Après les attentats, les hommes du RAID, force d’intervention de la Police nationale, doivent s’entraîner. Encore plus. Friches ou locaux désaffectés de la métropole servent de terrains pour des exercices, qu’il faut faire et refaire fictivement avant de les maîtriser dans la réalité. Nous les avons suivis.

Un homme tout en noir, le visage dissimulé sous une cagoule avec seulement deux trous pour les yeux, hurle : « Pan, pan, pan ». Les hommes de l’antenne RAID 59, groupe d’intervention de la police nationale compétent pour la région ainsi que la Somme l’Aisne et les Ardennes, s’entraînent dans un lieu que nous devons tenir secret. Et même si la scène -un policier du RAID hurlant Pan pan pan avec conviction- pourrait sembler incongrue, l’atmosphère est si réelle qu’il est impossible de vivre l’exercice avec distance. L’explication technique à ces onomatopées est que primo le site ne se prête pas au tir, et deuxio il est important de compter le nombre de tirs effectués avant de pénétrer dans l’endroit où se joue le drame (fictif aujourd’hui).

 
Peu d’endroits comme celui-là en France

Impossible de révéler où se trouve ce lieu, donc, pour ne pas attirer les curieux et gêner , sauf à dire qu’il est dans la métropole lilloise. Nous sommes dans un « close quarter battle » (maison de combat rapproché), un « CQB » en langage RAID, d’une superficie de 400 m2, rien que pour s’exercer. Cet endroit est utilisé à titre gratuit, suite à la signature d’une convention entre le RAID et une administration publique. « En France il n’y en a pas beaucoup. » L’unité d’élite s’entraîne quelques mois dans ce lieu qu’elle use jusqu’à la moelle, avant de changer. Ce jour-là, le scénario, expliqué par le capitaine commandant l’unité, est le suivant : « On a des hostiles, lourdement armés, qui ont tué plusieurs personnes et se sont retranchés dans la structure, avec des otages. Il faut qu’on les cherche. » Un exercice de reconnaissance : comment fouiller une pièce potentiellement pleine de terroristes cachés, en se protégeant au mieux ? Et de progression : comment avancer dans un environnement hostile ?

 
Mininum un entrainement sur site par semaine

Dans les 400 m2 mis à leur disposition, les hommes du RAID ont recréé un simili-appartement, avec des portes récupérées ci et là, montées sur des courroies de fer afin de pouvoir changer la physionomie des pièces. À l’intérieur, des meubles, comme un canapé, un lit ou une armoire, de la récup aussi, sont là pour gêner les policiers.

Chacune des sept antennes régionales du RAID passe du temps à « des relations avec des partenaires, indique le capitaine (qui souhaite rester anonyme). Nous signons des conventions pour bénéficier de sites d’entraînement. Nous en faisons un sur site par semaine au minimum ». Ces conventions sont signées par le chef du RAID, au niveau national, de gré à gré : « Le propriétaire nous impose nos marges de manoeuvre, quand on peut y aller, quand peut-on dégrader, combien de temps on l’a. L’actualité a fait que nous n’avons pas eu le temps de prospecter… Mais nous en avons besoin. Hier j’ai envoyé un mail à une grosse agence immobilière. »

 
Différents lieux sont nécessaires

Le RAID utilise « des biens en situation de transit », pendant une période donnée : « Nous ce qui nous intéresse, c’est la nouveauté architecturale. Si on connaît un site par coeur, au lieu d’une intervention en deux heures, on la fait en trois quarts d’heure. Ce n’est pas réaliste. »

Le RAID a besoin de différents lieux, en fonction des exercices : des propriétaires prêtent des carrières, pour le tir à longue distance ou sniping, des chantier, avec des grues pour la varape, technique d’intervention en hauteur, ou « du bâti clos », et de préférence discret, pour les exercices de progression. Par exemple, l’ancien crédit municipal de Lille, rue Nicolas-Leblanc. Ou encore, « des sites où on peut casser des portes », pour s’entraîner à l’effraction (comme lors de l’assaut à Saint-Denis). « Quand on a une structure on fait deux ou trois mois avec. »

 
Friche Motte-Cordonnier d’Armentières : les raisons d’un succès

Douze hectares de terrain, et une majestueuse ancienne brasserie, mythique, qui élève ses briques sur plusieurs étages : le « terrain de jeu » idéal pour les forces de police. Parmi elles, le RAID, qui a utilisé ce site jusqu’à la moelle.

La brasserie Motte-Cordonnier, qui a définitivement cessé ses activités en 2002, est en effet un « site voué à la destruction » (au moins en partie), précise le capitaine de l’antenne RAID 59. Un pôle de loisirs, Euraloisirs, devrait y voir le jour d’ici à 2017 : bowling, restaurant, aire de jeux… En attendant, « nous nous y sommes entraînés pendant assez longtemps ».

Pour diverses raisons, indique le capitaine : « La hauteur permettait un travail sur cordes. Nous pouvions par exemple y faire de la descente en rappel. Avec les toits plats, nous pouvions également effectuer des déposés-récupérations en hélicoptère. »

 
L’entraînement sur site, « 80 % de notre activité »

Et quoi de mieux que les méandres du bâtiment pour travailler « la tactique », « la progression » ? Par ailleurs, la friche est relativement isolée, ce qui autorisait le RAID à s’épancher en toute liberté, par exemple à réaliser des effractions à l’explosif. L’entraînement sur site représente « 80 % de notre activité », détaille encore le capitaine.

À raison d’une fois par semaine minimum, pendant des mois, les hommes du RAID ont fini par connaître les moindres recoins de la friche. Du coup, l’exercice est devenu de moins en moins réel. D’où l’importance de changer d’endroit pour appréhender de nouvelles difficultés. Et se rendre ainsi encore plus performants.”

Source : LaVoixDuNord.fr – article écrit le 06 janvier 2016 par Plana Radenovic avec Gilles Contraire

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