Unité méconnue de la Direction de l’Ordre Public et de la Circulation (DOPC) à Paris, la Brigade d’Intervention veille aussi bien les points hauts de la capitale que ses souterrains. Alors qu’elle fête ses dix ans en octobre, la brigade continue d’élargir ses horizons.

23 février, 9 heures, porte de Versailles. Le président de la République (PR) est attendu dans moins d’une heure, et déjà un conséquent dispositif policier patrouille l’endroit.

A 30 mètres au-dessus du trafic, dans l’axe d’une des entrées, une fenêtre coulisse en silence, un canon glisse placidement entre deux rideaux.

Derrière la lunette du Blazer LRS 2 en calibre 308, Xavier, un des douze tireurs haute précision (THP) de la Brigade d’Intervention (BI).

« Rico », son partenaire scrute les toits alentour, un fusil d’assaut  Colt M4 à portée de main.

Plusieurs autres équipes, ce jour-là, font exactement la même chose, sur des toits d’immeuble, ou directement dans le parc des expositions.

Policiers du service en entrainement au tir de précisionPhoto © Préfecture de Police


Tenir les « points hauts » est un des pôles d’excellence de la Brigade d’Intervention. Elle en a tenu 400 en 2006, une cadence plutôt dense, qui devrait évoluer à la hausse, avec l’activité du Président.
Comme tous ceux qui font un métier similaire (le RAID comme parfois les GIPN, le fait régulièrement pour le Président dans toute la France), le THP est avant tout un capteur qui récupère du renseignement  tactique pour la totalité du dispositif de protection. Dispositif qui échange sur la même conférence du réseau Acropol.

Acropol, justement, crachote quelques informations. Le binôme prend encore un peu d’altitude, en montant sur le toit de l’immeuble qu’il est chargé d’occuper.

Échelles branlantes, conduites de vapeurs, vestiges alimentaires, puis le nid d’aigle, d’à peine 4 mètres sur 3, la vue imprenable. Encore un peu plus haut, il permet de balayer un secteur encore plus vaste. Toits de Paris, toits de banlieue au-delà du périphérique, il n’y a que l’embarras du choix.


Dans la lunette de son Blazer, Xavier repère des mouvements suspects dans une tour, à plus de 400 mètres : la tour F de la base aérienne 117, en cours de désamiantage, située en face du parc.

Le statut militaire de la tour ne la dédouane en rien et, pendant quelques secondes, l’atmosphère se charge d’adrénaline.

Finalement, et comme souvent, l’alerte n’est pas fondée.

Et une urgence chasse l’autre : Acropol annonce le PR au point Echo. Quelques minutes plus tard, le cortège entre dans le Parc des expositions.


Pour deux heures, l’équipe des points hauts de la BI transmet le témoin à ses  confrères de l’équipe spéciale de gymnastique (ESG, elle aussi partie intégrante de la CSI), venue renforcer le dispositif du GSPR.

L’ESG constitue la « bulle extérieure », aux ordres de la sécurité présidentielle. Le niveau de risque habituel, plus l’éventuelle colère des éleveurs de porcs, et la première tentative d’un entarteur en mal de sensations.

THP de la B. I sur un toit parisien – Photo © Préfecture de Police

La BI veille aux points hauts. Aujourd’hui, à près de 300 mètres du PR. Mais quelques jours plus tôt ; un autre binôme  était chargé de prendre en compte un des multiples toits qui bordent le palais de l’Elysée. Le Président  recevait plusieurs personnalités internationales, ce jour-là, et le 2° secteur de la DOPC avait reçu l’ordre de mettre une équipe à disposition.

L’incontournable Blazer , culasse ouverte comme le veut la procédure, a été mis en batterie, prêt  à cracher. Et deux policiers ont traqué les mouvements suspects.

Ils n’ont pas manqué, en cette après-midi de février, plusieurs chantiers de peinture étant à l’œuvre sur les immeubles environnants.


Plus bas, autour du palais, le service de garde élyséenne (SGE, ex CGE, dépendant lui aussi de la DOPC) était à pied d’œuvre, en civil et en uniforme.

Et dans la cour même, le GSPR s’est assuré de la bonne discipline des journalistes attendant la première personnalité.

Progression d’une colonne de la B. I – Photo © Préfecture de Police


Comme c’est la tendance pour les unités d’intervention de la police, la BI prête régulièrement assistance aux services qui demandent son concours. Très souvent, c’est le cas avec la Brigade Antigang du « 36 ». Extraction de prisonniers à risque, mais aussi, et plus évidemment, lors d’interpellations en milieu ou sur criminels sensibles. Sans surprise, ce binôme a été mis à contribution mi-février, avec le RAID, la BRI Versailles et le GIPN de Lille pour interpeller 37 suspects dans les violences de Villiers-le-Bel.

Quelques jours auparavant, nous le avons accompagnés sur une autre opération, menée par la sécurité départementale (SD) de l’Essonne – une première à l’époque, la coopération restant rare avec les services de police de la grande couronne parisienne. Les enquêteurs ont mis à jour une équipe de carjackers ultraviolents.

La BI est engagée au motif qu’un des auteurs présumés a été aperçu en possession d’une arme à feu sur un de ces vols.

Quelques minutes avant l’heure légale, un petit groupe se retrouve donc en pointe d’une équipe de la SD91.

Protégée par un petit bouclier tactique, la colonne progresse dans les escaliers d’une cité paisible du Val-de-Marne.

Le chef des enquêteurs a souhaité effectuer des sommations interpellatives, mais un binôme d’effracteurs est prêt à faire un sort à la porte, en cas de non-réponse.

Le bélier ne parlera pas ce matin-là. La porte s’ouvre, après quelques secondes particulièrement pesantes, et la marée bleue fait le reste, précédée par le bouclier. Les équipiers de la BI s’assurent de la sécurité de l’endroit, et de la placidité de ses occupants.


Pendant près d’une heure, les enquêteurs s’attachent à notifier la garde à vue à l’interpellé, et à effectuer la perquisition.

Une fouille exhaustive de la cave livre un détail intéressant : une mallette tactique destinée au transport d’une arme de poing, et un écouvillon, qui n’est pas là, au vu de sa taille et sa forme bien connue, pour nettoyer les biberons des chérubins.

Quelques jours plus tard, changement radical de décor : le jour à peine levé sur la place Dauphine, la BI voit arriver les Renseignements Généraux (RG), son donneur d’ordres inhabituel. Le motif de la visite matinale l’est tout autant : suspicion de blanchiment  d’argent, sur fond de jeux, tout aussi illégaux.
Le trafic a rameuté des « clients » aux réactions incertaines, d’où la présence de la BI.

Plusieurs points seront « tapés » simultanément, y compris, et surtout, un cercle de jeux.
Après un contact rapide avec le gardien de l’immeuble, la chenille de la BI commence sa progression par les escaliers, jusqu’au palier cossu indiqué par le duo des RG.


Une annonce orale, et la porte s’ouvre, après quelques secondes. Le suspect, éberlué, est maîtrisé sans le moindre problème,  pendant que les policiers des RG commencent, sans attendre, la perquisition de rigueur.


Très souvent, ces assistances se déroulent sans le moindre problème, et on pourrait donc croire que l’appui de la BI est superflu. Mais ce n’est pas l’avis des « assistés », qui ont pris l’habitude de travailler en coopération, au grand bénéfice de la BI, qui peut ainsi diversifier encore son spectre opérationnel.

Photo © DICOM

Origines et équipement
Les origines de la BI remontent à la Brigade de Dispersion et d’Intervention (BDI), mise sur pied en  octobre 1998 à partir d’effectifs de la compagnie des moniteurs et sportives. L’année suivante, l’unité change d’appellation pour prendre son nom actuel de Brigade d’Intervention, et est rattachée au 2° district de la Direction de l’Ordre Public et de la Circulation.


En 2004, la BI élargit son horizon en étant associée à la Brigade de Recherche et d’Intervention (BRI) de la police judiciaire parisienne, pour constituer la Brigade Anti-Commando (BAC).
La BI est commandée par un major, et regroupe neuf brigadier-chefs, quatre brigadiers et 20 gardiens de la paix.


Les douze tireurs haute précision (THP) se partagent dix Blazer LRS 2 R93 en calibre 7,62mm, ainsi que les 20 Tikka 3T (en 7,62 mm également) que peuvent manier les 21 tireurs de précision (TP ) du service.
Les opérateurs disposent également d’armes en calibre 12 : fusil à pompe Beretta et semi-automatique Benelli. La BI emploie aussi la carabine M4, qui avait été, à l’origine, acquise par la COTEP pour les escortes de convois, à l’époque du passage à l’euro.

En nombre plus réduit, la BI déploie aussi des lanceurs de balles de défense Brugger & Thomet. Elle attend des pistolets à impulsion électrique Taser X26, pour remplacer  l’ancien modèle, qui n’était pas doté d’aide à la visée et de micro-caméra.
Pour l’effraction, la brigade utilise le système Door-Raider (développé initialement par  et pour le RAID), ainsi que les tout aussi traditionnels béliers.


En 2006-2007, la BI a assuré 400 points hauts, 45 missions d’assistance, pour une trentaine d’interpellations. Enfin, elle a également effectué six opérations dans le cadre de la Brigade Anti-Commando. »

Article tiré de Police Pro n°12  – Novembre Décembre 2008

Texte de Yann Torebenn

 

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