« Réunis en exclusivité pour « L’Équipe », les chefs de la BRI, du GIGN et du RAID, les trois unités d’élite nationales, nous détaillent leurs missions à l’occasion des JO sous très haute protection, pour lesquels ils collaborent de façon inédite.

Ce sera une première : à l’occasion des Jeux, les trois unités d’élite du RAID (Recherche Assistance Intervention Dissuasion), du GIGN (Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale) et de la BRI (Brigade de Recherche et d’Intervention, dépendante de la Préfecture de police de Paris) vont coordonner leurs compétences dans l’exceptionnel dispositif sécuritaire mis en place par les autorités.

Une collaboration inédite à ce stade, qualifiée de « décision révolutionnaire » par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Qui a ajouté qu’il ne tolérerait aucune « guerre de territoire » …

Pour deux de ces trois unités, l’attentat des JO de Munich en septembre 1972, a été un « épisode fondateur ». Unité militaire, le GIGN a été créé un an et demi plus tard en lien direct avec la prise d’otages tragique d’athlètes israéliens (11 morts) par un commando palestinien, à l’intérieur du village olympique allemand (*).

La BRI (ex-Section de recherche et d’intervention, créée en 1964 à Paris et renommée en 1967) a également été reconfigurée après la tragédie de Munich, les autorités constatant les lacunes dans ce type d’intervention d’urgence.
La création du RAID, force d’intervention policière date de 1985.
Réunis pour L’Equipe, les patrons de ces trois forces spécialisées – Ghislain Réty (GIGN, 53 ans), Guillaume Cardy (RAID, 52 ans) et Simon Riondet (BRI, 48 ans) – nous ont détaillé, une heure durant, leurs modalités de coopération et d’action dans le cadre de cette « doctrine commune » inédite.

« La création d’unités spécialisées de policiers et de gendarmes est notamment issue de la catastrophique prise d’otages de Munich lors des JO de 1972. Avez-vous toujours cet épisode tragique à l’esprit ?

Simon Riondet (BRI) : Il est fondateur dans l’histoire des unités d’intervention. A l’époque, on avait un trou capacitaire entre les forces spéciales militaires et les policiers et gendarmes. Il nous fallait quelque chose entre les deux, avec le meilleur des deux mondes : le savoir-faire policier – car une prise d’otages, c’est très particulier – et la maitrise de la force des armes.
Ghislain Réty (GIGN) : Munich 72 fait évidemment partie des fondamentaux. Les dispositifs de sécurité et la technologie ont évolué depuis mais les nouvelles menaces n’effacent pas les anciennes.

Quels sont ces « fondamentaux » ?
G. R (GIGN) : Les négociations, l’acquisition du renseignement, la capacité de neutralisation au besoin… En première année de formation, dans leur stage initial, mes officiers débriefent une centaine de prises d’otages particulières, en France comme à l’étranger.
S. R (BRI) : Et puis il y a le tir de haute précision ; l’importance des snipers en matière d’observation mais aussi de neutralisation. On a un réseau international formel, ATLAS (qui regroupe des unités spécialisées de pays européens pour des exercices en commun), mais aussi informel. Donc on partage sur les retours d’expérience pour anticiper au mieux les menaces. On travaille depuis des années, par exemple, sur les attaques mobiles dans des lieux publics.

« On va d’ailleurs entamer la dépollution de la Seine dès le 13 mai avec des plongeurs qui détecteront tout ce qui peut trainer au fond, comme des munitions historiques. C’est un gros travail qui va s’étaler sur une dizaine de jours. » Guillaume Cardy, chef du RAID

Guillaume Cardy (RAID) : La nouveauté, depuis quelques années, c’est l’interaction possible entre les forces spécialisées et généralistes, c’est-à-dire la police et la gendarmerie du quotidien. Depuis les attentats de 2015, ils sont aussi formés, avec du matériel de protection et d’armement pour faire face à la menace terroriste.
G. R (GIGN) : Et j’ajoute que l’autre grand changement, depuis 2015, c’est l’interopérabilité avec les secours. Dans le contexte d’une tuerie de masse, plus on les fait venir tôt, plus on va sauver des vies. Parce que la seconde coute très cher dans ces cas-là.

Concernant vos unités, elles vont coopérer de façon inédite pendant les Jeux. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?
S. R (BRI)
: Il y a presque deux ans, ont s’est réunis pour réfléchir à la manière dont on pouvait proposer une solution à nos autorités hiérarchiques – et donc aux politiques – qui soit la plus constructive, intelligente et efficace possible. On créé un PC (poste de commandement) au 36, quai des Orfèvres qui démarrera la veille des Jeux (26 juillet-11 août) ; ça n’a jamais été fait. Des échanges d’opérateurs en immersion ont été mis en place dans les trois unités. Il y a des petites différences culturelles entre nous mais les schémas d’intervention sont globalement les mêmes. Il faut aussi rester humble, les JO, c’est un enjeu pour lequel on se prépare activement mais c’est un événement pour tous les policiers et les gendarmes. On s’appuie en premier lieu sur eux. Ils vont être la partie visible de ces Jeux et ils en sont le rouage essentiel.
G. G (RAID) : La coopération police-gendarmerie n’est pas nouvelle. Là encore, ce qui a changé depuis les attentats de 2015, c’est la mise en place du schéma national d’intervention (avril 2016), qui est venu institutionnaliser cette coopération et le soutien capacitaire, avec le plan d’urgence absolue (PUA), qui permet aux unités d’intervenir partout sur le territoire sans critère de compétence.
G.R (GIGN) : La grosse difficulté, c’est que ces Jeux vont concerner toute la France, jusqu’à Tahiti. Il y aura un focus sur Paris et la cérémonie d’ouverture, mais le moindre fait qui concernera un secteur ou un athlète aura un écho, qui sera traduit comme une attaque des JO dans leur ensemble.

« Les effectifs de sécurité publique (police et gendarmes) vont scruter en permanence ce qui se passe sur les hauteurs. On le sait, le risque zéro n’existe pas, mais on travaille pour être le plus réactifs possible. » – Guillaume Cardy, chef du RAID au sujet du dispositif lors de la cérémonie d’ouverture.

Quel sera votre périmètre de présence et d’intervention lors de la cérémonie d’ouverture ?
S. R (BRI)
: On gère le périmètre terrestre tout au long de la Seine, sur les quais hauts et les quais bas, et dans la « bulle » qui va du palais de Chaillot jusqu’à la tour Eiffel (dans le secteur du Trocadéro, où se déroulera la fin de la cérémonie avec les « dignitaires »).
On assure aussi les interventions potentielles du quotidien : une prise d’otages, un forcené, une attaque dans le métro…. On aura des tireurs de haute précision en appui et des moyens d’acquisition du renseignement.
G. C (RAID) : On assurera la sécurisation de la Seine, avec une dizaine de bateaux, des jet-skis et 90 opérateurs. On va d’ailleurs entamer sa dépollution dès le 13 mai avec des plongeurs qui détecteront tout ce qui peut trainer au fond, comme des munitions historiques. C’est un gros travail qui va s’étaler sur une dizaine de jours. Pour la partie terrestre, on jalonne le parcours entre le village olympique, où le RAID disposera d’ailleurs d’une réserve d’intervention 24h/24, et les zones d’embarquement et de débarquement des athlètes, avec des opérateurs en points fixes sur tout l’itinéraire.
G. R (GIGN) : Nous, on est davantage dans la mobilité ! On accompagnera et on ramènera discrètement les différentes délégations à l’intérieur des cars et on sera embarqués avec elles sur la Seine, mais aussi dans les hélicoptères, avec l’appui de l’armée.

« Tous les risques sont anticipés et on travaille sur les façades (des immeubles le long de la Seine). » – Simon Riondet, le patron de la BRI, sur le rôle de son unité lors de la cérémonie d’ouverture

Quelle serait la parade à un tireur isolé qui viendrait se terrer dans un appartement qui longe la Seine, longtemps avant la mise en place du périmètre ultra-sécurisé de la cérémonie, avec de quoi subsister et attendre ?
S. R (BRI)
: Ça, c’est le rôle des services de renseignement et il y a des choses dont on n’a pas forcément envie de parler. Tous les risques sont anticipés et on travaille sur les façades (la BRI, en charge du contre-sniping, sera également coordonnée avec des binômes observateurs-tireurs placés le long de la Seine).
G. G (RAID) : Les effectifs de la sécurité publique (45000 policiers et gendarmes au total) vont aussi scruter en permanence ce qui se passe sur les hauteurs. On le sait, le risque zéro n’existe pas, mais on travaille pour être le plus réactifs possible et neutraliser une éventuelle menace en un temps record.

Le commandant en second du GIGN, le colonel Benoît, le nouveau chef du RAID, Guillaume Cardy, et le chef de la BRI, Simon Riondet lors de la présentation du dispositif des unités spécialisées pour les JO – © François Lerate

Le premier grand rendez-vous, c’est l’arrivée de la flamme olympique à Marseille, le 8 mai. Comment êtes-vous organisés ?
G. R (GIGN) : Là aussi, on s’est mis d’accord entre nous. Le GIGN va prendre tout le relais de la flamme. On l’escortera à Athènes en vue de son départ vers la France, le 27 avril, et on se coordonnera dès la veille avec l’EKAM (l’unité d’intervention anti-terroriste grecque). Mais on ne sera pas en permanence sur le Belem. Son arrivée, le 8 mai, se fera avec le RAID de Marseille. Ensuite, sur ce périple à travers la France et les Outre-mer (qui traversera plus de 400 villes), il faut savoir qu’il y a deux convois (l’un « principal » et l’autre « secondaire »), qui se retrouvent le soir. Il y aura donc deux équipes de cinq membres du GIGN en permanence sur chacun des convois sur les deux mois et demi de relais de la flamme. »

*Le 5 septembre 1972, huit terroristes d’un commando palestinien (« Septembre noir ») prennent en otage onze membres de la délégation israélienne (l’un d’eux est immédiatement abattu) à l’intérieur du village olympique de Munich, uniquement protégé par une trentaine de policiers, dont seulement deux en armes.
Après des négociations confuses et le départ encadré du commando vers un aérodrome militaire, l’opération montée par la police allemande tourne au drame : 17 morts, dont la totalité des otages israéliens, lors de Jeux qui devaient effacer l’amer souvenir laissé par ceux de Berlin, en 1936, sous Hitler.

Un boxeur, un judoka et un kayakiste
Au vu des exigences physiques et mentales de leur métier, les trois patrons des unités d’élite sont des sportifs accomplis, mais ils ont chacun leur discipline de prédilection.
Pour le chef du RAID, Guillaume Cardy, c’est la boxe, même s’il prend soin d’ajouter qu’il suivra « tous les athlètes réservistes de la police nationale ». Simon Riondet, le patron de la BRI, est ceinture noire de judo, qu’il a pratiqué plus jeune. Ghilain Réty, qui commande le GIGN, est un ancien kayakiste de haut niveau.
« Je connaissais le père de Tony Estanguet (Henri, décédé en 2005, qui fut 4° aux Championnats du monde de descente en 1979). J’ai couru avec lui », explique-t-il. Tout en suivant, à distance, la destinée du fils, triple champion olympique de canoë (C1), devenu le grand patron de Paris 2024. »

Source : L’Équipe – article écrit le 23 avril 2024 par Alban Traquet

Photo © A. Réau / L’Équipe

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