« Tombée en disgrâce après l’affaire du viol présumé d’une touriste canadienne, puis applaudie quelques mois plus tard pour son assaut à l’Hyper Cacher de Vincennes, la BRI, service mythique de la police judiciaire parisienne, célèbre mardi ses 50 ans après une année mouvementée.
« Franchement, cet anniversaire, on n’est pas prêt de l’oublier »: cette petite phrase cynique d’un commissaire parisien qui a souhaité garder l’anonymat résume le sentiment général qui règne au 36 quai des Orfèvres.
Ce service au passé prestigieux, pionnier de l’antigang, a été créé en 1964 pour combler un vide et contrer à l’époque une fièvre de braquages et d’enlèvements.
Pour marquer un demi-siècle d’existence, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve assistera mardi à une démonstration de ces policiers d’élite sur le parvis de la Bibliothèque François-Mitterrand à Paris avant de prendre la parole.
La BRI (Brigade de recherche et d’intervention) n’est pas tout à fait un service comme les autres, l’une des fiertés de la PJ parisienne, celui qui a fait tomber Jacques Mesrine en 1979, à l’époque dirigée par un célèbre flic, le commissaire Robert Broussard, que son collier de barbe n’a jamais quitté.
« La BRI a fait de superbes affaires dans les années 70-80, une période faste: Mesrine, l’enlèvement du baron Empain, le banquier Mallet. A l’époque nous étions les seuls à faire ce genre de choses », se rappelle Jean-Louis Fiamenghi, ex-patron du Raid, et ancien de l’équipe Broussard.
Aujourd’hui, le contexte n’est plus le même, les voyous non plus, mais les hommes de la BRI ont gardé ce profil de « chasseurs », selon une source policière. « Ce sont des gars qui travaillent sur des mecs qu’ils peuvent suivre pendant 6 mois pour les prendre en flag' », explique cette source.
Car la BRI ce n’est pas seulement des hommes en noir cagoulés qui interviennent, à l’image du Raid, sur des prises d’otages ou face à des forcenés, « c’est aussi et surtout un super service d’enquête, ce que les gens oublient parfois », explique ce commissaire parisien.
La dernière très belle prise des enquêteurs de la BRI remonte d’ailleurs à quelques mois, en novembre 2014. Une de leurs « filoches » (filatures, ndlr) les met sur la piste d’un parrain corse en cavale depuis 2011, Jean-Luc Germani. Ils réussissent à l’interpeller en douceur dans le quartier de la Défense.
– ‘Cette histoire a gâché quelque chose’ –
Mais voilà, ce service et ses faits d’arme sont inévitablement entachés par cette affaire de viol qui a repoussé de quelques mois les célébrations.
Deux de ses policiers d’élite ont été mis en examen, soupçonnés d’avoir violé dans les locaux du « 36 » après une soirée bien arrosée, une touriste canadienne un soir d’avril 2014, ce qu’ils contestent.
Les policiers de ce service, habitués à l’ombre et détestant la lumière, se sont trouvés d’un coup dans l’œil du cyclone.
« Franchement c’était dur à vivre. Ces mecs sont des héros au quotidien, ils font des trucs que personne n’oserait faire dans la maison, ils ont un courage incroyable et font preuve d’un professionnalisme hors pair. Cette histoire a gâché quelque chose, et ils ne méritaient pas ça », estime un des cadres de la PJ parisienne. A l’époque d’ailleurs, plus question de fêter le cinquantenaire prévu pour la fin de l’année.
Et puis quelques semaines plus tard, la France est soudainement frappée par des attentats d’une violence inouïe. Deux jours après la tuerie de Charlie Hebdo, Amédy Coulibaly attaque l’Hyper Cacher de Vincennes, tue quatre personnes et retient une trentaine d’otages.
La BRI, avec le Raid, intervient le vendredi 9 janvier. Des images volées ont figé pour l’histoire la fusillade entre Coulibaly et ces hommes en noir. L’un d’eux prendra une balle dans une jambe en montant à l’assaut.
« C’est leur boulot, évidemment. Mais c’était un moment très tendu. Et à ce moment-là, je pense que la France entière était fière d’eux. Ça nous a fait du bien, parce que les gens ont vu ce dont ces hommes étaient capables », se réjouit ce commissaire parisien. »
Source : LePoint – article écrit le 22 juin 2015 par Cyril Touaux / AFP