« Alerte forcené à Chartres ». Pas de klaxon d’alerte, comme dans les films, mais une vingtaine d’équipiers du RAID qui se harnachent, rassemblent des informations. Les premiers partis sont ceux de la « négo » : l’adjoint de la cellule, une négociatrice et le psychologue. Dans la même voiture, qui ne tarde pas à partir, l’officier de renseignement  dont la tâche  est de préparer l’arrivée du dispositif qui suit, à quelques minutes, mais à une allure nettement modérée. Il faut, entre autres, prendre contacts sur place, récolter tous les documents nécessaires et prendre les premières décisions urgentes.

C’est Laser 3 (le troisième commissaire du RAID), de retour d’une réunion à Paris, qui prend le dispositif en charge. Après  les vérifications d’usage par l’armurier d’astreinte, le convoi  d’une dizaine de véhicules prend l’A10 et, bientôt, l’A11. De prime abord, l’affaire n’a pas l’air très compliqué, mais au RAID on se rappelle que  les deux premiers  policiers du service tués en opération, Christian Caron et Fernand Seither, l’avaient été  devant un forcené armé à Ris-Orangis, en 1989.

Impossible de l’oublier : les véhicules chargent leur matériel sur la place d’armes, là où a été érigée une stèle en mémoire des morts.

Dans la voiture de Laser 3, le chef de groupe de la première alerte converse avec le dispositif via Acropol, tout en répondant sur son téléphone portable et en passant ses appels pour faciliter le passage du dispositif  aux barrières de péage. Laser 3, à l’avant,  passe les siens, recueillant notamment les renseignements des précurseurs, qui eux, aussi travaillent en roulant.

On en sait déjà un peu plus sur le forcené. Le service de traitement des infractions constatées (STIC) a parlé, le CV judiciaire de l’homme  s’étale sur plusieurs feuillets. Les premiers renseignements en provenance de Chartres sont mitigés. Un policier local qui connait le forcené a engagé  un dialogue constructif avec l’homme, qui s’est retranché chez lui. Mais il n’y  a pas de gaz de ville dans cet immeuble de quelques étages : le risque de  faire détoner  la  bouteille de gaz est donc réel.

Déjà, par téléphone, Laser 3  fait examiner les possibilités de postes de tir pour les snipers, il fait rassembler tous les plans disponibles et demande d’en établir des copies pour que tous les secteurs  du dispositif puissent en bénéficier. Sur l’A11, le dispositif du RAID a fière allure, constitué de monospaces banalisés et de véhicules utilitaires. Il y a l’armurerie, l’effraction, et, désormais, même le service médical  dispose  de son véhicule. La pièce la plus visible est le PCO, ou PC  opérationnel, un véhicule développé  au profit de la FIPN, qui permet la gestion de crise sous abri et en discrétion.

La « négo » a déjà pris ses quartiers dans l’immeuble, et rapporte  à Laser 3 les éléments au fur et à mesure. Les deux négociateurs ont une solide expérience des opérations de police : le premier, à la brigade criminelle, la seconde au groupe de recherche et d’information (GRI, désormais dissout).

Un dispositif de la police de Chartres boucle le quartier, et a déjà trouvé une zone pour faire stationner le cortège, dans une allée à l’écart. Mais, sous les toits de la cité : pas forcément l’endroit idéal, d’autant plus que le PCO est trop loin des lieux de l’action… Arrivé dans la cité, le dispositif  passe rapidement  en habit de lumière.

Les « effracteurs » prennent  leur matériel, notamment  le Door-Raider, le célèbre  effracteur hydraulique développé par Libervit sur cahier de charges du RAID.

L’officier Rens livre son briefing, avec Laurent, le chef de groupe.

« On sait faire », assure un des hommes cagoulés. Arrivé au RAID depuis trois semaines, c’est déjà sa troisième sortie…Ce jour-là, la première alerte a déployé deux maître-chien, quatre « varapistes », deux « effracteurs », trois tireurs d’élite (les célèbres Omégas) et deux équipes d’intervention, soit  avec la négociatrice et le « Doc », une grosse vingtaine d’hommes et deux femmes.

Une dernière consultation du plan de l’appartement, et la colonne du RAID prend la direction de l’immeuble, d’un pas décidé, sous l’œil goguenard, craintif ou amusé des inévitables badauds.

Il est 12h30 et l’irruption du service d’élite déclenche une forte curiosité.

La cage d’escalier, quelques étages, et la porte. Derrière laquelle se trouvent le forcené, une bouteille de gaz, et peut-être, un chien.

Un binôme cynophile du RAID est engagé dans la cage d’escalier, et un maitre-chien en renfort s’apprête à aller contrôler la bête située dans l’appartement.

La chenille  est postée derrière la porte , prête à investir les lieux si le Door-Raider la faisait céder en quelques secondes. Ou si le forcené l’ouvrait par lui-même, direction que semble prendre la discussion avec le policier local qui parle avec lui au téléphone.

Les « varapistes », sur le toit, ont pris toutes les dispositions pour éviter que le forcené se suicide en sautant par la fenêtre.

Sur des lignes de visée, les snipers ont eux aussi pris position.

Tous ces « capteurs » rapportent en permanence leurs données au PC opérationnel, et le réseau radio en livre l’essentiel. Seulement, les minutes s’égrènent, et le forcené ne tient pas sa promesse de sortir.

Les négociateurs tiennent un conciliabule avec Laser 3, venu s’enquérir  de la progression de l’affaire. Le préfet et le DDSP sont arrivés assez vite sur place, et ont écouté ses explications, les options possibles.

Puis, alors qu’on semble devoir s’inscrire dans la durée, on entend la clef tourner dans la serrure.

En un éclair, les « Raidmen » aspirent le forcené et le collent au sol en douceur, tandis qu’un effectif s’engouffre dans l’appartement pour visiter toutes les pièces, prendre en charge d’éventuelles victimes et pour vérifier qu’aucun dispositif de mise à feu n’est enclenché.

Le rapport radio est aussitôt émis et la tension baisse d’un cran. Le « Doc » du RAID est déjà là, auscultant  l’homme, qui réclame  une cigarette qu’on lui allume.

Avant qu’il soit confié à la sécurité départementale, il pourra rencontrer son frère, puis sa famille.

On lui dissimule le visage pour qu’il ne puisse pas être reconnu, car plusieurs journalistes locaux sont déjà disposés devant l’immeuble. Deux policiers en civil l’envoient dans une voiture banalisée, qui disparait aussitôt pour l’hopital de Chartres, où l’homme doit subir des examens médicaux.

Déjà, les « Raidmen » plient bagage.

« Une de plus » glisse un policier. Laser 3 fait son compte rendu  à Laser  1 et 2, ainsi qu’au service de veille opérationnelle de la police nationale (SVOPN). »

 

 

Tiré de Police Pro n°26 – Mars Avril 2011
Texte de Jean-Marc Tanguy

 
 

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