INTERVIEWMariée depuis 35 ans à l’ancien patron du Raid, Véronique Fauvergue raconte dans un livre sa vie de «femme de policier d’élite». Elle a répondu aux questions de «20 Minutes»
 
Derrière ces deux grands flics se cachent deux femmes. Véronique est mariée depuis 35 ans avec Jean-Michel Fauvergue, chef du RAID entre 2013 et 2017, et actuel député LREM de la Seine et Marne. Avec Catherine Salinas, l’épouse du numéro 2 de la BRI entre 2012 et 2018, elles racontent dans un livre leur quotidien de « femme de policier d’élite » *. A l’occasion de la publication de l’ouvrage ce vendredi, Véronique Fauvergue s’est longuement confiée à 20 Minutes.
 
Pourquoi avez-vous envie d’écrire ce livre avec Catherine Salinas ?
L’idée est venue de mon mari qui a écrit, avec la journaliste Caroline de Juglart, le livre “Patron du RAID”. Il y a environ six mois, ils m’ont incitée tous les deux à rédiger un livre, en me disant que j’avais une vie un peu particulière, un peu à part en tant que femme – mais aussi fille – de flic.
Notre éditeur, Louis de Mareuil, a pensé qu’il serait intéressant de raconter deux histoires de femme de policier dans cet ouvrage. J’ai alors rencontré Catherine Salinas.
Nous avons discuté toutes les deux. Nous avons constaté que nous avions des points communs, mais aussi des différences. Et nous nous sommes lancées dans l’aventure.
 
 
C’est quoi la vie d’une « femme de policier d’élite » ?
La plupart du temps, on vit très bien. Il y a évidemment des moments d’inquiétude, mais aussi des moments très forts. Je vis ma vie en essayant de profiter des moments où il est le plus présent et en m’organisant quand il n’est pas là.
J’ai peut-être eu un rôle plus important dans l’éducation des enfants car il a été plus souvent absent.
Selon les postes qu’il a occupés, il était plus ou moins occupé. Quand il a été aux stups, il a bossé comme un dingue aussi. Il faisait des bisous à sa fille le soir quand il rentrait, mais elle était déjà couchée. Et le matin, quand il repartait, elle dormait encore.
Les périodes où il était affecté en Outre-mer ou à l’étranger étaient plus florissantes pour moi et pour la famille, car il était davantage présent.
Quand il a été au RAID, j’ai ressenti plus de solitude et il fallait être encore plus organisée. On n’a pas le choix, il vit sa passion, il vibre pour son pays, pour son métier.
Il y a bien sûr des moments plus délicats que d’autres. Mais si je suis encore à ses côtés après 40 ans de vie commune, c’est que cela me convient.
 
 
Le RAID a été très mobilisé en 2015, lors de la vague d’attentats qui a touché la France. Comment avez-vous vécu cette période ?
Le moment le plus douloureux pour moi, ça a été l’assaut de l’Hyper Cacher. Les radios et chaînes de télé avaient interrompu leur programme et il n’y avait plus que ça à l’antenne.
J’ai souffert de cette situation qu’on suivait en direct à travers eux. On pense à la mort immédiatement car on ne sait pas ce qu’il y a en face, on ne sait pas à quoi s’attendre.
C’est à ce moment-là que j’ai développé un protocole de sécurité. Je suis coach en gestion émotionnelle aujourd’hui, j’ai appris des techniques pour me sentir en sécurité, protéger mes enfants, ma famille, mes parents.
Pour cela, j’ai coupé les médias et nous avons mis en place un système de communication entre Jean-Michel et moi.
Quand j’apprends, lors de l’assaut de Saint-Denis, que mon mari est blessé, j’essaie de ne pas m’affoler. Car je sais que s’il y a quelque chose de grave, on va venir me chercher ou qu’il va m’appeler. Ça n’a pas loupé, dans les deux minutes qui ont suivi, il m’a envoyé un texto pour me rassurer.
 
 
Comment protège-t-on sa famille lors de ces crises ?
On ne peut pas protéger sa famille. On peut parler ensemble, se retrouver si le besoin se fait ressentir.
A la suite de l’assaut de l’Hyper Cacher, j’avais demandé que mon époux mette en place une cellule de crise au niveau du RAID pour que les familles puissent se retrouver en cas de souci.
Mais après, il n’y a rien d’autre à faire que subir ces moments-là. On ne peut pas empêcher les émotions de venir. Alors, si j’ai envie de pleurer je pleure, si je veux crier, je pars crier dans la forêt.
Au moment de l’assaut porte de Vincennes, Catherine (Salinas) était avec sa fille, elles ont eu très peur. Moi, je n’étais pas avec les enfants, j’étais avec ma belle-mère.
C’était délicat car c’était déjà une personne âgée. J’ai contenu mes émotions pour ne pas l’affoler encore plus.
 
 
Dans le livre vous évoquez aussi l’attentat de Magnanville, visant un policier et sa femme, agente administrative d’un commissariat, à leur domicile. Est-ce que cela a été un tournant pour les familles des forces de l’ordre ?
Je pense que cela a eu un impact très profond. Ce petit garçon qui a survécu avait le même âge que ma petite fille.
Ça a été très douloureux pour moi. On ne peut pas ne pas être touché par les attentats. Certains l’ont été plus par le Bataclan, d’autre par Charlie Hebdo… Moi, la police, je baigne dedans, donc cet attentat à Magnanville m’a particulièrement touchée. Je pense encore au petit Mathieu et j’espère qu’il va bien maintenant.
 
 
Si vous deviez garder un bon souvenir de ces 40 ans de vie commune, ce serait lequel ?
C’est le voir rentrer sain et sauf, surtout sur ces événements-là. Pour chaque femme de policier, de gendarme, de militaire, quand son homme rentre à la maison, il y a quelque chose de fort qui se passe. On remercie l’univers, Dieu, Allah, Bouddha, peu importe. On remercie.
 
 
Les forces de l’ordre sont mobilisées chaque samedi lors des manifestations des « gilets jaunes ». Quel regard portez-vous sur cette mobilisation ?
On a tendance à oublier qu’il y a des familles, des femmes, des mamans, des papas, derrière ces hommes courageux et valeureux.
Ces derniers temps, il y a des femmes qui tremblent en sachant que leur mari vont aller au front. Derrière chaque uniforme, il y a des familles.
Quand j’entends qu’on crie “suicidez-vous” aux policiers, je trouve ça monstrueux.
On ne peut pas répondre à ça, ce n’est pas humain. On ne se rend pas compte de l’impact que cela a sur les familles. Au Raid, les policiers sont formés pour aller au combat, ils passent leurs journées à s’entraîner. Mais derrière, il y a des femmes et des enfants qui tremblent.
 

  • Véronique est mariée depuis 1983 avec Jean-Michel Fauvergue, patron du RAID entre 2013 et 2017.
  • Elle a écrit un livre, publié ce vendredi, avec Catherine Salinas, l’épouse de l’ancien numéro 2 de la BRI.
  • Les deux femmes racontent notamment à la journaliste Caroline de Juglart l’angoisse qu’elles ont ressenti lorsque leurs maris intervenaient durant la vague d’attentats en 2015.

 
* Femme de policier d’élite, Mareuil éditions, ISBN 978-2-372-54115-2, 224 pages, 19 euros”
 
 
 
Source : 20minutes.fr – article écrit le 26 avril 2019 par Thibaut Chevillard

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