Il était le mari d’Ingrid, collaboratrice de Publihebdos*. Franck Brinsolaro, policier, était aux côtés de de Charb, le directeur de Charlie Hebdo quand les terroristes ont tiré.


Aux confins de l’Eure, dans un corps de ferme en cours de rénovation, Ingrid Brinsolaro, Ambre et Arnaud, témoins de son mariage sont assis autour de la table basse du salon. Ils profitent de la chaleur réconfortante d’un feu de cheminée.
Un peu de chaleur pour apaiser la douleur. Les mots s’égrènent, choisis avec soin, entrecoupés de silences, de larmes contenues et égayés de sourires à l’évocation d’un souvenir heureux.
Dans leur cœur : Franck Brinsolaro. Franck, tout comme 11 autres victimes, est tombé sous les balles de deux terroristes islamistes mercredi 7 janvier, lors de l’attentat contre Charlie Hebdo à Paris. Dimanche 11 janvier, au moment où les Français se sont rassemblés massivement pour dire non à la barbarie, Franck aurait eu 49 ans.
Il était marié depuis trois ans avec Ingrid, rédactrice en chef de l’Éveil Normand. Entre le sous-brigadier toulonnais, spécialiste de la protection rapprochée et la journaliste passionnée, venue de Camargue, ce fut le coup de foudre.
May, 13 mois, est née de leur amour. Franck était aussi le père de Kévin, un jeune homme de 25 ans, fruit d’une autre union. Ingrid est également la maman de Lucas, un petit garçon de 9 ans.
Ce samedi 10 janvier, Ingrid évoque d’une voix étranglée par l’émotion son compagnon. Dans la vie,  “c’était quelqu’un de très discret, de très raffiné, de précis et de minutieux”.
Dans l’intimité, “c’était un très bon père. Franck aimait beaucoup, par exemple, faire la sieste avec sa petite May sur les genoux”.
Cette maison  en Normandie, rebâtie de ses mains, il l’a voulait éloignée de l’agitation urbaine. Un havre de paix à l’abri d’une vie trépidante.
A moins de cinq ans de la retraite, Franck aspirait à lever le pied. Il consacrait son temps libre à sa femme, sa fille et à aménager leur refuge.
“Nous adorions chiner, se souvient Ingrid. Il décorait la maison avec des objets de récup”. Nous voulions vieillir ensemble ici.”
 
Un de ses derniers coup de cœur : une cuve à vin dénichée pour la transformer en bain nordique dans le jardin.
Franck avait derrière lui 30 ans de carrière dans la police. Trente années à sillonner les points chauds de la planète : Liban, Bosnie, ou encore en Afrique où il a été blessé par balles.
Ce fut encore la violence lors d’un poste au Cambodge. Franck était policier à l’ambassade de France, lorsqu’un coup d’État a éclaté en juillet 1998. Christiane Le Lidec, femme de l’ambassadeur Gildas Le Lidec, alors en poste dans ce pays d’Asie du Sud-Est, témoigne de l’immense courage et du professionnalisme” de Franck quand l’ambassade a été prise sous le feu de deux camps rivaux.
Avec ses collègues policiers, il a ensuite permis l’exfiltration d’une trentaine de personnes.
Franck a également été le garde du corps, “l’épaule”, comme on dit dans le jargon policier, de Bernard Bajolet l’ambassadeur de France à Kaboul en Afghanistan entre 2011 et 2013.
Contacté par l’Éveil Normand, Cyril, un collègue de Franck à Kaboul se remémore un homme “d’un calme absolu quelle que soit la situation. Il a risqué sa vie plusieurs fois. L’ambassade de France est située tout près du palais présidentiel et de l’ambassade américaine. Lors d’attaques, elle est de fait très exposée”.
Les souvenirs continuent d’affluer. Il reprend : “En Afghanistan, Franck était préparé et solidement armé pour faire face aux situations les plus dangereuses… En France, il n’était pas aussi équipé mais, le connaissant, je suis certain qu’il a tout fait pour s’interposer… ”.
Le mari d’Ingrid parlait peu de son travail. Devoir de réserve oblige. Une façon de protéger ses proches aussi.
“Ce n’était pas un grand bavard. Il avait de l’humour. Peut-être pas aussi décalé que celui de Charb (le directeur de publication de Charlie Hebdo qu’il protégeait), mais c’était tout en finesse.”
Ambre évoque spontanément son “aura”, sa présence “rassurante”, “sa loyauté” et “sa fidélité ”. A ses côtés, un collègue de Franck au Service de Protection des Hautes Personnalités affirme que “pas un seul des membres du service n’a fait le dixième de ce qu’il a réalisé.”
 
Lors du grand rassemblement de dimanche dernier à Paris, tous les collègues de Franck ont défilé avec Ingrid. Depuis mercredi 7 janvier et l’annonce de la terrible nouvelle, des dizaines de messages de sympathie affluent sur le mail, le portable de notre collègue et à la rédaction de l’Éveil Normand.
Des rassemblements en son hommage et aux autres victimes ont eu lieu un peu partout en Normandie, dont deux très émouvants à Bernay et Pont-Audemer. Entre deux souvenirs, le téléphone sonne. A l’autre bout du fil : le Président de la République François Hollande.
Le mercredi précédent, quelques heures après le drame, la jeune femme a été conduite à Paris pour y rencontrer Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur et Manuel Valls, le Premier ministre. La ministre de la Justice, Christiane Taubira, a annoncé à Ingrid que Franck Brinsolaro aurait la légion d’honneur.
Franck Brinsolaro ne recherchait pas les honneurs. Il aimait le travail bien fait et prendre soin des personnes chéries. Tout humblement. Il est tard, au coin de la cheminée. Alors que les grands évoquent son père, la petite May réclame sa maman pour aller se coucher. Tout simplement.
 
* Ingrid Brinsolaro est rédactrice en chef de l’Eveil Normand, à Bernay, un  journal du groupe Publihebdos auquel appartient L’Hebdo de Sèvre et Maine. Franck Brinsolaro a été inhumé ce jeudi. Les journalistes présents à la cérémonie ont été invités à lever leur carte de presse en criant “Liberté”.”
 
Source : lhebdodesevreetmaine.fr – article écrit par J.M le 15 janvier 2015

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