19 juin 2008, dans les allées du Parc d’expositions de Villepinte (Seine-Saint-Denis).

Un cortège impressionnant entoure Ehud Barak, ministre israélien  de la Défense en visite au salon international  de l’armement aéroterrestre Eurosatory. Outre sa protection personnelle, un des ministres les plus potentiellement  ciblés de la planète bénéficie d’une couverture française assurée par le Service de Protection des Hautes Personnalités, le référent du domaine au sein de la police nationale.

Un policier expérimenté couvre directement le ministre, et à quelques mètres, deux autres observent  les alentours. L’aboutissement de nombreux efforts pour Claude et Stéphane, qui il y a encore trois mois à peine passaient leurs tests d’aptitude.

Fin mars, dans l’enceinte de l’Institut National du Sport (INSEP), niché en bordure du bois de Vincennes.

Une petite vingtaine de postulants dissimulent tant bien que mal leur nervosité, à l’approche d’une des épreuves reines de la  sélection du SPHP qui va se dérouler au stand de tir.

« En fait, il faut être bon dans toutes les épreuves », confie un recruteur à mots couverts.

« Mais une faute ici vous condamne  quasiment tout de suite », confesse-t’-il  encore avec un sourire carnassier.

Autre motif évident de nervosité, la présence de psychologues qui désormais participent systématiquement  à tous les recrutements des services spécialisés (dont le RAID  et les GIPN).

Les trois spécialistes du comportement  ne disent rien mais notent tout.

Leurs observations constitueront ensuite un élément d’appréciation non négligeable pour le service, au sein duquel un impétrant  doit disposer d’un total équilibre psychologique.

Certains sont déjà conscients de leurs limites, et ont la mine basse, après l’épreuve  du matin, un petit circuit  tactique en auto.

L’épreuve discriminante  par excellence puisque les candidats finalement sélectionnés commenceront, on vient de leur apprendre, comme conducteurs.

Au soir du 30 juin, la France prend la présidence de l’Union européenne ; une série de sommets internationaux, dont celui relatif à l’Union pour la Méditerranée (UPM), à la veille du  14 juillet, va émailler le deuxième semestre 2008. Certains ont déjà potassé leur emploi du temps opérationnel pour les dix mois à venir, d’autres révisent à vitesse accélérée.

Et quelques-uns tombent manifestement  des nues, leur rêve brisé après des années de vision un peu idyllique du métier.

Ces conducteurs seront avant tout des policiers, qui doivent savoir réagir face à toutes les situations.

Et notamment, savoir effectuer un tir de riposte.

D’où cette épreuve, « toujours représentative, car on ne peut pas mentir quand on tire », lâche une voix anonyme.

Au stand de tir, assez souvent, les services d’origine parlent dans les gestes des policiers.

On reconnait l’assurance dans le maniement des armes, ou le positionnement  du corps, des « baqueux » habitués à tirer régulièrement.

D’autres ont nettement  plus de mal, et révisent le maniement et le fonctionnement de leur arme en direct, sur les conseils des instructeurs, pas toujours tendres avec ces carences.

«  On sait que, selon les services, on tire plus ou moins, donc on  sait être indulgents. Par contre, on ne pardonne  pas une faute de  sécurité… »

Si le SIG 2022 prédomine sur cette session – comme celle qui suivra, quelques semaines  plus tard-, on trouve aussi quelques armes exotiques, comme ce Ruger 5 coups ou un Glock 26, manié notamment par un policier de la deuxième section du RAID.

Lors de la séance de tir, l’instructeur repère tout  de suite un problème, au vu des piètres résultats du tireur (balles groupées, mais toutes en dehors de la cible) : la hausse d’un des Glock est déréglée. Il filer, peu de temps après, à la révision.

Après les tirs de précision à courte distance, en forme de tour de chauffe, les séquences s’enchainent, avec une montée progressive du stress. Un petit parcours tactique, entrecoupé de sprints et de chargements rapides, fait gagner des points à certains et en fait perdre à d’autres.

Le stylo des psys fonctionne à toute vitesse. Les instructeurs, quant à eux, ne perdent  pas une miette du parcours, essayant de rester impénétrable.

Tout es noté, scrupuleusement.

Jusqu’à la tenue.

Et même  les ongles. « Car on ne peut pas  se présenter à  « notre » personnalité sans un minimum de tenue », justifie un recruteur qui a longtemps côtoyé des ministres.

Encore une épreuve  de gestion de stress : montée et descente d’escalier, avec montage et démontage d’un Beretta 92F à mi-chemin. Des tests apparemment anodins, et qui en apprennent beaucoup. Réalisés dans des conditions normales, ils ne posent pas de problème particulier, mais la protection rapprochée est rarement réalisée dans des conditions de calme absolu.

C’est aussi le message qu’en filigrane  les personnels du SPHP veulent transmettre aux candidats.

« Parfois nous rencontrons des candidats qui sont attirés par une vision du métier véhiculée par le cinéma, à base de Ray-ban, des voitures, etc. C’est leur rendre service que de ne pas entretenir, chez eux, une vision aussi décalée de notre réalité opérationnelle. »

« Nous avons besoin de policiers polyvalents, parce que cette spécialité en demande en permanence, argumente un ancien, qui a vécu ces dernières années dans la bulle protégeant  l’actuel président de la République. Mais aussi de gens humbles, et qui sachent se remettre en question, parce qu’un jour on peut accompagner un ministre en vue, puis être affecté sur d’autres missions qui peuvent sembler moins prestigieuses ».

Entre deux épreuves, les policiers n’hésitent  pas à diluer, ainsi, quelques anecdotes du terrain, afin de ne pas tromper les candidats sur ce qui les attend.

Sur un rythme  de travail parfois inégal, où la vigilance doit demeurer pourtant permanente.

« La protection rapprochée repose en partie sur l’anticipation, quand c’est possible, et la bonne réaction dans les meilleurs délais, rappelle l’un des instructeurs à l’ensemble du groupe.

Et la bonne réaction, ce n’est pas de dégainer une arme à tout-va, mais déjà de travailler, très basiquement , avec les mains, les bras, pour bloquer, repousser, et dans tous les cas, préserver la personnalité dont on a la responsabilité. »

Les candidats opinent du bonnet, buvant littéralement les paroles des anciens.

Le lendemain, c’est au tour du corps de s’exprimer, dans l’eau de la piscine de l’INSEP, puis dans le dojo.

Les instructeurs sont cependant assez déçus par les prestations qu’ils jugent peu techniques ou pas assez engagées.

Certains candidats sont déjà passés, et les recruteurs n’ont rien oublié de la prestation précédente. Ils en attendent  davantage, et cherchent à voir si le récidiviste a corrigé ou non ses défauts.

Après une journée , certains candidats sont déjà virtuellement hors compétition.

C’est nettement visible pour les instructeurs, dès l’épreuve de piscine, le matin du deuxième jour. L’envie n’est plus là.

Et elle a totalement disparu pour l’épreuve de combativité qui suit, et la série de gestes techniques professionnels d’intervention (GTPI). L’un des candidats bafouille tellement sa technique qu’il blesse sa collègue. Laquelle est obligée de quitter la session de recrutement.

Pour d’autres, comme « Fanny » (il s’agit d’un pseudonyme), le survol de l’épreuve se poursuit. La jeune femme, qui arrive d’une brigade de mineurs de province, impressionne ses collègues, candidats et instructeurs confondus.

Ces tests sont, comme tous les tests, une suite de  critères objectifs et non objectifs.

Les recruteurs ne s’en cachent pas : certains dossiers  les conduisent  à se renseigner  sur le candidat, pour confirmer ou infirmer un premier sentiment. Quelques fois, cela fera pencher la balance en faveur d’un candidat, ou en sa défaveur.

Comme toutes les sélections, celle-ci a ses moments cachés, et Police Pro n’a pas pu – assez évidemment – assister aux délibérations.

Toutefois, l’on apprend que l’un des candidats, au dossier tangent, mais qui s’est donné à fond sur les tests, a finalement été pris. Sans regret pour les examinateurs, comme l’a montré la suite.

Au final, 21 candidats, dont deux femmes, ont été retenus par le SPHP.

Ce recrutement volumineux, qui sera suivi par un deuxième à l’automne, s’explique par plusieurs motifs.

Au premier chef, par un turnover relativement important, lié au fait que les policiers, très souvent, ne restent pas une longue période dans le service. On le sait aussi, le SPHP ne chôme pas, et il nécessite régulièrement  un renforcement  de son vivier. Là, c’est l’horizon de la présidence française de l’Union européenne, et son cortège…. De cortèges qui a incité le service a anticipé ses renforcements d’effectif.

Article tiré de Police Pro n°11  Septembre –Octobre 2008

Texte de Jean-Marc Tanguy

Author

admin@fipn-sdlp.fr

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

error: Content is protected !!