentats du 13-Novembre, Emmanuel Macron annonce ce jeudi 13 novembre que « les policiers qui sont intervenus au Bataclan « pour neutraliser les assaillants seront élevés dans la Légion d’honneur, en témoignage de la reconnaissance particulière de la Nation ».

Opérateurs et otages : des liens nés dans la nuit

S’il existe une histoire moins racontée, c’est celle, presque intime, qui relie les anciens otages du Bataclan aux policiers venus les sauver.

“On les a vus entrer. On a su qu’on vivrait.”

Sur le trottoir du boulevard Voltaire, ce soir de commémoration, une jeune femme serre les mains d’un opérateur de la BRI. Ils se tutoient. Ils se reconnaissent.
« C’est lui qui m’a sortie, j’étais cachée derrière un fauteuil », explique-t-elle d’une voix douce.
L’opérateur, gêné, baisse les yeux :
« Moi, je ne faisais que mon boulot. »
Elle sourit :
« Mon boulot, moi, c’était de survivre. »

Des liens qui ne s’effacent pas

Depuis dix ans, certains otages déjeunent encore avec “leurs” policiers. D’autres envoient des messages chaque 13 novembre : “Merci encore”. Une proximité inattendue, née en quelques minutes mais ancrée pour toujours.
Un policier le dit ainsi :
« On a vécu ensemble la pire version du monde. Après ça, comment ne pas garder un lien ? »

La confiance, la peur, puis la vie

Les négociateurs, eux, se rappellent des voix tremblantes au téléphone, des prières chuchotées par des otages, des cris étouffés. Et le moment où tout bascule : la décision d’entrer, la dernière chance.

« La première personne que j’ai vue vivante ce soir-là, je l’ai serrée comme un frère », raconte un opérateur. « On ne s’était jamais vus, mais on s’est reconnus tout de suite. »

Paris, debout, fragile, lumineux

La cérémonie officielle s’achève dans le Jardin du 13-Novembre, tout juste inauguré. Sur les écrans, les visages des victimes apparaissent un par un, dans une lumière verticale. Il n’y a ni musique dramatique ni discours tonitruant — seulement le souffle d’une ville qui se tient droite, malgré tout.

Au loin, la Tour Eiffel s’allume en bleu-blanc-rouge.
Paris se souvient.
Paris se recueille.

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