Pour faire partie des meilleurs flics de France, membres du Raid ou d’un groupe d’intervention, les candidats doivent réussir un parcours du supercombattant. Physique et mental, force et sang-froid, endurance et perspicacité : les tests sont impitoyables. L’Express a suivi la sélection des recrues 2014. Une semaine chrono. 

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Mercredi 28 mai, à l’école nationale de police, à Oissel (Seine-Maritime): en fin de parcours, harassé, un candidat subit l’épreuve “cran Hit Man” face à “Roméo”.

© J.-P. Guilloteau/L’Express

Combinaisons noires, dans le grand amphithéâtre presque vide, une vingtaine de cadres du RAID et des Groupes d’Intervention (GIPN),  basés en province, s’alignent : sombre et prestigieuse cohorte avec, en son milieu, Jean-Michel Fauvergue. Le patron de ces formations d’élite, désormais réunies au sein de la Force d’intervention de la police nationale (FIPN), regarde, devant lui, la rangée des candidats à l’intégration dans son prestigieux service. Mains croisées dans le dos, la vingtaine de prétendants attend. Ils étaient deux fois plus nombreux six jours plus tôt, mais c’était avant. Avant les épreuves de sélection. Pour ceux qui les ont traversées, c’est la minute de vérité.
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Le 25 mai, épreuve de “team building”: les candidats rendus aveugles doivent compter les uns sur les autres pour se déplacer.

© J.-P. Guilloteau/L’Express

Dans le silence le plus complet, Jean-Michel Fauvergue commence à égrener la liste des postulants retenus. Ceux qui ne sont pas cités ont raté leur seule et unique chance, car ce concours particulier ne se repasse pas. Pour les autres, les “habilités”, c’est la délivrance après une semaine en enfer. Alors les anciens se précipitent sur les nouveaux pour les congratuler. Et pour prendre leurs mesures, car l’administration n’attend pas et les tenues d’intervention doivent être commandées, chaussures comprises. Encore pétrifiés par l’émotion, les qualifiés sont retournés dans tous les sens : encolure, pointure… Les cadres qui les ont jaugés, épuisés, voire malmenés, les entourent désormais d’attentions fraternelles, en des gestes anodins et bourrus qui signent l’intronisation au sein d’une confrérie.

Rapidement, des groupes se forment. Les patrons des GIPN et ceux du Raid rassemblent leurs nouvelles recrues. Marseille a fait le plein : sept policiers iront rejoindre la base des quartiers Nord. D’autres prendront leurs postes à Strasbourg, à Lyon, à Nice, à Bordeaux ou, enfin, à Bièvres (Essonne), au siège du Raid. Les candidats peuvent annoncer la bonne nouvelle à leurs familles, car on vient de leur rendre leurs téléphones portables. Ils s’isolent, appareil en main, sur le parking proche. Un rayon de soleil a le bon goût d’ajouter à la scène une touche de happy end.

Décortiquer le mental des candidats

Tout a commencé une semaine auparavant, un samedi matin à 7 heures, sous la pluie. 57 policiers, déjà triés sur le volet, souvent issus des brigades anti criminalité (BAC) se présentent à Oissel (Seine-Maritime), dans la banlieue de Rouen. Sur cette ancienne base militaire américaine au cœur des bois – on y chasse le daim – les attend, déjà, l’équipe de sélection : une cinquantaine de superflics instructeurs, spécialistes du combat rapproché, du tir ou de l’escalade, flanqués de cinq psychologues, cinq jeunes femmes chargées de décortiquer le mental des candidats, d’estimer leur potentiel intellectuel et de déceler leurs failles personnelles.

 
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Lors de l’épreuve de combat, le 25 mai, un candidat a été touché au visage.

© J.-P. Guilloteau/L’Express

Le flegmatique Martin, à la poitrine bardée de décorations gagnées en service pour le Raid, règne sur cette escouade au programme simple : pousser les candidats au-delà de leurs limites et ne conserver que ceux qui, physiquement et moralement, feront preuve de suffisamment de cran et de résistance. Les groupes sont organisés et envoyés vers les premières épreuves. Parcours du combattant, tir, simulation d’arrestation dans une cité…

Les mises en situation s’enchaînent sur le vaste terrain de jeu qu’offre la base militaire. Dans un hangar, une rue reconstituée, avec de vrais faux commerces, fournit le décor idéal pour confronter les postulants à un “amok”, un tueur fou qui ouvre le feu sur la foule. Des hommes du Raid ou des GIPN figurent les badauds que Xavier, un solide judoka, abat au fusil d’assaut chargé à blanc, avant d’être, à son tour, neutralisé par les tirs des candidats. Ont-ils été assez rapides ? Les notes tombent.

Le soir, tandis que les examinateurs tiennent leur premier débriefing, les postulants tournent à pied autour du camp en portant, en groupe, une lourde palette de bois. Cette nuit, ils ne dormiront qu’une heure ou deux. Le lendemain, c’est donc dans une condition physique amoindrie qu’ils abordent un moment réputé difficile, à en croire le bouche-à-oreille policier.

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Samedi 24 mai, l’épreuve dite du “parcours police”.

© J.-P. Guilloteau/L’Express

Restent ceux garantis “sans phobies”

Jean-Luc va bientôt partir en mission à Kaboul, mais, pour l’heure, il dirige les opérations dans le dojo de l’école de police, où les groupes défilent toute la journée. Au programme de chacun des candidats, deux rounds de boxe puis, dans la foulée, un randori de judo. Sur les tatamis, déjà, les combattants issus du Raid ou des GIPN s’échauffent. Il y a là un ancien champion du monde de boxe française et plusieurs pratiquants de boxe anglaise de haut niveau, ainsi qu’un karatéka très costaud et un entraîneur de “free fight” ; bref, du lourd. Côté judo, les testeurs ne sont pas moins capés – certains ont fréquenté l’équipe de France.

Les candidats savent que l’épreuve ne sera pas une partie de plaisir : il va falloir prendre des coups sans faiblir et, si possible, les rendre… Venu de la banlieue de Marseille, Sébastien est un costaud – plus de 1,90 mètre et 100 kilos au bas mot. Pour le tester, c’est “Jimmy” qui a été sélectionné par les examinateurs ; le même gabarit, la technique en plus. Rapidement, dans le silence, les coups pleuvent, de plus en plus lourds. A ce jeu, Sébastien laisse son nez, cassé par une gauche un peu appuyée. Conduit à l’hôpital après avoir passé l’épreuve de judo avec du coton ensanglanté dans les narines, il décide de revenir aussitôt. Il serait, sinon, disqualifié…

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Nuit du 24 au 25 mai: les candidats, par groupes, effectuent une marche en portant une palette.

© J.-P. Guilloteau/L’Express

Pour Delphine, l’épreuve est tout aussi violente, mais dans un autre genre. Cette petite brune aux traits fins, issue d’une brigade de la banlieue parisienne, est la deuxième femme à tenter les épreuves de sélection. La première, une judoka, avait échoué. Contre Delphine, le jury aligne son boxeur le plus léger. D’un crochet au foie, il plie en deux la policière, puis s’arrête, pour épargner la candidate, qui remonte à l’assaut en rugissant. Delphine n’a pas le niveau, mais son courage ne manque pas d’impressionner les durs à cuire. D’autant que d’autres épreuves vont démontrer son opiniâtreté.

L’épreuve de la filature

Certes, elle échoue à franchir le dernier mur du parcours du combattant et à grimper sur la “planche”, glissante, qu’il faut effacer d’un coup de hanche après s’être hissé à la force des bras. En revanche, elle réussit à transporter sur son dos et sur plusieurs dizaines de mètres deux costauds pesant chacun un quintal… Cela ne suffira pas. Le mercredi matin, silhouette grise sous la pluie, elle quitte le camp avec une trentaine d’autres recalés.
Ceux qui restent, une vingtaine, sont garantis “sans phobies”. Les responsables ont vérifié leur capacité physique à porter le matériel d’intervention, dont le poids total peut s’élever à 40 kilos par personne, mais aussi qu’ils ne craignent pas le vide (en les jetant du haut d’une tour) et qu’ils ne sont pas claustrophobes (en les enfermant dans une buse d’égout).
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Lundi 26 mai, l’épreuve “varappe vertige”: le postulant vient de se jeter dans le vide.

© J.-P. Guilloteau/L’Express

Admis au second tour, ils n’ont pas terminé leur chemin de croix. Les deux derniers jours sont décisifs, et c’est désormais leur mental qu’on va tester. Sont-ils capables de discernement ? Possèdent-ils des capacités d’improvisation ? L’épreuve de la filature permet de répondre. Elle se passe au volant d’une voiture dans laquelle ont aussi pris place Annabelle et Sophie, deux spécialistes de ce type d’opérations, et sous la surveillance d’autres pros de la “filoche”. Le candidat doit prendre en chasse un suspect qui débarque à la gare d’Oissel. C’est donc dans les rues de cette ville aux maisons de briques rouges et, à pied, au milieu du centre commercial proche, entre les chariots des ménagères, que se mène ce petit jeu.

Un colosse de 2 mètres, revêtu d’une tenue rembourrée et armé d’un couteau

Issu d’une BAC de Seine-Saint-Denis, rodé au terrain, Romain marque des points. Pour se dissimuler aux yeux de sa cible, il n’hésite pas à franchir le portail d’une maison après avoir fait mine d’en relever la boîte aux lettres. Problème : un gros chien garde le jardin… Le molosse a été repéré par les examinateurs, qui s’inquiètent : “Il va se faire bouffer !” grésille la radio. Heureusement, la bête dort…

Pour mesurer une dernière fois le cran des postulants, un rendez-vous surprise est organisé avec Roméo. Après un parcours épuisant au milieu de caves et alors que la mission fictive est officiellement terminée, le candidat voit surgir un colosse de 2 mètres, revêtu d’une tenue rembourrée qui le fait ressembler à Goldorak et armé d’un couteau. Que le meilleur gagne…

Les jurys se réunissent dans la soirée, après le dernier “tête-à-tête” de Roméo. Alors qu’on évalue les compétences de chacun, le “Général”, l’homme de l’organisation, commence à regrouper armes, gants de boxe et matériel d’escalade : il doit prendre la route dès le lendemain matin, car d’autres missions, grandeur nature, attendent ce matériel. L’an prochain, c’est à Nîmes que l’enfer, peut-être, se posera. Il ne devrait pas pleuvoir. “

Source : L’Express.fr – article écrit par Laurent Chabrun le 13 juin 2014

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