« À Bièvre, dans l’Essonne, l’imposante maison du RAID est un ancien séminaire dont la chapelle accueille depuis presque 30 ans une salle de sport, avec ring, tatamis et appareils de musculation.
Et dans la lumière colorée par les vitraux, les hommes, et les quatre femmes du RAID, se préparent pour leurs missions dont le nombre a été multiplié par quatre entre 2012 et 2013. En 2013, ces policiers ont maîtrisé 14 preneurs d’otages et 63 forcenés. «Sans un coup de feu», lâche le patron, le contrôleur général Jean-Michel Fauvergue.
Il faut ajouter à ces statistiques 398 interpellations en «milieu clos», la spécialité de cette unité qui refuse de se présenter comme une «élite». «Nous sommes une unité spécialisée, pas une unité d’élite, insiste un officier. Nous sommes recrutés, équipés, entraînés pour des missions précises où le risque est majeur. Le maître mot reste l’humilité.»
À Bièvre, les «Raideurs» répètent leurs gammes prêts à intervenir à la moindre alerte. Ils disposent notamment d’un stand de tir couvert de 600 m2 où mêmes les véhicules peuvent pénétrer. «Cela permet de s’entraîner à balles réelles», glisse un moniteur. Les policiers disposent également de zones d’entraînement où parcours de tirs et logement reconstitué sont modifiables presque à l’infini. «Aucune opération ne ressemble à une autre, aucun appartement, aucun suspect», rappelle un ancien.
Face à des suspects plus violents
Et il suffit d’avoir passé casque et gilet pare-balles allégé (l’équipement complet pèse 30 kg) pour visualiser la difficulté de la tâche quand il s’agit d’interpeller un suspect, au milieu des grenades qui explosent, qui vous tire dessus même avec des balles où la peinture a remplacé le plomb…
Ce quotidien, les «opérationnels» du RAID l’abordent toujours avec prudence. «Même dans les arrestations liées au banditisme, nous faisons face à des hommes, ou des femmes, toujours plus violents, prévient un officier. Déjà ils craignent toujours une descente de la bande d’en face. Et surtout, ils n’hésitent plus à tirer, même sur des policiers.»
Et dans le contexte national et international actuel, impossible d’ignorer le risque terroriste. Le RAID a déjà croisé la route des gangsters — jihadistes de Roubaix en 1996 et Mohammed Merah, à Toulouse en mars 2012.
«Le terrorisme constitue aujourd’hui la partie la plus préoccupante de nos missions. La question n’est plus de savoir si un événement aura lieu mais quand», affirme un officier du RAID. Les événements de 2013 en Algérie (complexe gazier d’In Amenas 67 tués dont 38 otages) et dans un centre commercial de Nairobi au Kenya (68 tués, 175 blessés) pèsent dans la réflexion de ces spécialistes.
«Notre crainte c’est l’assassinat de masse comme à Nairobi avec des terroristes qui tirent sur tout ce qui bouge, à l’aveugle dans un immense centre commercial. Dans un cas comme cela, nous ne serons pas les premiers intervenants. Pourtant, il ne faudra pas hésiter à tirer sur les terroristes, même dans le dos», préviennent les «Raideurs». Une évidence quand on discute calmement mais qui ne va pas de soi chez les policiers ou gendarmes français. Une question de culture et un long apprentissage marqué par les règles de la légitime défense.
«On organise des stages Amok pour apprendre à nos collègues à bien réagir mais les mises en situation nous montrent que très peu sont prêts à ouvrir le feu, même sur un terroriste qui vient de tuer aveuglément», souligne l’encadrement. «Pourtant l’analyse de ces attentats comme celui de Nairobi démontre que chaque minute perdue se traduit par des morts d’innocents supplémentaires», insiste un homme du RAID.
«Des bombes» vont rentrer du jihad
Mais au-delà ces attentats «organisés», les officiers du RAID craignent beaucoup les «individus en crise». «Des gens qui sont psychologiquement instables et qui, s’ils arrêtent leur traitement, deviennent incontrôlables», détaille un officier. Le RAID n’oublie pas qu’il a perdu deux hommes lors d’une intervention sur un «forcené» à Ris-Orangis en août 1989 – un troisième membre du RAID a été tué en Corse lors d’une fusillade avec des indépendantistes. «Actuellement il y a environ 900 jihadistes français en Syrie. Des individus qui assistent, ou participent, à des atrocités quotidiennes. Quand ils vont rentrer, sans doute victime de symptômes post-traumatiques, s’ils se retrouvent en crise, comment vont-ils réagir ?» interroge un officier. «Des bombes à eux seuls, ou à plusieurs !» tranche un des responsables.
Pas vraiment rassurant. «Actuellement dans notre pays, le risque est majeur. Nous nous préparons en conséquence. Il y aura de la casse chez nous. Nous en sommes conscients». »
Source : Ladepeche.fr – article écrit le 30 septembre 2014
Photo © DDM – Nathalie Saint-Affre