“Trois terroristes ont mis en alerte maximale tous les services spécialisés pendant trois jours. Ils ont tué 17 personnes, dont deux policiers nationaux et une policière municipale.

Le 7 janvier, peu après 11 heures, deux frères, Chérif et Said Kouachi, pénètrent , armés, dans les locaux de Charlie Hebdo (dans le 11° arrondissement de Paris).

Les dessinateurs emblématiques Cabu, Charb (également directeur du journal), Honoré, Tignous et Wolinski, ainsi que l’économiste Beranrd Maris, réunis en conférence de rédaction, sont tués sans merci.

Six autres personnes sont abattues et quatre sont gravement blessés.

Franck (49 ans), un brigadier du Service de Protection des Hautes Personnalités (SPHP), en charge de la sécurité de Charb, a perdu la vie en tentant de s’interposer.

Il avait bourlingué auparavant en Bosnie, en Afrique, au Liban, en Afghanistan, comme ultime rempart auprès de VIP. Il laisse deux enfants et une veuve.

Ahmed Merabet (42 ans), un policier de l’arrondissement qui figurait parmi les primo-intervenants, est froidement abattu alors qu’au sol, il demande grâce.

Il venait de réussir l’examen d’officier de police judiciaire, et allait quitter la brigade de police secours du 11° arrondissement, dans laquelle il servait depuis huit ans.

Il n’avait que son Sig 2022 pour tenter de contrer des Kalachnikov.

Revendication ou oubli ?

Les témoins évoquent des fusils d’assaut, attestés par les dizaines d’impacts retrouvés à Charlie Hebdo, mais aussi un lance-roquettes.

Un « allah akbar » est lâché par un des deux hommes, qui disent avoir « vengé le prophète ».

Cette première attaque donne le ton des heures qui vont suivre.

L’identité des deux tueurs masqués set assez vite établie.

Revendication ou oubli, l’un des deux frères a laissé un document d’identité dans la C3 aux fausses plaques d’immatriculation, abandonnée rue de Meaux, entre Paris et Banlieue.

Les noms et les empreintes  parlent.

On apprend que Chérif Kouachi (32 ans) avait été condamné en 2008 à trois ans de prison, pour sa participation  aux filières du djihad irakien, en 2003, dite « filière des Buttes-Chaumont ».

Il avait lui-même prévu d’aller au djihad, mais son arrestation en 2005 l’en avait empêché.

En 2010 son nom réapparut dans le projet d’évasion de l’artificier des attentats de 1995 à Paris, Smain Ali Ait Belkacem, ancien  membre du GIA algérien.

Said Kouachi (34 ans), l’ainé, aurait selon les Américains, effectué un séjour en 2011 dans un camp au Yémen, où il aurait été formé par une franchise locale d’Al-Qaida.

« Alerte attentats », le niveau ultime

Le soir même, le RAID assiste la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) , dans une série  de perquisitions à Reims, où les frères ont des attaches.

Mais le filet se referme sur du vide.

Parallèlement, le dispositif Vigipirate est relevé à « Alerte attentats », le niveau ultime.

A Paris, les effectifs  passent de 450 à 900 personnels, avec en vue un niveau de 1200, puis à terme, de 2400 : du jamais vu, qui illustre les pires craintes des autorités. Il faut peu de temps pour qu’elles se confirment.

Deuxième jour, une policière municipale est froidement abattue à Montrouge (Hauts-de-Seine).

On ignore alors s’il y a une connexion ou non avec l’affaire de la veille.

La trace des deux fuyards est retrouvée le long de la nationale 2, au nord-est de Paris, où ils viennent de braquer l’employé d’une station-service.

Une gigantesque opération de ratissage est lancée pour les retrouver, depuis la veille.

Troisième jour, alors que le RAID et le GIGN projettent une opération dans cette zone, les deux frères font à nouveau parler d’eux.

Ils ont abandonné leur Clio volé à a propriétaire une 206 à Montagny-Sainte-Félicité (Oise).

Le véhicule est pris en chasse par des hélicoptères.

Il est stoppé à un barrage de gendarmerie à Dammartin-en-Goele (Seine-et-Marne) et pris en chasse par une voiture.

Le duo se réfugie dans une petite imprimerie : la patrouille de gendarmerie peut le vérifier de visu en se faisant tirer dessus.

Les gendarmes ripostent, et blessent légèrement un des deux frères.

Ces derniers se retranchent  dans l’imprimerie et relâchent une personne… ils ignorent  qu’un salarié de 26 ans s’est réfugié sous un lavabo, dans un local.

Ce dernier pourra communiquer  avec l’extérieur jusqu’à sa sortie miraculeuse.

Coup de théâtre à Paris

Les hélicoptères se posent dans un champ voisin, après que les Puma du GIH, dépendant du 4°RHFS, unité du COS, ont aérocordé leurs occupants.

Deux des quatre pistes de Roissy, à une dizaine de kilomètres de là, sont fermées provisoirement , afin de libérer de l’espace aérien pour les hélicoptères et pour éviter d’éventuels de l’espace aérien pour les hélicoptères  et pour éviter d’éventuels tirs sur les avions avant leur approche finale (un risque néanmoins assez minime).

A 13 heures, coup de théâtre, une deuxième prise d’otages commence à Paris, porte de Vincennes.

Le comparse des deux frères dont on connait désormais, Amedy Coulibaly, fait irruption dans un magasin casher, et retient  une quinzaine de personnes en otage.

Quatre sont tuées dans les premières minutes de l’attaque, et six clients réussissent  à se dissimuler  dans la chambre froide, que le terroriste n’a pas le temps de fouiller.

Ce délinquant multirécidiviste (six condamnations) de 32 ans a été condamné en décembre 2003  à cinq ans de prison.

Il est pourtant libre 13 mois plus tard….

Il avait aussi été gardé à vue en 2010 ; la perquisition de son logement  avait mis à jour des cartouches de 7, 62mm.

La connexion avec les frères Kouachi est ancienne : Amedy Coulibaly a connu Chérif Kouachi en 2005-2006 à la prison de Fleury-Mérogis.

En 2010, ils auraient rencontré Djamel Beghal, dans le Cantal : ce Franco-Algérien avait nourri le projet d’un attentat contre l’ambassade américaine et le Centre Culturel Américain à Paris.

Projet déjoué, qui l’avait envoyé en prison, condamné à 10 ans de réclusion en mars 2015.

Lui, par contre, est toujours incarcéré.

Il faut basculer sur Paris les moyens du RAID et de la BRI qui étaient venus à Dammartin, notamment le fourgon de la BRI, un ancien camion de transport de fonds reconverti en blindé d’assaut et qui sert aussi d’armurerie sur roues.

Coulibaly appelle la chaîne info BFM TV ; il se réclame de l’EI, et assure avoir décidé une vague terroriste avec les frères Kouachi, jusqu’à une division du travail : au duo, Charlie Hebdo ; à lui, les policiers.

Pourtant, il n’a pas particulièrement ciblé ces derniers, et les motifs du tir contre la policière municipale de Montrouge ne sont toujours pas clairement élucidés.

Les commentateurs expliquent que la décision d’un double assaut est prise par l’Élysée.

Mais c’est en fait une décision technique, pas politique.

Ce sont les deux frères qui précipitent  le top action, puisqu’ils sortent peu après 17 heures, seuls, face aux gendarmes du GIGN et à la mort, qu’ils cherchaient sans aucun doute après être passés à la postérité.

Ils sont neutralisés.

Un gendarme du GIGN est blessé, mais ses jours ne sont pas en danger.

Cette évolution subite oblige à précipiter l’assaut à Vincennes : les deux actions doivent être strictement simultanées, car le preneur d’otages de Paris a demandé, via la négociation, à ce que les deux frères Kouachi puissent repartit indemnes.

Vu leur sort, il ne fait plus aucun doute que Coulibaly risque de retourner ses armes contre ses otages.

La police donne l’assaut sur le magasin.

Quatre otages n’ont donc pas survécu, et le terroriste non plus. Deux policiers sont blessés.

Au bilan, en moins de 72 heures, 17 personnes ont été tuées, ainsi que les trois terroristes, et neuf autres personnes ont été blessées grièvement.

Le profil des trois terroristes interroge, dans la lignée de Mohammed Merah, sur les moyens consacrés, en France, au suivi des suspects  de terrorisme, au respect des condamnations….

Les trois frères Kouachi se sont réclamés d’Al-Qaida au Yémen, structure qui les a vraisemblablement  instruits, mais peut-être pas forcément instrumentalisés ni commandés par la suite. Coulibaly, lui , dit d’avoir été envoyé par EI.

Premier déploiement conjoint

Cette intervention a bousculé les frontières.

Pour la première fois , RAID et GIGN ont été déployés ensemble dans une opération de contre-terrorisme… et le blindé de l’antigang parisienne est même intervenu dans la Seine –et-Marne, avant de rallier Paris, pour la deuxième intervention.

Le RAID a aussi été mobilisé, pour cette deuxième intervention , alors que, historiquement seule l’antigang régnait sur Paris.

Au soir du 9 janvier, le Premier ministre a reconnu qu’il avait eu des « failles » dans la détection des profils terroristes, tout en reconnaissant « que nous faisions face à un défi majeur ( …) Face à des individus déterminés qui sont dans la population ».

La France entre dans une ère active de terrorisme. Il faudra sans doute bien des adaptations de structures, et ce qui va avec –les moyens- pour traverser cette nouvelle crise.”

Source : RAIDS n°345 – article écrit par Yann Torreben  en février 2015

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