« L’Express donne la parole à Abdelhalim, 41 ans, officier de sécurité au service de la protection (SDLP) qui évoque son quotidien et les incertitudes de l’après-Charlie.
« Le 7 janvier , mon collègue Franck Brinsolaro est mort pour 2 200 euros par mois. Il était gardien de la paix, équipé d’un 9 mm et a été tué par deux mercenaires munis de fusils d’assaut. Il tentait de sauver la vie de Charb, le directeur de Charlie Hebdo. Son décès, suivi de l’assassinat d’un collègue de la sécurité publique, a déclenché un sentiment d’empathie pour la police. Comme si quelque chose de nouveau s’était construit sur cet état d’urgence. Nous avons été tellement brocardés, tellement critiqués. Espérons que cela s’installe dans la durée…
Pour ma part, je suis entré au service de la protection il y a près de quatorze ans, avec des étoiles plein les yeux. Enfiler un costard, brancher l’oreillette, sauter dans un Falcon… J’ai eu la chance de voyager, de côtoyer des personnalités. A force, on finit par développer une hypersensibilité à son environnement. Le regard s’habitue à tout balayer, à chaque instant. On est formé, conditionné pour ça. A la longue, cette attitude peut devenir pesante pour les proches… et parfois pour soi-même. Là, par exemple, tourner le dos à la porte m’est insupportable.
Une approche sécuritaire de la logistique
De nos missions, le grand public ne retient souvent que la partie émergée. C’est oublier le travail réalisé en amont par les précurseurs. Location de voitures, choix de restaurants, repérage des itinéraires, fixation des points de rendez-vous : finalement, nous gérons de la logistique, avec une approche sécuritaire. On nous surnomme les hommes de l’ombre, les boucliers, les remparts, et cela me convient. Disons que nous sommes des invisibles.
Mon but n’est pas de devenir l’ami de la personnalité à protéger. Mais au fil du temps se créent forcément des liens. Nous ne pouvons pas décider de quitter quelqu’un pour incompatibilité d’humeur. A l’inverse, un coup de fil à notre hiérarchie suffit à nous reverser ailleurs, sans explication. Faut-il être proche politiquement de la personne en question ? Ce fut parfois vrai. Ça ne l’est plus. Qui demande à quel « camp » appartenait Franck ? Il était policier et républicain, comme nous tous. »
L’identité a été modifiée. «
Source : L’Express – article écrit le 14 février 2015 par Anne Vidalie