FIPN-SDLP : Bonjour Vincent, une petite présentation ?
Vincent G. : Je m’appelle Vincent G.  j’ai 57 ans et j’arrive au terme d’un engagement de 35 ans au service de la Police Nationale. Une année d’école, 17 ans en groupe d’intervention et autant dans le domaine du Renseignement. Toute une « carrière » consacrée à la lutte contre le terrorisme.

F-S : Pourquoi as-tu voulu devenir policier ?
V.G: En fait je ne voulais pas… Je souhaitais naviguer comme Officier de Marine Marchande et j’avais entamé le cursus de formation pour devenir « Capitaine au long cours ».
J’ai fait mon service militaire dans la « Royale », à Aspretto. En Corse, j’ai rencontré sur un stand de tir des Policiers des Voyages Officiels (ancienne appellation du Service De La Protection) qui m’ont convaincu de rejoindre leur service et la Police Nationale.

F-S : Ta première affectation, à la Section de Recherches des Renseignements Généraux, t’a permis de travailler sur des affaires intéressantes ? Peux-tu en parler
V. G: J’ai eu la chance notamment de participer à la longue traque des dirigeants d’Action Directe, un groupe terroriste français rallié ensuite à la Rote Armée Fraktion allemande.
J’ai eu l’honneur de guider l’équipe d’assaut du RAID à la porte de la ferme dans laquelle ils se cachaient depuis presque deux années. Le succès retentissant de cette capture m’a donné l’envie et le moyen de passer les sélections du RAID.

Le RAID
F-S : En 1988, tu passes les tests du RAID, étaient-ils différents de ceux d’aujourd’hui ?
V. G: A l’époque, il s’agissait de faire partie d’un « vivier » et les épreuves se déroulaient sur une dizaine de jours (une semaine et deux week-ends) à Cannes Ecluse, école où j’avais fait ma scolarité d’Inspecteur de Police.
Le service était tout jeune et il n’y avait pas vraiment besoin de beaucoup de monde.
Les sélections étaient réalisées pour envisager le futur et non pallier le manque éventuel de personnel.
Elles étaient empiriques et ne recherchaient pas forcément un seul type de candidat mais des volontaires en bonne forme pour intégrer une équipe et l’enrichir par des différences physiques comme intellectuelles.

Stage sniper au 2°REP en 1994

F-S : Comment se sont-ils passés pour toi ? Beaucoup de candidats redoutent les épreuves de combat ; quelle épreuve a été la plus dure pour toi ?
V.G: Cette sélection comportait beaucoup de « footing » et d’épreuves d’athlétismes pour lesquelles j’étais bien préparé et qui correspondaient à ma morphologie et à mon passé sportif.
L’épreuve de tir se faisait à une seule main comme le voulait la méthode enseignée dans la Police à cette date.
Bien entrainé en tant que futur moniteur de tir, j’avais réalisé un score plutôt excellent. J’étais plus dubitatif pour la partie « combat » car revenant d’une mission de plus d’un mois au Pays Basque, ma préparation laissait à désirer dans ce domaine.
A l’époque, les candidats ne connaissaient pas à l’avance le déroulement ou la nature des diverses épreuves car l’attente et la réaction face à la surprise faisaient intégralement partie de la sélection.
Cette épreuve « combat » se déroulait en trois parties, un round « d’anglaise » avec un formateur RAID, deux rounds en « pieds-poings » avec un autre stagiaire et une épreuve de « sol ».
J’ai fait équipe avec un stagiaire plus grand et d’un meilleur niveau que moi, ce qui n’était pas vraiment difficile.
Vu sa grande taille, il ne trouvait pas vraiment de monde pour passer avec lui.
Je me suis dit qu’il valait mieux perdre face à un adversaire valeureux et impressionnant que d’offrir une prestation moyenne avec un candidat d’un niveau similaire au mien.
Nous nous sommes échauffés et avons décidé d’alterner des phases d’assaut puis de défenses afin de pouvoir montrer nos capacités respectives, le plus sportivement possible et sans méchanceté.

Cette méthode a dû être la bonne, car nous avons été retenus tous les deux.
Pour l’anglaise, j’ai dû affronter une légende du RAID, le grand Jean Louis Martin, malheureusement récemment décédé.
Une petite correction sans méchanceté, montrant rapidement mes limites mais me laissant sans blessure autre qu’à mon amour-propre pour passer l’épreuve en kimono sur laquelle j’ai tiré mon épingle du jeu en utilisant quelques rudiments de sol venant de ma jeunesse judokate.
J’ai pu ensuite assister de loin à d’impressionnantes démonstrations comme celle d’André D.  notamment.
Le plus dur pour moi était mon manque de recul face à mes prestations et la fatigue générée par les épreuves ou les activités proposées.
J’ai eu la chance d’être rassuré par Christian Caron, autre légende du service, qui était l’un des Chefs de groupe présents pour cette sélection.
Je l’avais croisé sur des missions à Biarritz et ses encouragements répétés m’ont permis de réussir la globalité des épreuves et d’être « habilité » comme on disait à l’époque.

F-S : En tant que nouveau membre du RAID, comment étiez-vous formé ? Vous étiez formés à l’intervention, la protection rapprochée et la surveillance et filature ?
V.G : La formation était à l’époque très empirique et se faisait sans fil conducteur particulier. Le nouvel arrivant suivait les activités de son groupe d’affectation, sans trop se poser de questions en essayant de s’intégrer le mieux possible et d’imiter ses camarades plus âgés. Venant d’un service dédié à la filature, je possédais un bon niveau dans ce domaine et mon aptitude à mettre en place des dispositifs m’a aidé à valoriser mon groupe d’affectation et faire oublier mon manque de pratique en intervention.
J’avais également participé à la venue du Pape et à ce titre reçut un « petit vernis » en Protection Rapprochée, me permettant de faire illusion dans ce domaine que j’aimais bien. La « vraie » formation se faisait sur le « tas », en plagiant et suivant les conseils bienveillants des Chefs de Groupe ou ceux des « grands anciens » comme Rémy M., Julien V.,  Damien L. …

F-S : Tu as pu intégrer la colonne au bout de combien de temps ?
V. G: Cette notion n’existait pas à l’époque.
Au bout d’un mois de présence, on « montait » l’alerte avec les autres et on était au début affecté à des places peu stratégiques, en théorie. Il y avait beaucoup de « forcenés » à l’époque et c’était une école de rigueur car la moindre erreur pouvait se traduire par une blessure par arme à feu.
On a retenu les noms de nos frères d’armes morts en service mais hélas oublié ceux de nos collègues blessés et marqués à vie dans leurs chairs. En dix ans de présence à Bièvres, il y en a eu 22, ce qui est énorme !

F-S : Tu choisis de passer derrière le fusil en postulant au groupe OMEGA, pour quelles raisons ?
V. G: Fasciné depuis l’enfance par les « armes à lunettes », j’ai voulu dès le début faire partie d’OMEGA.
Au commencement du RAID, les « tireurs-fusils » étaient répartis dans les quatre groupes d’intervention et chacun devait en fournir un par semaine d’alerte. En fonction de la situation tactique, celui-ci était employé ou non dans cette spécialité.
Il m’a fallu montrer « patte blanche » pour rassurer les membres qui en faisaient partie ainsi que ma hiérarchie.
L’habileté au tir n’était qu’un prérequis et le Chef-ops (laser 3) devait être certain que le « sniper » ne flancherait pas au moment crucial, lorsqu’il faudra presser la queue de détente en opération pour ôter une vie.
Ma jeunesse a dû inquiéter à l’époque et il m’a fallu être convaincant et patient pour être finalement accepté.

F-S : A ce poste, tu pouvais demander l’armement et matériel que tu désirais ? des formations avec d’autres services  ?
V. G: J’ai d’abord été « simple » tireur, puis j’ai commencé à avoir des responsabilités sur des mises en place réelles ou des missions d’appui en Protection sur le Président ou des personnalités étrangères.
Je suis passé ensuite n°2, puis n°1 lorsque Serge E. est parti à l’école des Commissaires de Police.
Cette période se passait avant la LOLF et le RAID pouvait choisir pratiquement ce qu’il voulait en matière de matériel ou d’armement, à condition de le justifier par un écrit.
Seul comptaient l’efficacité et les résultats obtenus.

F-S : As-tu été sollicité pour la création de l’Ultima Ratio ?
V. G: J’ai eu la chance de participer activement aux recherches et essais balistiques divers ayant conduit à l’adoption du PGM « Ultima Ratio ».
Ce fut un travail collégial passionnant qui a révolutionné le tir de précision au sein des groupes d’intervention de la Police et de l’Armée de notre pays.
 

F-S : Quelles ont été les missions qui t’ont le plus marquées ?
V.G : Certaines missions, comme les traques successives de nombreux « numéro 1 » de l’E.T.A. ont été des aventures passionnantes, riches en émotions et en souvenirs.
J’ai aussi en mémoire une intervention sur un forcené, une nuit de réveillon du premier de l’an pendant laquelle nous furent accueillis par de nombreuses balles « Brenneke » qui perçaient méthodiquement la porte en créant des rayons de lumière aussi élégants qu’inquiétants.
Au moment de l’assaut, le forcené avait bondi par-dessus les boucliers de l’équipe, exploit qui paraissait impossible à réaliser même pour un champion olympique !
L’affaire de la maternelle de NEUILLY reste évidemment aussi un souvenir très fort en raison de la menace avérée par explosifs et le nombre ou l’âge des enfants pris en otages.
L’exploit courageux de Daniel Boulanger et d’André D. restera gravé dans mon esprit comme je l’espère dans l’histoire nationale et dans celui de tous nos compatriotes.

 
F-S : Tu as pris part à celle de Roubaix et tu as neutralisé des terroristes avec ton fusil, peux-tu résumer l’intervention et surtout ton action s’il te plait ?
 V. G: J’étais Chef d’équipe « protection » pour cette affaire peu commune. J’ai narré par le détail cette opération dans l’excellent livre de mon ami Robert Paturel, « les mémoires du RAID ». Les personnes intéressées achèteront ce livre qui a l’originalité de donner la version de cette opération violente par divers intervenants placés à différents postes. C’est une publicité toute désintéressée car je ne touche pas de droits d’auteur !

F-S : Avec d’autres membres du RAID, vous avec eu l’opportunité de vous entrainer au FBI, avez-vous du adapter certaines techniques pour les appliquer au RAID ?
V. G: Je suis allé deux fois à Quantico, à la FBI Academy pour des échanges techniques et tactiques.
Ces échanges sont toujours extrêmement enrichissants pour confronter des méthodes et les améliorer. Nos homologues américains avaient cependant tendance à ouvrir le feu plus facilement que nous en raison de législations totalement différentes et tout leur savoir-faire ne fut pas adaptable à notre pays.

Stage de tir au FBI en 1990

F-S : Au RAID, à ce moment, régnait un groupe d’amis plus que solidaires toi, Robert P, Fanfan, Daneil B.
V. G: Ces garçons, un peu plus âgés que moi, m’ont accueilli avec beaucoup de sympathie et je leur dois beaucoup.
Leur bienveillance fraternelle quotidienne m’a permis de progresser dans tous leurs nombreux domaines d’expertise.
Nous sommes également partis plusieurs fois à l’étranger pour des stages de tirs agrémentés de grands moments de camaraderie.

Protection du Président Bush dans les années 90, notons le regretté Patrcik P. parti trop tôt…. lui aussi

F-S : Robert P. était connu pour vider un seau d’eau aux collègues, as-tu été victime de ses méfaits ?
V. G: Je ne compte plus les fois où j’ai été victime du facétieux Robert… Un jour, il a même réussi à me piéger deux fois dans le même après-midi !
Ces moments potaches permettaient de relativiser l’importance de nos égos ou d’oublier la tension et la gravité de nos missions.
Pour les « victimes », ces arrosages imprévisibles constituaient un rappel à la vigilance, reflexe salutaire en intervention.
Robert a été pour beaucoup dans la création de « l’âme du Service », un savant mélange de spontanéité, de courage et d’un humour à toute épreuve.
Je ne le remercierai jamais assez pour tout ce qu’il a fait pour notre Unité (le vrai nom du service était au départ URAID).

F-S : Que peux-tu dire de plus de tes années passées au RAID, les hommes, les patrons, l’évolution du service et des mentalités…
V. G : Il est très dur de résumer rapidement une décennie de passion.
Le RAID reste le point d’orgue de ma vie professionnelle et personnelle puisque j’ai rencontré mon épouse au cours d’une mission de Protection Rapprochée.
Ma vie est donc marquée d’une manière indélébile par la panthère !
Je lui dois beaucoup, ma famille et bon nombre de mes amis.
J’ai eu la chance de connaitre un Service peu médiatisé dans lequel j’ai été accueilli avec beaucoup de bienveillance et dans lequel j’ai eu le temps d’y apprendre de nombreuses choses. J’ai participé à d’innombrables missions à l’étranger ainsi qu’à des interventions mémorables.
J’ai travaillé sous les ordres d’Ange Mancini puis de Louis Bayon, les deux premiers patrons du RAID.
Le méridional chaleureux et charismatique puis le Breton peu disert mais aux petits soins pour ses hommes, ont été des Chefs de guerre efficaces et respectés.
Des « patrons » modèle « King size », dotés de testicules, sur qui on pouvait compter…
J’ai regretté tout le reste de ma carrière ce type de Chefs, exigeants mais humains, capables de prendre des décisions sous la pression et de les assumer face aux magistrats.

Le GIPN de Rennes


F-S : En 1998, tu prends le commandement du GIPN de Rennes.
V. G: A la naissance de mon premier fils, un an auparavant, j’ai été contraint de constater que je ne pourrai pas mener de front une vie trépidante « en noir » et participer à l’éducation d’un enfant à la santé fragile à l’époque.
La mort dans l’âme je me suis résigné à quitter Bièvres et je m’en suis ouvert à Christian Lambert qui était le numéro deux du Service à cette période.
Ce dernier, visionnaire, avait en tête la création d’une entité regroupant sous la même bannière la BRI, les GIPN et le RAID.
Il a donc appuyé ma démarche de postuler comme Chef du GIPN de Rennes, ville de naissance de mon épouse. J’ai ne pas été chaleureusement accueilli à l’époque par la DCSP et bien qu’ayant participé à de nombreuses interventions pendant ces dix années au RAID, il fut un temps question que je repasse des tests pour y être nommé.
Bien qu’en parfaite condition physique, je trouvais cette exigence de la DCSP un peu abaissante. Elle illustrait cependant assez bien la « guéguerre » entre les deux entités à cette période.
Christian Lambert a fait jouer ses relations pour m’éviter ce que je vivais comme une remise en cause un peu injuste de mes aptitudes.
Je suis finalement parti, un peu en retard par rapport à la date prévue. La fusion « plus que probable » des entités listées supra devant avoir lieu l’année d’après… Hélas pour moi, cette « fusion » ne s’est faite que 12 ans après mon départ de cette unité !

F-S : En quoi consistait ce poste ? prenais-tu part aux entrainements et interventions avec les opérateurs.
V.G: A mon arrivée, j’ai trouvé un groupe très hétérogène avec un fort clivage « Jeunes / Vieux », manquant cruellement de matériel divers et de protection balistique.
Il n’y avait plus d’Officier depuis presque 5 mois et toute l’énergie déployée à l’entrainement était peu productive. Le groupe servait de « BAC d’après-midi » en journée et de « BAC de nuit » le weekend.
Les interventions tombaient quasiment toujours le samedi ou le dimanche car liées à l’absorption d’alcool malheureusement fréquente en Bretagne. Les départs d’alerte étaient beaucoup trop lents, les personnels étant trop fatigués par la « nuit blanche » du vendredi.
J’ai été navré de constater l’indigence du parc automobile de l’unité ainsi que celle du matériel divers. Le nombre de Policiers étant vraiment peu important, l’effectif théorique à 16 pour Rennes n’étant pas atteint.
Chacun, le Chef inclus, avait plusieurs rôles sur une même opération, ce qui pouvait être sympathique à vivre mais se révéler un peu « limite » sur le plan de la sécurité.
J’ai dû beaucoup m’investir pour essayer de remédier au mieux aux problèmes rencontrés.

F-S : Le poste de Commandant d’unité est différent, tu dois rendre des comptes aux plus hautes instances sur le terrain et en dehors, tu as des tâches administratives à remplir ?
V.G : J’ai été confronté à la bureaucratie lourde et pétocharde de la Sécurité Publique et passé beaucoup trop d’heures à implorer du matériel et à valoriser mes collaborateurs par des missions dignes de leurs capacités physiques.
La fameuse « solitude du chef » n’est pas une vaine expression et j’ai dû l’affronter en perdant pas mal d’énergie pour résoudre des problèmes qui n’avaient pas lieu d’être.
Contraint par la DCSP en charge des GIPN qu’elle négligeait pourtant, je dépensais beaucoup de temps en comptes-rendus stériles et en demandes qui n’aboutissaient jamais.

F-S : En tant que responsable, tu prenais part aux entrainements inter-GIPN ?
V. G: J’ai été à l’origine du premier rassemblement « inter-GIPN » pour évoquer et faire partager une intervention particulièrement technique visant à déloger des manifestants de « Green Peace » enchainés en hauteur sur des grues portuaires à Cherbourg.
 Cette formation sur trois jours, en présence du RAID, a montré le bien-fondé des échanges et l’impérieuse nécessité d’un socle de formation commun.
J’ai rencontré dans les GIPN des hommes formidables que le « système » montait malheureusement souvent contre le RAID. Ces querelles stériles entre les deux unités ont fait perdre beaucoup de temps à la progression de la qualité et de l’efficience de l’intervention dans notre pays.

F-S : De combien de policiers du GIPN disposais tu en moyenne et comment s’articulait une semaine de travail ?
V. G: Le jour de ma prise de service, un policier qui avait oublié de s’accrocher à son « huit » sur une démonstration de varappe en façade pour le dixième anniversaire de l’ENP SAINT MALO s’est grièvement blessé amputant l’effectif d’une personne pendant 18 mois.
Le groupe initialement prévu à 16, n’aura finalement jamais été complet pendant mon temps de commandement notamment en raison de blessures à l’entraînement.

F-S : Sur quelles missions étiez-vous le plus sollicité ?
V. G : Malheureusement sur des sécurisations de procès chronophages et souvent d’un piètre intérêt opérationnel. La seule valeur ajoutée émanant de cette implication résidait dans une condamnation plus sévère du ou des accusés, la présence de Policiers lourdement armés motivant le jury pour appliquer des peines importantes.

F-S : Tu étais au RAID et au GIPN, quelles différences y avait-il avant que les GIPN deviennent antenne RAID ?
V G : Les Policiers affectés au GIPN étaient ou devenaient rapidement extrêmement polyvalents, par obligation.
Le RAID pouvait se permettre de « sur-spécialiser » certains de ces effectifs dans certains domaines, ce n’était pas possible au GIPN.
La différence principale résidait dans un manque de matériel chronique, sauf à Lyon où le collègue Commandant avait réussi l’exploit d’obtenir du matériel semblable à celui de Bièvres… Des querelles stupides ont été malheureusement volontairement entretenues pour opposer les deux entités.

F-S : Tu décides de quitter le GIPN de Rennes à quel moment ?
V. G: J’ai pris cette décision à la suite d’un drame, le suicide pendant mes vacances en novembre 2004 d’un collègue du groupe avec qui je devais partir en mission au Soudan, le mois d’après.
Peu soutenu par une hiérarchie frileuse et pusillanime, j’ai renoncé à poursuivre dans le domaine de l’intervention, sans doute lassé par les efforts perpétuels pour réclamer du matériel et des missions correspondant au niveau opérationnel du groupe que je dirigeais.
Certains ont cru opportun de me rendre responsable de ce drame, principalement ceux en possession d’éléments qui auraient pu permettre de l’éviter.
La triste ironie de cette histoire est qu’une semaine plus tôt je négociais la reddition d’un forcené suicidaire armé après plus de deux heures d’une âpre négociation.
J’ai reçu beaucoup d’appels de la DCSP pour me féliciter et m’assurer que « j’étais le meilleur ».
Les mêmes flagorneurs n’hésitèrent pas à me déclarer « obsolète » dès le lendemain du drame. En moins de huit jours, je suis devenu un paria infréquentable, seulement soutenu par mes amis de Bièvres et la hiérarchie du RAID…

F-S : En 2005, tu passes aux RG de St Brieuc en tant que chef de la Division de Recherches et Surveillances, gros changement par rapport à l’intervention mais tu vas dans un domaine que tu connais bien. Tu reviens à tes premiers amours ?
V. G: Je me suis vraiment amusé à ce poste car il y avait beaucoup à faire.
Mes collègues étaient vraiment engagés et passionnés. Il régnait à la fois une ambiance d’effort mais aussi de convivialité et d’entraide que je ne pensais plus trouver.
Il y avait un côté « chasse » qui me plaira toujours, le « gibier humain » étant passionnant à traquer.

F-S : Tu deviens formateur national en protection, en quoi consistait ton travail ?
V. G: J’organisais avec trois autres instructeurs des stages de formation en protection rapprochée, mission représentant un tiers des actions des RG de province.
Tir, détection d’explosifs et escortes sur une quinzaine de jours dans différentes écoles de police.
Je me suis beaucoup servi des enseignements acquis lors de mon passage à Bièvres.

F-S : En 2001, le GIPN de Marseille neutralisait définitivement un terroriste qui avait assassiné le chef de cabinet du maire de Béziers et qui n’avait pas hésité à tirer sur des policiers au lance-roquette.
V. G: Cette affaire d’importance, traitée avec soin par mon ami Didier ANDRIEUX, alors chef du GIPN de « Marnice » après avoir été dans le même groupe que moi à Bièvres, fut malheureusement passée sous silence et éclipsée par la mort du Commandant Massoud Shah puis par le drame des « Twin Towers » deux jours après.
Nos « politiques » ont souhaité cacher à la population cette montée mondiale de l’intolérance religieuse et les actions de musulmans dévoyés.

F-S : C’était le premier terroriste type loup solitaire, avant Merah, le premier dont les médias ont parlé. Savais-tu que ce genre de terroriste allait arriver ?
V. G: Hélas pas besoin d’être un génie en géopolitique pour voir que cette montée intégriste allait se répandre, car laissée impunie.
 A la suite de l’affaire de ROUBAIX, des consignes nous ont été données pour nier et dissimuler le côté « religieux » de cette fusillade sous peine d’exclusion du Service.
Les diverses missions à l’étranger réalisés par le RAID à cette époque au Moyen Orient permettaient pourtant de se rendre compte de la montée du danger.

F-S : Que fais-tu aujourd‘hui, tu as un rôle important au sein de la Breizh Team Formation, veux-tu en parler ?
V. G: Je ne peux pas malheureusement pas parler de mon travail actuel dans le renseignement.
Pour continuer à « m’amuser » et envisager une retraite qui approche, je suis effectivement instructeur au sein de l’association BREIZH TEAM FORMATION et de la société ATALANTE STRATEGIC.
Ces deux entités sont dédiées à des actions de formations de défense pour toutes les personnes autorisées légalement à utiliser des armes dans le cadre de leur profession.
Les formateurs sont tous issus de la Police ou de la Marine Nationale.
Au minimum tous Moniteurs de Secourisme, nous furent les premiers à associer l’enseignement du tir avec des actions de secours en milieu dégradé.
Cette idée est maintenant copiée par beaucoup, en France comme à l’étranger, ce qui prouve le bien-fondé de ce principe. Également tous plongeurs, nous souhaitons que nos élèves deviennent autonomes et sûrs. Nous nous refusons cependant à enseigner des techniques de progression en groupe, estimant qu’elles sont l’apanage des unités professionnelles.

F-S :35 ans de police ; 17 ans d’intervention et 17 de renseignements… Comment vois-tu l’avenir ?
V. G: Le mien est de devenir un retraité heureux, le plus actif possible ! Celui de mon pays m’inquiète cependant beaucoup plus car la vague de terrorisme qui nous a frappé durement n’est malheureusement pas calmée.
 Mon travail actuel m’indique que les valeureux jeunes Policiers (et Policières) qui ont repris avec force et conviction le flambeau du RAID ne sont pas prêts d’êtres au chômage et je suis inquiet pour leur intégrité physique.
Je leur souhaite tous mes vœux de réussite malgré mes craintes et je suivrai avec intérêt toutes leurs actions au service de la Panthère !

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