Armes, boxe et cohésion

« Comme un pilote de chasse »

Certains collectionnent les photos  de voyage.

Dans le coin cuisine du RAID, ce serait plutôt les articles de Nice-Matin.

Il  y en a là des dizaines, pour autant d’interventions ou exercices marquants.

Forcenés à Nice ou Hyères, cellule djihadiste de Menton, père en crise sur l’A50 avec couteau  et bébé sous le bras….

Ces souvenirs tapissent un mur entier, narrant la vie de cette unité hors norme.

Bienvenue dans les locaux de l’antenne niçoise du RAID.

Un QG que l’on se gardera de situer, confidentialité oblige.

C’est ici que ses membres se retrouvent, se préparent, s’entretiennent.

Ici, plus de cagoule ni de combinaison noire. Juste des hommes habillés à la cool, mais prets à basculer dans l’action à tout instant.

« Notre match à nous »

« Montre-moi ta déco, je te dirai qui tu es : l’adage vaut aussi  pour le RAID. Il y a là un maillot du Gym dédicacé par les joueurs. Ces policiers forment justement des équipiers de sport pro.

Au menu : aguerrissement, cohésion et préparation mentale.

« L’enjeu est différent. Mais  pour gagner, les qualités sont les mêmes, remarque Léo, le chef de l’antenne. Remplir la mission, ramener la personne, la présenter à la justice et rentrer indemne : c’est notre match à nous ».

Dojo, salle de muscu, mur d’escalade… Le sport fait partie du quotidien du RAID.

Policiers du RAID à l’entrainement de boxe © Stéphane Bommert

La boxe et le combat figurent dans son ADN.

« Il faut être polyvalent, tout-terrain”, témoigne Kiki.

Cet adjoint au chef d’antenne, 28 ans de service au compteur, sort d’une séance intense, muscles saillants ruisselants de sueur.

« Il faut se mettre en difficulté, savoir sortir de sa zone de confort ».

35 kilos sur le dos

De la boxe au tir, ces policiers travaillent et travaillent encore les automatismes.

« Comme un pilote de chasse ou de F1 », observe Léo.

Objectif : maîtriser  les bases pour se focaliser sur l’inattendu, le moment est venu.

Car chaque intervention est différente. « Après, tu déroules et tu t’adaptes ».

Sur le terrain, un paramètre corse l’équation : l’équipement.

Poids standard : 35 kilos.

Dans le vestiaire, Léo nous dévoile le sien.

Il y a le gilet tactique, avec casque audio et de protection auditive, trousse de secours, munitions.

© Stéphane Bommert

Le casque avec visière de protection balistique. La ceinture balistique. Et la tenue d’intervention ignifugée. Du lourd, pour faire face aux scénarios du pire.

Le choix des armes

Dans une autre salle, l’armurerie.

Des dizaines d’armes, de toute taille, de tout calibre.

Nico, le responsable des snipers, nous en présente trois emblématiques.

Le HK 417, calibre 7.62 x51, réponse aux kalach’ des djihadistes.

Policier du groupe “Omega” du RAID, équipé de son HK 417 © Sandra Chenu Godefroy

Le Blaser R93LR52, même calibre, qui permet de viser une zone précise du corps à 600 mètres – une arme de haute précision qui permet de couvrir l’intervention de la colonne, pour les forcenés et prises d’otage ».

Enfin, l’Ultima Ratio, calibre 12.7×99.

Du gros calibre.

Un autre fusil d’assaut utilisé en appui  dans des cas bien spécifiques (banque, avión , train…).

« Le sniper a le choix des armes et des munitions, explique Léo. Il doit intégrer tous les paramètres. On ne peut pas se permettre le dommage collatéral… »

Éviter les pertes civiles. Mais aussi au sein de l’équipe.

Sur les murs de l’antenne, les portraits des disparus le rappellent.

Le plus grand défi ? « Garder ce niveau d’exigence. Ne jamais devenir suffisant. Se dire que l’opération la plus importante, c’est la prochaine ».

Le parcours du combattant pour intégrer l’unité d’élite

Quels profils ?

Condition n°1 : être policier. Les candidats ont au minimum 2 ou 3 ans d’expérience de voie publique, généralement la BAC ou en CRS. Pas de critère d’âge, mais de la maturité recherchée ; les candidats ont généralement au moins 27-28 ans.

Des femmes ont rejoint le RAID au sniping ou à la négociation. Mais aucune n’est encore parvenue à intégrer  les colonnes d’assaut.

Quelles sélections ?

D’abord, l’examen du dossier pro. Puis une visite médicale. Viennent ensuite des pré-sélections physiques : test de Cooper (courir aussi loin que possible pendant 12 minutes), tractions, pompes, cordes… Sur 200  à 250 candidats par an, 60 à 70 restent en lice. Une semaine de stage commando les attend.

Objectif : tester leurs aptitudes physiques, le niveau de tir, le discernement, le sang-froid… Seule une dizaine de candidats ira jusqu’au bout.

Quelles épreuves ?

Pour prouver leur sens de l’abnégation, les futurs policiers du RAID en bavent.

Des tests phobiques gratinés, les attendent, témoigne Léo : « La personne peut être cagoulée, menottée, et balancée dans un bassin où elle doit suivre une ligne de vie, sans savoir combien de temps ça va durer… »

Traverser un tube extrêmement étroit est l’une des autres réjouissances au menu.

Quelle formation ?

Pour les « rescapés », cap sur quatre mois de formation tous azimuts, du tir à la varappe. S’ensuivent six mois d’essai à Bièvres (Essonne) au siège du RAID, en antenne métropolitaine ou Outre-mer. En tout, « une année éreintante de mise à l’épreuve », résume Léo.

Ce parcours initiatique passera encore  par la protection d’ambassades en zones sensibles, de Beyrouth à Kaboul ou encore Kiev.

Quelles motivations ?

« Si ça bipe, ta vie bascule en une minute ». Léo  résume ainsi l’engagement des policiers du RAID, « jamais totalement tranquilles ».

Une charge pour les proches, reconnait-il. Un sacrifice exigé par « un sens du devoir exacerbé », motivé par des « valeurs humaines », « l’empathie » au premier chef.

« Nous sommes l’ultime recours. Si toi tu ne fais pas le job, qui va le faire ? »

Antibes, Nice, Trans-en-Provence…. : Retour sur cinq épisodes marquants

2014, Antibes : une figure du GIGN se retranche :

Paul Barril, brevet n°2 du GIGN

Cap d’Antibes, 30 juin 2014.Le Capitaine Paul Barril se retranche chez lui, en grande souffrance, à la suite d’une rupture de traitement médical.

L’ex-patron du GIGN possède des armes chez lui.

Ses proches craignent qu’il ne les retourne contre lui.

Kiki, actuel n°3  de l’antenne RAID de Nice, entame la négociation.

«On avait déjà travaillé ensemble. J’ai essayé de créer le lien avec lui. Mais il ne voulait absolument pas me parler ; il voulait un officier de gendarmerie ».

Le colonel Marchand se joint à la négo.

Paul Barril possède un fusil de chasse, un arc et une arbalète. 

« Il nous a tiré une flèche dessus » se souvient Kiki.

Plutôt un tir d’intimidation, selon lui.

Le GIPN pénètre dans l’appartement  et découvre le capitaine Barril prostré. Il est secouru et hospitalisé.

2016, Nice : panique sur la ville 

Nice, 14 juillet 2016. Un camion blanc vient de semer la mort sur la promenade des Anglais.

La police a abattu le terroriste. Mais quand le RAID arrive, une longue nuit de « levées de doute » attend les forces de l’ordre.

« Au début, on ne sais pas qu’il est seul », explique Kiki.

Les rumeurs courent la ville, les signalements de l’individu armés se multpiplient.

Le RAID parcourt les restaurants où se sont réfugiés  clients et passants.

« Police ! Sortez mains en l’air ! »

La police enchaîne les vérifications, le risque de sur-attentat en tête.

3 heures du mat’ : arrivée de Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur.

Une mission de sécurisation  se rajoute. Elle prend fin à 5 heures. Mais dès 7 heures, une nouvelle urgence appelle le RAID : les perquisitions au domicile du terroriste.

2017, Grasse : fusillade au lycée

Grasse, 16 mars 2017. 16, comme l’âge de Killian, lycéen perturbé venu faire feu au lycée Tocqueville.

Une scène inédite en France. « On était sur place en 20-25 minutes », se souvient Kiki.

Police Nationale, Police Municipale, Gendarmerie sont là.

Le sol est jonché de sacs d’élèves, maculés de sang.

Le RAID prend la main.

« Au début, on part sur un attentat. »

En réalité, il ,n’en est rien. Killian a été interpellé, après avoir blessé son proviseur et quatre camarades. Mais les forces de l’ordre  passent au peigne fin les classes où les élèves se sont barricadés. Plus de menace en vue. « Ca a été long. Les autres équipes nous ont bien aidés ! »

2022, Trans : le forcené fait feu

Trans-en-Provence, nuit du 1er au 2 janvier derniers. Un homme se retranche chez lui, armé.

« On nous indique une tendance survivaliste, précise Léo. Nous essayons de négocier avec lui, en lien avec ses proches. »

Le RAID positiionne son blindé face au domicile. Il essuie une dizaine de tirs. Phares et projecteurs sont HS.

Le RAID a affaire à « un forcené de combat, hyper-déterminé ».

La négociation étant vaine, il puise dans sa panoplie : grenades, drones, chiens d’assaut… Au prix d’une lente progression, le forcené est interpellé.

Il a lâché son fusil de chasse, un 22 Long Rifle.

2022, Nice : il prend sa fille en otage

Nice, 24 mars dernier. Un père en proie à des problèmes conjugaux se dit prêt à tuer sa fille si on la lui prend. Le RAID engage sniper et cordistes, mais surtout le dialogue, en lien avec sa famille.

« On voit que c’est du désespoir. Il y a des leviers à actionner. On essaie de lui offrir une porte de sortie digne. »

La négociation souffle le chaud et le froid.

La jeune fille , d’une « maturité déconcertante », tente de raisonner son père.

Le RAID pénètre à l’intérieur. Il al récupère saine et sauve, puis interpelle son père/

« La priorité, c’est la vie de l’otage, puis celle du forcené ».

Questions au Dr Christian Favier, anesthésiste réanimateur au CHU de Nice, ex-directeur du SAMU 06.

Le Dr Christian Favier, anesthésiste réanimateur au CHU de Nice, est à l’origine de la convention nationale qui lie RAID et SAMU.

La première du genre fut signée en 1998 par le préfet des A-M et le directeur du CHU, à son initiative et celle du commandant du GIPN à l’époque , Alfred Fabre.

Pourquoi ce partenariat ?

A l’époque, le commandant du « GIP » est venu me voir.

Ils avaient besoin d’un médecin intégré au plus près d’eux, qui serait à la fois en protection  des fonctionnaires, d’un forcené ou d’un otage.

Ils avaient aussi besoin d’un avis psychiatrique, qui pouvait aider dans la négociation.

Les médecins ont toujours été un peu réticents à travailler avec la police, et vice-versa.

Cette convention nous a permis de mieux nous connaitre.

La présence d’un médecin s’est souvent avérée utile ?

Lors de l’une de nos premières interventions, à Magnan (à Nice, Ndlr), le patron du GIP avait reçu une balle dans le bras, le forcené avait tué sa compagne et s’était suicidé.

Quelques temps après, dans le Var, un fonctionnaire avait reçu une décharge de chevrotine dans les jambes.

Quelques interventions successives ont ainsi justifié  la présence du médecin.

Nous avions constitué une équipe d’astreinte officieuse, prête à partir avec le GIP.

Aujourd’hui, c’est professionnalisé, avec une astreinte et un financement  pour les médecins.

En évoluant aux cotés des policiers, un médecin s’expose au danger….

Le médecin est dans la colonne, derrière ou à l’étage inférieur.

La philosophie était et est toujours : avoir le médecin au plus proche de l’équipe.

Il est entraîné  et équipé pour cela.

Il ne faut pas qu’il gêne, c’est pourquoi il passe des tests d’aptitude.

Il est exposé mais les fonctionnaires le protègent.

Quel regard portez-vous sur les hommes du RAID ?

Quand on intègre cette unité, on peut imaginer : « ils se la jouent », « se sont des gros bras »…

En fait, ces gens-là sont d’un calme et  d’une maîtrise de soi impressionnants !

Ils ne se la jouent pas. Ils cherchent systématiquement à préserver la vie.

Ils interviennent avec un professionnalisme remarquable.

Je n’ai jamais eu la sensation d’être avec des cow-boys, mais avec des gens en qui on peut avoir toute confiance.

Un blindé afin de parer les balles

© Stéphane Bommert

Nom de code : PVP. Pour « Petit Véhicule Protégé ».

« On l’appelle « le blindé », précise Léo, le chef d’antenne du RAID.

Ce surnom décrit mieux la bête qui nous fait face.

5,5 tonnes hors charge, 2,20  mètres de hauteur, un gabarit et une gueule intimidants, le tout habillé de noir mat façon Batmobile : le « blindé » en impose.

Conçu aux normes militaires, il accompagnent le RAID lorsque les balles fusent.

Chaque antenne détient un blindé.

© Stéphane Bommert

« Auparavant, c’était des fourgons de la Brink’s reconditionnés. Désormais, ce sont des véhicules de la marque Panhard, financés par des fonds européens », explique Léo.

© Stéphane Bommert

Le PVP peut encaisser « tout projectile de type balistique ».

Ce fut le cas dans la nuit du 1er au 2 janvier derniers. A Trans-en-Provence, un forcené a tiré une dizaine de balles, atteignant phares et projecteur.

Deux places devant. Six à l’arrière. Une tourelle pour le sniper.

Un haut-parleur  pou négocier.

Des vitres renforcées et réduites au strict minimum.

Une grille amovible pour protéger le pare-brise.

Et un dispositif capable d’enfoncer un portail.

Voilà pour les caractéristiques du PVP.

Son rôle : protéger les policiers des balles pour retarder l’instant où ils devront riposter.

« On croit que le RAID est là pour neutraliser les terroristes. Mais notre mission c’est d’interpeller les individus et de les présenter à la justice ! »  insiste Léo.

Sur le logo du RAID, une panthère laisse prendre une patte avec nonchalance.

Symbole de cette force tranquille.

Source : Nice-Matin – article écrit le 31 juillet 2022 par Christophe Cirone avec Adèle Marchais

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