« Une semaine avec la section marseillaise du RAID, l’unité d’élite la plus réputée de la police française.
« Servir sans faillir » est la devise du RAID. Unité d’élite la plus réputée de la police nationale française, elle a été fondée en 1985.
Récemment, les hommes du groupe ont notamment neutralisé le terroriste de Magnanville, lancé l’assaut qui a permis de neutraliser Abdelhamid Abaaoud et sont intervenus durant la prise d’otages du Bataclan. Pour autant, s’il s’agit des principaux faits d’armes de la brigade, les 300 hommes et femmes qu’elle regroupe travaillent également au quotidien sur de nombreuses affaires criminelles. Ils peuvent aussi être chargés d’intervenir lors de diverses situations de crise, de mener des opérations de filature et de renseignement ou d’assurer la protection de hautes personnalités lors de certains évènements.
En janvier 2016, durant une semaine, le photographe Franck Bessière a pu suivre l’antenne-RAID 13, basée à Marseille. « À l’époque, j’avais souhaité me consacrer durant un an à un sujet long format sur « Ceux qui nous protègent » – pompiers, SAMU, etc. Dans un climat où les politiques souhaitaient nous enfermer dans un climat d’insécurité, j’ai tenté de démontrer qu’au contraire, en France, nous sommes vraiment en sécurité, explique-t-il. Je souhaitais également rendre hommage à tous ces femmes et hommes qui mettent leur vie de côté pour celles des autres.
Enfin, comme j’imagine beaucoup d’entre nous, je souhaitais découvrir qui sont ceux qui se cachent derrière ces cagoules. »
Le photographe admet avoir eu quelques doutes au moment d’amorcer son reportage : « Au départ, travailler sur le RAID en pleine période d’attentats terroristes me paraissait tout simplement impossible. Mais grâce à plusieurs contacts au sein de la police de Marseille, j’ai obtenu un rendez-vous avec le commandant du RAID du sud-est. Rien que cette première approche était inespérée. Après m’avoir donné les conditions de ce reportage, ce dernier a déclenché les demandes auprès de l’état-major, à Bièvres, dans l’Essonne.
Nos échanges ont duré pendant un an et, jusqu’à la veille du reportage, rien n’était sûr, tout pouvait s’annuler. »
Tout en souhaitant documenter le quotidien de la brigade, Franck a souhaité suivre un membre en particulier. Son choix, pris avec le commandant, s’est porté sur Anthony, 29 ans, au RAID depuis 6 mois. « Au début, nos rapports ont été très formels, se rappelle-t-il. Il a fallu gagner leur confiance. Le premier jour, j’avais envie de tout photographier, tout était visuel – mais à la fin, je ne remarquais même plus les Glocks posés à côté des plateaux-repas ! À peine arrivé, je suis parti avec eux faire du tir à l’école de police, située juste à côté – un entraînement qu’ils effectuent deux fois par semaine. Déjà là-bas, j’ai remarqué à quel point ils forçaient le respect. Sur le chemin avec le monospace du RAID, un monsieur nous a coupé la route puis s’est mis à nous insulter. J’ai été surpris par la réaction des policiers. Ils ont simplement baissé le pare-soleil siglé « Police » puis ont continué leur chemin. J’étais sidéré par le sang-froid de ces hommes. »
Une relation de confiance entre le photographe et la brigade s’est réellement établie au deuxième jour du reportage, lors d’une « assistance » – une intervention programmée par d’autres services de police comme les stups, la brigade anticriminalité ou encore l’antiterrorisme.
Le rendez-vous pour le briefing était fixé à 3h du matin, à la base de Marseille. « Après un peu plus de deux heures de route à vive allure, en formation très regroupée sur l’autoroute, la pression est montée une fois sur place avec les autres forces de police, narre Franck.
Ma présence a d’ailleurs étonné les fonctionnaires. Puis, les policiers d’élite se sont renfermés dans leur bulle et ont coupé la musique, cessé de parler, ajusté leur équipement, vérifié mon gilet pare-balles et mon casque et m’ont briefé. « Tu restes derrière, toujours derrière, compris ? L’objectif est armé et dangereux », m’ont-ils prévenu. L’opération s’est finalement très bien déroulée. L’ambiance était cinématographique, avec cet hélico qui nous survolait pour vérifier que le suspect ne s’échappe pas. »
Ensemble, ils ont effectué une autre assistance à l’aéroport de Marseille : un anti-snipping, une opération censée protéger l’arrivée du ministre de l’Intérieur contre d’éventuels snipers. « Un homme est le tireur d’élite et un autre le protège et scrute l’environnement », explique Franck.
En plus des séances de tirs, les policiers d’élite font du sport tous les matins – de la boxe anglaise ou française, du judo, du footing, en passant par du crossfit ou de la lutte.
Cet entraînement peut être combiné avec de la tactique d’interpellation. « Ils font également de l’entraînement tactique une à deux fois par semaine : ils mettent en place des scénarios différents avec des terroristes avec ou sans otages dans le métro, dans un aéroport, etc. Ils font ça généralement sur les vrais lieux, la nuit, quand il n’y a pas de public. Ils se préparent également à se mouvoir dans des cages d’escalier, à défoncer différentes portes, à manipuler des explosifs… Enfin, ils passent beaucoup de temps à entretenir leur matériel.
Ils démontent et remontent leurs armes, entretiennent les véhicules… »
« Beaucoup de policiers se sont confiés à moi durant le reportage et m’ont raconté des histoires toutes plus incroyables les unes que les autres, explique le photographe. Parfois même, ces histoires résonnaient directement avec des faits d’actualité. »
Anthony lui a également raconté la dureté du test d’intégration au RAID, très physique, qui peut comporter par exemple des exercices de claustrophobie avec des parcours enfermés. Le test peut seulement être passé une fois : si le candidat échoue, il ne pourra plus le repasser.
Conserver l’anonymat de ces hommes a parfois pu être compliqué : à l’entraînement, ils n’enfilent pas leur cagoule.
Le photographe a donc dû composer ses cadrages ou jouer avec la profondeur de champ de son appareil.
Si, pour des raisons évidentes, il n’a pas pu garder contact avec eux, le rapprochement s’est vite établi avec les policiers : « À la fin de la semaine, ils me couraient après avec leurs tasers pour me bizuter, se souvient Franck. Un rituel auquel a droit chaque policier qui intègre la section d’élite. Si j’ai réussi à toujours y échapper, j’ai pris ça comme un signe d’acceptation. » »
Source : vice.com – article écrit par Glenn Cloarec le 10 mai 2017
Photos © Franck Bessière