« Le RAID (Recherche Assistance Intervention Dissuasion), créé en 1985 et les GIPN (Groupes d’Intervention de la Police Nationale), créés en 1973, sont des groupes spécialisés de la police nationale, très proches de par certaines de leurs missions, notamment dans le domaine de l’intervention. Ainsi, dans un souci d’économie de moyens et de rapprochement de ces deux unités, depuis avril 2007, les sélections des candidats sont communes entre la 1° section du RAID et les GIPN.
Pour faire face au turn-over, RAID et GIPN organisent chaque année des sélections.
Tous les gardiens de la paix et officiers de la police nationale peuvent faire acte de candidature à partir du moment où ils répondent aux critères administratifs requis : avoir cinq ans d’ancienneté et être âgé de 35 ans maximum (38 ans pour les officiers). Les critères de sélection sont évalués, dans un premier temps, au travers du vécu policier, de la lettre de motivation, des capacités physiques et des sports pratiqués régulièrement par les candidats.
Généralement, à chaque concours, sur quelques centaines de fonctionnaires de police au départ, ils ne sont déjà plus qu’une cinquantaine de prétendants au terme d’un premier tri sur dossier.
Ces présélections ne sont que le prélude à des tests bien plus sélectifs, désormais communs à la 1° section du RAID et au GIPN. Organisés habituellement à Saint-Malo ou à Nîmes, ils ont eu lieu en 2007 (du 1° au 6 avril) au sein de l’Ecole Nationale de Police de Oissel, près de Rouen. Cette semaine de sélection est basée sur une étude de la personnalité et des tests physiques.
Dans le premier cas, des tests d’intelligence sous forme de QCM (questions à choix multiples) ainsi qu’un entretien avec un psychologue permettent de déterminer si les candidats possèdent certains traits de caractère recherchés : stabilité, esprit réfléchi, maitrise de soi, un certain vécu, un esprit de camaraderie et le goût de la vie en collectivité…
Sur le plan physique, sont vérifiés les aspects purement médicaux, avec des tests à l’effort, l’étude de la vue, de l’ouïe… Un entraînement quotidien permet d’étudier leurs capacités en termes de force physique, de techniques de sports de combat, d’endurance … Il faut également s’assurer que les candidats ne souffrent pas de claustrophobie ou de vertige. Une mise en situation professionnelle rejoint d’ailleurs bien souvent l’avis du psychologue.
En 2006 par exemple, pour les GIPN, sur 300 candidats triés sur dossier, 50 ont passé ces tests et seuls douze ont été retenus. En 2007, sur les 20 fonctionnaires qui ont participé aux sélections communes, dix-huit les ont terminées (un blessé et un exclu après échec d’une épreuve) et huit ont intégré un GIPN ; pour le RAID, sur 26 candidats, six seulement ont été retenus. Même une fois habilités, les candidats aux GIPN connaissent six semaines de formation, puis une évaluation de six mois au sein de leur groupe d’affectation : survient alors un dernier bilan sur chaque candidat et un ultime écrémage éventuel. Même chose pour le RAID, au sein duquel les candidats sélectionnés doivent encore se former au contact du groupe (1° section d’intervention) et faire leurs preuves pour y rester. « Nous arrivons à renforcer le mental par des entraînements physiques et tactiques en collectif : porté par le groupe, chacun est plus fort », assure le major Robert Paturel, adjoint au responsable de la formation au RAID.
Si l’âge limite, quels que soient le grade ou la fonction, est de 47 ans pour le GIPN ( et dix ans de contrat pour le RAID), il ne constitue pas le seul critère de préservation d’un membre au sein de ces unités spécialisées.
Aussi, par la suite, tout au long de leur activité, les hommes du RAID et du GIPN passent des tests tous les cinq ans afin d’évaluer leur aptitude et leur motivation.
« Depuis le 26 juillet 2006, une circulaire pose le principe de passerelle entre le RAID et le GIPN, rappelle le commissaire principal Jean Hayet de la Direction Centrale de la Sécurité Publique (DCSP), les fonctionnaires de police de chacune de ces unités pouvant prétendre passer de l’une à l’autre suite à un simple entretien. Ainsi, l’idée d’une semaine de tests de sélection en commun entre les candidats du RAID et du GIPN s’est naturellement imposée dans le cadre d’un rapprochement de ces deux unités aux missions semblables et aux besoins humains identiques ».
« La réorganisation s’inscrit déjà dans la réforme des corps et carrières de la police nationale, précise le contrôleur général Jean-Louis Fiamenghi, précédent « patron » du RAID, avec un repyramidage des services en vue de sa modernisation. Ainsi, assurer une mobilité de passerelle entre les unités permet une cohérence du dispositif : la volonté du directeur général de la DGPN est de moderniser l’outil afin de répondre au mieux aux nouvelles menaces, notamment les prises d’otages de masse, qui se déroulent fort heureusement pour l’heure hors de l’Europe. Il faut savoir que, dans ce cas de prise d’otages, les GIPN passent sous contrôle du RAID, la DGPN faisant autorité et non plus la DCSP. L’interopérabilité de nos unités est donc nécessaire. Il faut, pour cela, moderniser l’outil, afin de pouvoir apporter une réponse cohérente et une réaction rapide, avec une bonne analyse commune entre le dispositif territorial et national de la menace ».
Pour Jean-Louis Fiamenghi, « l’idée d’unités formatées, aux techniques et philosophie communes s’inscrit parfaitement dans l’esprit de l’Europe au niveau de laquelle le groupe ATLAS rassembles les unités d’intervention des 30 pays membres ». Ainsi, les unités nationales y sont représentées, avec la mise en place d’une base de données commune entre les services. Par exemple, le RAID y est désigné comme responsable du groupe HERMES, spécialisé sur les interventions en milieu ferroviaire, le GIGN (Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale) pour les aéronefs, le groupe COBRA pour les bâtiments, et le GSG9 allemand pour tout ce qui touche aux navires et aux plates-formes pétrolières.
En fait, pour l’heure, la véritable différence entre le RAID et les GIPN se situe au-delà des techniques, en termes de capacité de gestion de crise. Le RAID possède, en effet, des moyens importants l’autorisant à gérer de très grosses interventions, avec un groupe de négociation, des médecins, des chiens d’attaque si nécessaire, le tout pouvant surtout s’inscrire dans la durée, grâce à un calibrage adapté.
« Ces sélections communes découlent du sens pratique pour répondre dès la source au principe de passerelle de nos deux unités… D’ailleurs, au tout début de la création de ces groupes, les sélections étaient communes, car ces unités faisaient partie de la même direction » rappelle Robert Paturel, au RAID depuis 1988.
Plus que l’aspect purement technique, le jury évalue la volonté, la détermination du candidat et sa capacité à analyser rapidement une situation. Plusieurs épreuves sont ainsi déterminantes à ce niveau : le combat, les cordes, la claustrophobie et le tir de discernement. Pour le commissaire principal jean Hayet, en effet, « les techniques de base d’intervention sont censées être acquises depuis longtemps : on ne juge donc pas les candidats uniquement là-dessus, mais les observations du jury en tiennent compte si l’on constate des lacunes ».
Les épreuves de combat (pieds et poings, judo) permettent non seulement de tester la volonté du candidat confronté à un adversaire souvent bien plus fort, mais aussi son physique, sa résistance.
« Ce qui est primordial dans notre métier, confirme Robert Paturel, c’est de savoir gérer le stress pour accomplir la mission coûte que coûte. »
Ainsi, à chaque sélection, les épreuves varient mais restent du même style, les objectifs étant récurrents : il faut le même bagage physique minimal pour tous et éliminer les phobies. « Chez nous, c’est un peu comme à la Légion : la plus grande faculté doit être l’adaptation… Et pour arriver à accroître cette capacité, l’entraînement au quotidien est incontournable. J’ai toujours pour habitude de prendre comme exemple à ce niveau les sapeurs-pompiers de Paris ».
Les épreuves doivent faire ressortir les capacités en termes d’endurance, de force brute, de résistance au stress, et de mental.
Chaque groupe est suivi par le même psychologue durant son évolution au travers de tous les tests. Son avis, s’il est négatif, est souvent indiscutable, même si au final le chef de groupe d’accueil a logiquement le dernier mot avec le « patron » du RAID ou du GIPN.
« L’aspect psychologique, s’il est primordial, n’est cependant pas une science exacte… estime Robert Paturel. Personnellement, il m’était plutôt défavorable lors de ma candidature au RAID, sur simple prétexte que je faisais de la boxe… Les mentalités des psychologues à ce niveau ont heureusement évolué…
En effet, pour moi, un policier qui ne fait pas de combat, c’est comme un maître-nageur qui ne sait pas nager ! Bref, le psychologue avait émis une réserve me concernant : « individu impulsif, violent, qiu monte vite sur ses grands chevaux… » Heureusement que, dans le jury, beaucoup me connaissaient bien ! »
Cela dit, les psychologues ont bien compris aujourd’hui que le profil recherché pour ces unités doit être bien supérieur à la normale, tant sur le plan physique que mental.
Au terme des sélections, un premier bilan est fait la veille, avec dépouillage des feuilles d’observation des postulants par atelier. Les candidats connaissent les résultats le dernier jour de la semaine.
A Oissel, la première journée s’est déroulée sous le signe des sports de combat, avec la boxe et le judo, à savoir les pieds et les poings, puis le combat au sol. Cette épreuve est déterminante dans le choix des candidats, non pas par rapport à l’application stricte des techniques mais plutôt dans le cadre de l’évaluation de la volonté et de la combativité de ces derniers. « Nous ne cherchons pas l’agressivité, mais la combativité. Pour moi, deux qualités incontournables pour notre métier vont de pair : le courage et la générosité. Nous avons besoin d’hommes pourvus de combativité et de cœur. » explique le major Robert Paturel. Et de préciser : « Le physique est déterminant. Les gens que l’on sent fébriles, dont le look ne convient pas, ne seront pas admis : on ne recherche pas des athlètes mais des gens qui possèdent un minimum de physique, de masse, qui aiment le collectif et savent s’adapter. Nous avons à ce niveau un sport de prédilection au RAID qui est le rugby, associant la force, la combativité, le collectif et l’analyse du jeu ».
Durant cette même journée, un parcours de cordes et un saut d’une tour de 36 mètres attendent les candidats à ces unités, au sein desquelles l’appréhension du vide et de la verticalité peut s’avérer compromettante lors d’évolutions en façade, par exemple… Même si la polyvalence est de mise, certains se spécialiseront d’ailleurs dans cette discipline des cordes en intervention. L’épreuve du saut est par excellence celle qui permet aux instructeurs du RAID et du GIPN de tester l’obéissance à un ordre face à l’inconnu. Les sélections précédentes confrontaient les candidats à une descente d’une falaise en rappel, assuré « à la moulinette » : la confiance dans le coéquipier, se situant en bas pour les assurer, est là aussi déterminante.
La deuxième journée va mettre les candidats face à l’une des phobies les plus difficiles à maîtriser : la claustrophobie. A ce niveau, un parcours, avec casque à visière occultée, dans un véritable labyrinthe plongé dans la pénombre constitue le décor. Dans ce dernier, les « victimes » devront suivre un fil d’Ariane, véritable ligne de vie s’il en est, et évoluer dans ce dédale de couloirs étroits où les attendent plusieurs animateurs des équipes de formation, en embuscade. Ici, un homme tire avec un HKMP5, déclenchant un vacarme assourdissant amplifié par la progression à l’aveuglette ; là, un autre veut leur faire lâcher la corde en les boxant vigoureusement. Ailleurs, un homme les malmène avec énergie à coups de matraque souple et les empêche d’avancer, d’atteindre leur objectif. Les postulants ne sont pas au bout de leurs surprises… Il leur faut en plus faire appel à leur tête et rester concentrés afin de retenir des mots, des phrases et des chiffres énoncés tout au long du parcours pour les répéter à l’arrivée !
A l’extérieur, c’est un autre type d’épreuve, tout aussi peu encourageante, qui les attend : progresser dans une buse étroite plongée dans l’obscurité, afin d’atteindre l’autre côté d’une route. La peur d’étouffer, de perdre ses repères, le besoin de se rassurer quant à celui qui les assure de part et d’autre grâce à la corde nouée à leur baudrier : toutes les craintes liées à la claustrophobie sont réunies ! « Savoir traverser ces épreuves, c’est bien, reconnaît le major Robert Paturel, mais j’aurais encore plus d’admiration pour quelqu’un qui le fait en dépassant ses phobies : il démontre alors plus que quiconque qu’il a la volonté nécessaire pour faire partie du groupe ».
Une partie de cette journée concerne l’un des outils sensibles du policier : l’arme à feu. Les candidats passent ainsi par deux ateliers, l’un mettant l’accent sur la précision des tirs et la maîtrise de l’arme, l’autre sur le discernement et l’analyse rapide d’une situation en tenant compte d’informations préalables.
Dans le second atelier, le candidat lit des instructions sur une situation précise : vous allez pénétrer dans un appartement où vous tomberez nez à nez sur un groupe de terroristes avec son chef, leurs otages et l’un de nos agents infiltré dont vous avez ci-joint la photo.
Au signal de l’instructeur, le fonctionnaire franchit un rideau simulant la porte de l’appartement, pour découvrir la situation : des otages à épargner, un policier infiltré à repérer rapidement et des terroristes armés, avec leur chef sans arme et faisant un geste de la main…L’analyse doit être rapide et le tir précis, fait avec discernement. Après leur intervention, les candidats sont invités à la justifier et à l’analyser avec le jury présent : c’est justement cette analyse qui est la plus importante, plus que le tir en lui-même.
L’ensemble des épreuves de cette journée permet au jury de tester le caractère volontaire, combatif des candidats, leurs techniques de tir avec leur capacité à estimer rapidement une situation en évaluant les risques…. Le tout dans la plus grande franchise…
Le dernier jour, les GTPI (Gestes Techniques Professionnels d’Intervention) sont également à l’honneur. Trois ateliers sont proposés à ce niveau aux candidats évoluant en binômes : l’interpellation d’un individu suspect et susceptible d’être armé, assis au volant de son véhicule sur un parking ; l’intervention sur un forcené retranché dans son appartement avec une arme à feu ; enfin, l’interpellation d’un suspect au physique impressionnant et susceptible d’être armé, sur la voie publique.
Logiquement, les GTPI doivent être maîtrisés par l’ensemble de ces fonctionnaires de police confirmés : c’est ce que vont permettre d’apprécier ces ateliers, en mettant aussi l’accent sur l’organisation du binôme, la détermination d’une stratégie avec répartition des tâches… Le jury aura d’ailleurs souvent l’occasion de constater l’émergence d’un caractère plus fort qui va diriger l’opération : le tout est que le « subordonné » s’acquitte correctement de sa partie, que la coordination entre les deux hommes, basée sur la confiance, soit bonne.
Enfin, des épreuves en piscine sont l’occasion de confronter les candidats à un milieu aquatique souvent délicat à appréhender, qui met à rude épreuve les capacités physiques. Dans ce cadre se succéderont des tests de vitesse sur 50 mètres, d’endurance avec évacuation d’un mannequin immergé après escalade d’une échelle de corde, et de volonté en se jetant à l’eau équipé d’un gilet de 50 kg et d’un fusil d’assaut…
Bien entendu, ces trois journées ne sont qu’un aperçu des épreuves, qui, si elles préservent le même esprit et abordent les mêmes thèmes de fond pour tester les mêmes critères (endurance, force brute, résistance au stress, maîtrise de soi, obéissance, volonté), changent à chaque période de sélections.
Il est d’ailleurs important de noter pour l’heure la différence de gestion des résultats en fin de semaine : pour le RAID, l’équipe de formation encourage les candidats recalés à se représenter aux prochaines élections alors que, pour le GIPN, certains candidats sont écartés définitivement et d’autres autorisés à se représenter. Au niveau des résultats, le dernier mot revient au chef de groupe et au « patron » de chaque unité, en tenant compte, bien sûr, de l’avis incontournable du psychologue, surtout lorsque ce dernier décèle une pathologie incompatible avec l’exercice de la fonction. Nous l’avons dit, plus que les notes, qui sont là pour situer les candidats les uns par rapport aux autres (pas de barèmes), les observations reportées par les instructeurs à chaque épreuve sont déterminantes, avec des mots souvent synonymes d’échec : « hésitant, peu combatif, manque d’humilité… ». N’oublions pas que l’objectif de ces sélections communes est de permettre le maintien d’une force massive et cohérente.
Des tests de recrutement communs ont également été organisés, fin juin 2007, pour les officiers. Les épreuves sont cependant quelques peu différentes, avec un fond physique qui reste important, mais avec une recherche de polyvalence accrue du fait des nouvelles dispositions prises aujourd’hui en termes d’emploi dans le cadre de la restructuration de la police nationale. En effet, si en 1985, date de sa création, le RAID comptait 40 officiers, ils ne seront plus que 20 à l’horizon 2010… Ainsi, les sélections les concernant mettent-elles en exergue leurs capacités en termes de management, avec des tests d’anglais, d’informatique, de psychologie…
« Chez nous, un officier est avant tout quelqu’un qui sait montrer l’exemple, explique le commissaire principal Jean-Pierre Desprès. Aussi, les capacités physiques sont toujours très importantes, mais les facultés à prendre en compte les obligations d’un adjoint d’un groupe sont primordiales, compte tenu de la diminution de l’effectif du corps des officiers ». »
Article tiré de Police Pro n°08
Texte de Olivier Merlin
Vous retrouverez dans ce reportage les sélections du RAID