Vous aviez suivi leur recrutement dans Police Pro n°11, voici aujourd’hui leur formation accélérée pour devenir les futurs officiers de sécurité du Service de Protection des Hautes Personnalités  (SPHP).

L’occasion aussi d’un éclairage global sur un service en pleine refonte et sur une filière.

On les avait laissés au bois de Vincennes, se débattre avec leurs doutes, avant que le jury ne tranche. Police Pro les a retrouvé quelques semaines plus tard, à Elbeuf (Seine-Maritime), pour un exercice de synthèse, avant d’être « lâché » – ou pas- au SPHP.

Et notamment  lors d’un semestre de présidence française de l’Union européenne  (PFUE) qui a mis à profit toutes les ressources du SPHP.

A la fois en planification des événements  (reconnaissances, définition des moyens nécessaires, etc.) et en conduite.

Une opportunité pour des fonctionnaires aussi jeunes dans le service  d’être propulsés sur un événement  d’une telle intensité… et d’une  telle durée.

L’enjeu pour leurs instructeurs était donc d’importance, quand la formation accélérée, a été menée pour leur fournir les bases de la conduite SPHP, et quelques autres ficelles.

Quand je les retrouve, les stagiaires doivent assurer pendant près d’une cinquantaine de minutes la protection d’une personnalité. Personnalité, c’est bien le mot, puisque « Paco » est un des anciens du service.

Ce qui rend les stagiaires un peu fébriles : ils se savent jaugés, observés, et ne veulent pas trébucher sur la dernière marche de leur formation express. Un caméscope, manié par un autre vétéran de la « protec » servira à fixer leurs erreurs.

Impossible aussi de se louper, car le scénario se déroule dans la vie réelle, et non plus dans le cadre feutré de l’école. Une erreur d’appréciation – à commencer par la conduite-  peut donc avoir des conséquences graves, immédiatement.

Le cheminement est basique : deux 406  viennent chercher la personnalité à la gare d’Elbeuf. Puis c’est le passage à la rédaction du journal local, suivi par une visite de courtoisie au musée de la ville. Et retour à la gare. Des plus basiques, apparemment.

Evidemment, les impétrants connaissent leur itinéraire. Ils ont pu faire leur circuit au plus juste, repérer.

Seulement, rien ne se passe comme prévu. « Paco » tente de casser le minutage concocté par certains stagiaires. Et s’ingénie à faire pareil sur l’itinéraire. Un arrêt chez le fleuriste, un arrêt café au café… Et là, c’est un complice, venu de l’école de police voisine, qui fait irruption, fixant la personnalité.

A l’officier de sécurité de saisir la situation, et de tenir l’horaire, sans rien brusquer.

Et le même complice tente le grand classique, à coups de bombe à mousse à raser, au moment où « Paco » quitte le journal d’Elbeuf pour sa berline.

Tous, sauf une équipe, réussissent ce passage critique.

Le « kevlar » censé arrêter les balles et les pierres, est, ce jour-là, le recours contre la mousse…

En matière de protection rapprochée, rien ne se déroule totalement comme prévu.

Elbeuf n’y coupe pas : une PME menacée de fermeture et les salariés défilent dans les rues. Les deux premières équipes sont passées au travers, mais pour la troisième il faut improviser, très vite, car la « personnalité » s’impatiente.

A l’issue de cet exercice de synthèse, tous les stagiaires ont intégré le SPHP, et un long tunnel de missions.

Robert, 30 ans a déjà embrayé à l’occasion de la PFUE. Un des plus jeunes du service, il a passé l’étape de conducteur à piéton… tout en menant de front son stage de brigadier et un renfort dans l’équipe de protection d’Hervé Morin, le ministre de la Défense.

Il y a encore huit mois, il œuvrait à la DDSP des Hauts-de-Seine ; c’est un de ses supérieurs  qui l’avait poussé à rejoindre le SPHP.

Pour Claude et Stéphane, les missions se sont succédées. Je les ai croisés, en  juin, au salon Eurosatory, dans le sillage d’Ehud Barak, le ministre israélien  de la Défense.

S. qui avait été blessée lors de la session de recrutement u printemps, a pu postuler à celle d’automne. Sans trop de surprise, cette policière du XIV° arrondissement parisien a été retenue, c’est son commissaire,  Jean-Michel, qui lui avait conseillé de passer les tests.

« Fanny » arrivait d’une brigade des mineurs du Sud-Est. Elle avait littéralement survolé les épreuves de sélection, mais l’expérience n’aura pas été concluante. Elle a quitté le service en décembre dernier.

D’aucuns diront que le modèle de la filière « protection des personnalités » était proche de l’implosion. Créé dans les années 1930, le SPHP n’avait pas été singulièrement rebâti depuis.

Les ministres sont de plus en plus obligés d’aller sur le terrain, pour rendre des comptes à des citoyens de plus en plus exigeants. Le Président actuel, quant à lui, est nettement  plus souvent hors de l’Elysée que ses prédécesseurs.

Autant de données qu’un service de protection  doit intégrer.

Alors que la menace terroriste, elle, se fait de plus en plus inventive.

Et que le seul exemple de Maxime Brunerie suffit à rappeler que l’homme isolé n’est pas à exclure non plus du spectre des menaces.

En l’espère, une page se tourne, puisque le SPHP a quitté son siège historique  pour se rapprocher de la place Beauvau, et loger rue de Miromesnil.

Dès son arrivée rue du Faubourg –Saint-Honoré, Jean-Louis Fiamenghi s’est attelé à la réforme de ce service historique. Assez vite, le rapprochement du Groupe de Protection de la Police National(GPPN), chargé des personnalités menacées- principalement des magistrats-,  est apparu naturel. Tout comme la 14° section des RG parisiens, chargée elle aussi de protection physique s’est imposée.

Corollaire, la CRS 1  pourrait passer sous le contrôle opérationnel du service.

La CRS 1, basée à Vélizy, assure  l’ouverture de bon nombre de cortèges officiels, à moto, et en plus, participe aux « bulles extérieures », en civil, autour du dispositif  rapproché érigé au contact de la personnalité.

Au final, une fois les ajustements faits, et selon le périmètre final, le service pourrait compter entre 600 et 800 fonctionnaires.

Actuellement, il n’est pas prévu que le dispositif comprenne des gendarmes. Mais rien ne l’exclut non plus. Dès l’origine, le Groupe de Sécurité de la Présidence de la République (GSPR) était une émanation de la gendarmerie, avant d’évoluer vers une forme de parité.

On le sait, le président Sarkozy n’a pas souhaité pérenniser cette formule.

Mais la ministre de l’Intérieur, elle, souhaite pouvoir mutualiser les moyens et les forces, depuis que la gendarmerie est passée avec armes et bagages au ministère de l’Intérieur.

Le GIGN assure ainsi la protection  de diplomates dans certains pays à risques, notamment l’Irak.

Parallèlement, il faut aussi rappeler que des policiers détachés sont affectés à des missions de protection. C’est le cas, actuellement de policiers du RAID détachés à Kaboul pour renforcer la sécurité de l’ambassadeur de France. Régulièrement, RAID et GIGN contribuent, en fonction de la menace, à des renforcements identiques, au Liban, en Algérie…

Dès sa formation en 1985, le RAID va être engagé sur des missions de protections, spécialité de la 1°section. Certains noms sont passés à la postérité, comme Salman Rushdie, l’auteur des célèbres Versets sataniques, frappé de fatwa. D’autres sont restés et resteront  dans l’ombre, comme ces témoins de procès, ou de dossiers relatifs à la Corse. Où le RAID a aussi, longtemps, basé un groupe pour assurer, notamment  des missions de protection

A ces acteurs récurrents, dont le positionnement  n’est pas clairement affirmé, aujourd’hui, s’ajoutent de nouvelles compétences, activées ces derniers mois… ou qui le seront très bientôt.

Suite à des menaces, les magistrats du procès d’Antonio Ferrara et de ses complices présumés ont été protégés par la police, en novembre-décembre. Mais pas par le GPPN : en quelques heures, grande première, c’est la Compagnie  Spéciale d’Intervention (CSI) de la DOPC qui a relevé le défi, avec des effectifs issus de l’équipe spéciale de  gymnastique et de la Brigade d’Intervention (BI, voir Police Pro n°12).

En sus, la même BI était chargée d’assurer des points hauts dans les environs du Palais de justice, tandis que la brigade fluviale, elle, se chargeait de sécuriser les abords, en Seine.

A Paris, encore, la Direction de l’Ordre Public et de la  Circulation (DOPC) a décidé de créer un groupe de Sécurisation des Voyages Officiels (GSVO), en fin d’année.

On sait encore peu de choses  de cette nouvelle unité, mais sa mise en place, courant 2009, est manifestement  à relier aux derniers voyages officiels dans la capitale – passage de la flamme olympique, visite du pape – et de  l’intégration de la 14° section des RG dans le Service de Protection des Hautes Personnalités.

Apparemment, ce GSVO ne serait pas redondant avec ce dernier, puisqu’il serait chargé, apparemment, de sécuriser certains trajets, ou des sites accueillant des voyages officiels, comme les palaces, ou encore les abords de certaines ambassades.

Autre façon de faire évoluer le système, une commission indépendante qui décidera de l’octroi d’une protection – ou pas –  et de son niveau.

Actuellement, d’anciens serviteurs de la République – Président, Premier Ministre – bénéficient  automatiquement  d’une protection, qu’ils peuvent refuser.

A peine avait-il quitté l’Elysée, le président Jacques Chirac bénéficiait ainsi d’une protection assurée notamment par des gendarmes issus du GSPR. Son domicile  parisien faisait  par ailleurs l’objet d’une sécurisation fournie par la Préfecture de Police.

Corollaire, l’Unité de Coordination de la Lutte Antiterroriste (UCLAT) sera beaucoup plus intimement associée pour définir le niveau de risques et , in fine, les moyens affectés.

Tiré de  Police Pro n°14   Mars-Avril 2009

Jean-Marc Tanguy

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