FIPN-SDLP : Peux-tu te présenter ?

Stéphane : Je m’appelle Stéphane, je suis né le 19 juillet 1963, marié et père de trois enfants. Major de police échelon exceptionnel.

Je suis également réserviste en tant que moniteur de tir (CTSF 94 depuis 2022) et ancien judoka de niveau international.

Stéphane, Major de la BI avec la Brigade Fluviale de la DOPC

F-S : Pourquoi avoir choisi la police nationale comme métier ?

S : Par vocation comme beaucoup. Plus jeune, j’étais très sportif et j’ai toujours cherché à protéger celles et ceux qui ne le pouvaient pas.

Un rêve de gosse.

F-S : As-tu un parcours militaire particulier ?

S : Pas du tout. J’ai effectué mon service militaire au sport armé Marseille, j’étais en équipe de France judo.

Pendant cette année, j’ai pu m’entraîner comme je le voulais deux fois par jour, en tant que junior.

F-S : Quels sont les services auxquels tu as appartenu avant d’intégrer la BI ?

S : J’ai commencé ma carrière au commissariat du 7°arrondissement de Paris, puis dans le 20°.

Ensuite je suis allé à la 3e BMA  (Brigade Mobile d’Arrondissement – qu’on peut  comparer aujourd’hui à une CI) puis à la compagnie sportive, j’étais instructeur de tir CAFD2  (Centre Annexe de Formation du 2° District) à la porte de la villette.

 Moniteur APP (aujourd’hui FTSI -Formateur des Techniques en techniques et Sécurité en Intervention) pendant un an et pour finir, à la Brigade d’Intervention (Brigade Anti-Commando, assistance GSPR…).

Tir à genoux pour cet opérateur de la BI au stand de tir.

F-S : A quelle année as-tu décidé de postuler à la Brigade d’Intervention et pourquoi ? Que connaissais-tu du service ?
S :
J’ai été recruté en 1998 deux ou trois mois après la création du service en tant que moniteur de tir et opérateur, j’étais gardien de la paix.
Je connaissais tout du service puisqu’il avait été créé par les effectifs de la compagnie sportive.

F-S : Comment le service était-il organisé à l’époque et quelles étaient les missions ?
S :
Comme tous les services de police. L’organisation pyramidale : commandant, Capitaine, Lieutenant, Major, Brigadier-chef, brigadier.
Les missions étaient multiples. De la sécurisation des anciennes carrières de paris, la surveillance des personnalités depuis les points hauts, la sécurisation au parc des princes, la reconduite aux frontières des personnes expulsées de France et les assistances aux services demandeurs.

F-S : Qui sont les opérateurs du service ?
S :
Sans citer de noms, les policiers de la BI étaient tous issus de la Compagnie Sportive, sportifs de valeur nationale. On avait des athlètes, des boxeurs, des judokas, des karatékas, des rugbymens, des gymnastes, des cyclistes, etc.…une grande richesse.
Les opérateurs qui y œuvrent actuellement, sont des sportifs accomplis dont certains sont athlètes de haut niveau.

Colonne de la BI en exercice

F-S : Comment sont sélectionnés les policiers qui candidatent et comment se déroulent les sélections ?
S :
Au départ, début 1998 les tests ne duraient qu’une journée.
Nous testions les candidats sur des parcours d’habilité motrice, de tir, des tests d’agressivité en sports de combat (poing, pieds poings, et sol).
Les policiers étaient notés sur les tests de claustrophobie et de vertige. Un échec à l’une de ses épreuves était, et reste éliminatoire.
La Brigade d’Intervention faisait déjà les décrochages de banderoles et interpellait les individus « en hauteur ». Il fallait pouvoir monter très, très haut, tout en s’assurant soi-même et la personne à interpeller. Un opérateur de la BI ne peut pas avoir le vertige.

Au fur et à mesure, nous avons décidé de pousser les tests dans la durée.
Aujourd’hui, les sélections se font sur quatre jours et trois nuits. Ces sélections nous permettent d’apprécier les candidats, les efforts, leurs peurs, nous voulons qu’ils se surpassent et qu’ils trouvent en eux des facultés qu’ils ignoraient.

F-S : Quelle est la durée formation des nouveaux opérateurs, en quoi consiste la formation.
S :
La formation n’est jamais terminée, on apprend tous les jours.
Il faut une période de neuf mois à 12 mois pour acquérir les bases des techniques de cordes, d’effraction, la tactique, du combat et du tir (de précision).
Ce n’est pas simple de poser un Libervit (système hydraulique d’ouverture de porte), de connaître tous les nœuds, de travailler en binôme ou trinôme…il faut du temps et on ne doit pas brûler les étapes.
Tous les opérateurs doivent acquérir les spécialités de « THP » (Tireur de Haute Précision), de TQ (Tireur Qualifié Arme de Poing), TIH N1 et N2(Techniques d’Intervention en Hauteur Niveau 1 et 2).

Policiers de la BI en exercice THP.

F-S : Y a-t-il des pools de spécialités à la BI ou tous les opérateurs sont polyvalents ?
S :
Le principe est que tout le monde doit savoir tout faire. Certains sont meilleurs dans certains domaines mais tous les opérateurs doivent pouvoir remplacer n’importe lequel du groupe.
C’est la base commune obligatoire, n’importe qui doit tout faire, avec des leaders dans chaque spécialité, bien évidemment.
C’est le principe d’une antenne RAID (ex-GIPN).

A la BI, l’esprit de groupe et la cohésion sont des facteurs importants. Être un champion dans un domaine quelconque ne garantit pas la réussite à nos tests. Nous voulons des opérateurs modestes, qui se remettent en question et font preuve d’empathie.

F-S : En quoi le sport est-il révélateur ?
S :
Le sport est une source d’équilibre. Il faut des opérateurs au mental solide et dans une forme irréprochable. Un esprit sain dans un corps sain.
La pratique est quotidienne, l’entraînement physique est basé sur la musculation pour supporter les équipements lourds (25 kilos + transport du matériel, on arrive parfois à 35, 40 kilos).
Les sports de combat sont utilisés pour appréhender un individu à interpeller sans danger, ni pour lui ni pour nous.
Pour être endurant dans les interventions longues et à risque.

F-S : Quels sont les sports que vous pratiquez ?
S :
Nous pratiquons plusieurs formes de boxes, du judo, de la musculation, de la natation, du cardio, du crossfit…
Pour la préparation physique, les opérateurs sont libres de pratiquer la musculation ou le crossfit.

Stéphane sur un pas de tir.

F-S : Comment est déclenchée la BI.
S : L’état-major de la DOPC (Direction de l’Ordre Public et de la Circulation) est saisi et nous informe tout de suite de l’intervention en cours.
Il nous informe également des services demandeurs pour les assistances domiciliaires.

F-S : quelles étaient tes fonctions en tant que major ?
S :
J’étais instructeur de tir, chef de groupe (donc dans la colonne d’intervention) et je faisais le « tampon » entre la hiérarchie et les effectifs.

F-S : La BI faisait partie de la BAC avec la BRI PP depuis quelle année ?
S :
A la suite des attentats du 11 septembre aux États-Unis, nos politiques ont souhaité renforcer les groupes d’intervention, notamment à Paris.
Ainsi, en 2003, la Brigade d’Intervention a intégré la Brigade Anti-Commando avec la BRI pour toutes les opérations visant à interpeller forcenés, retranchés avec et sans otage, braqueurs et terroristes.

F-S : En intégrant la Brigade Anti-Commando, vous faites partie de la FIPN lors de sa création. Quels avantages /inconvénients en avez-vous tirés ?
S :
Nous avons bénéficié de matériels communs (tenues, moyens de communication, boucliers balistiques…) et l’harmonisation de l’armement pour tous les services FIPN nous a permis d’obtenir des HK 417.
Malheureusement, aucun stage n’a été organisé entre les unités.
Cependant, dans le cadre de la BAC (Brigade Anti-Commando) la BRI et la BI se sont entraînées ensemble à de multiples reprises pour harmoniser les techniques d’intervention.
Nombre de nos effectifs ont rejoint la BRI, le RAID, le SDLP, etc.
L’entraînement quotidien est un facteur positif et une chance pour candidater aux tests.

F-S : L’arrivée de Kato a-t-elle changé beaucoup de choses au service ?
S :
Kato était un officier excellent meneur d’hommes, grâce à son expérience acquise au cours de sa carrière (GIPN et RAID), il a fait progresser les opérateurs de la BI sur le plan tactique.
Il a amené de la rigueur et un professionnalisme pointu.
Grâce à son enthousiasme et à son management remarquable, il a poussé les opérateurs au plus haut niveau. Nous lui devons beaucoup.

F-S : 2015 a été une année difficile, marquée par les attentats de janvier et novembre.

Peux-tu en parler ?
S :
La BI a été requise le lendemain de la tuerie de Charlie Hebdo.
Le patron du RAID de l’époque, Jean-Michel Fauvergue a déclenché la FIPN (la seule fois de son histoire). Il prenait ainsi le commandement du RAID, et de la BAC.
Les identités des frères Kouachi trouvés, nous avons perquisitionné dans plusieurs endroits qu’ils pouvaient occuper.
Ils ont fini leur périple à Dammartin-en-Goële où le GIGN a récupéré l’opération puisque c’est une zone gendarmerie.
Nous avons été, avec le RAID et la BRI sur Paris, à la porte de Vincennes sur la prise d’otages de l’Hyper Cacher. A l’issue de l’opération, nous avons eu un blessé par balles.

Le 13 novembre, nous avons été requis avec la BAC pour intervenir au Bataclan.
C’était une soirée très difficile pour tous les personnels sur place. Aussi bien police, pompiers que le corps médical.
C’est le travail des groupes d’intervention d’entrer quelque part et de neutraliser des terroristes mais rien ne nous préparait à ce que nous avons vu.
L’odeur de poudre et de sang mêlés ajoutait à l’horreur de la salle de spectacle.
Là où le public était en communion pendant le concert, régnaient désormais la mort et la peur.
Nous sommes entrés avec le RAID et la BRI.
Vous savez comment l’intervention s’est déroulée, je ne reviens pas dessus.


Tous les opérateurs ont été marqués et profondément affectés par ce qu’ils ont vu, ceux qui le souhaité ont été aidés psychologiquement.

L’entraînement auquel ils ont pris part des années durant leur a permis d’intervenir de manière la plus sécurisée possible.
Ces événements ont eu pour effet de resserrer les liens entre les opérateurs.

Nous étions également à Saint-Denis après l’intervention du RAID.

Dispositif BAC (BI et BRI PP) avant l’intervention sur l’Hyper cacher à Vincennes en 2015.

F-S : Peu de temps après 2015, la BI a été évincée de la BAC, en connais-tu les raisons ?
S :
C’est une histoire d’égo entre les grands responsables.

F-S : Alexandra Guerreiro a écrit un roman sur les opérateurs de la BI intitulé « la BI sur les toits de Paris », l’as-tu lu ?
S :
Oui je l’ai lu. Elle a passé du temps au service. Elle connaît le langage « Police », l’armement et le matériel. C’est un livre intéressant. Techniquement c’est également fidèle à la réalité de nos missions. Elle a bien été conseillée, bravo !

F-S : A quelle année as-tu quitté le service ?
S :
J’ai pris ma retraite début 2022.

F-S : Avec le recul et ton expérience, comment vois-tu l’évolution de la BI ?
S :
tout dépendra des Jeux Olympiques. Si tout se passe bien, la BI a des chances de poursuivre son évolution, dans le cas contraire, si malheureusement un drame survient, il pourrait y avoir de grands bouleversements.
C’est une brigade qui est certainement la plus pointue en termes de manœuvres de cordes. (Décrochage de banderoles et d’individus sur les ponts, monuments et bâtiments parisiens) les opérateurs sont toujours disponibles, désireux de s’améliorer, et travailleurs. Cela a été un vrai plaisir de partager toutes ces années avec eux

F-S : Une vie de famille est-elle compatible avec la vie d’un opérateur ?
S :
Oui bien sûr. Il faut une union soudée. Nos femmes doivent vivre avec la peur de nous perdre et accepter notre obligation de réserve.
Les médias ont eu un rôle pendant les attaques terroristes de 2015.
Nous ne sommes pas rentrés plusieurs jours chez nous pendant la traque des frères Kouachi.
Nos familles assistaient en direct aux maisons fouillées et aux interventions (Dammartin-en-Goële pour nos amis du GIGN et nous, policiers à la Porte de Vincennes) .
Ça a été un cauchemar pour nos familles.
Il faut avoir une compagne armée de patience et qui comprenne le travail de son mari et jusqu’où il est prêt à aller.
Nous sommes rappelés à n’importe quelle heure de la nuit et du jour, aux anniversaires, les weekends…

F-S : Où places-tu la BI entre la BRI et le RAID ?
S :
La BI ne fait pas de Police Judiciaire, donc en tant qu’unité spécialisée dans les interventions à risque, elle se rapproche plus du RAID, toutes proportions gardées.

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