Le début de policier
FIPN-SDLP : Bonjour Jean-Pierre, pour celles et ceux qui ne te connaissent pas, peux-tu te présenter ?
Jean-Pierre Diot : J’ai 59 ans, policier pendant 35 ans et retraité depuis 7 ans.
Je suis issu d’une famille nombreuse.
Plus jeune, j’ai travaillé comme tourneur fraiseur dans une usine métallurgique dans l’est de la France.
Les conditions de travail, le maigre salaire, les nombreuses heures de travail, m’ont motivé à ne pas faire ce métier toute ma vie.
J’avais un oncle dans la police (motard à Matignon) et comme j’ai toujours été quelqu’un de sportif, j’ai décidé de passer le concours de gardien de la paix après avoir fait mon service militaire (94° RI).
J’étais scolarisé à l’ENP de Reims. Mon parcours sportif et l’habitude de travailler en usine dans des conditions difficiles m’ont aidé et je me suis vite rendu compte que je n’étais pas fatigué contrairement aux autres élèves gardiens de la paix.
F-S : Quels ont été vos premiers postes dans la police ?
J-P D : Sorti d’école et affectation à Maisons-Laffitte, j’y ai appris les missions de la Police Secours : vols, cambriolages, agressions, accidents mortels, braquages, découvertes de cadavres… puis affectation à la BSVP (Brigade de Sûreté de Voie Publique – avant les bacs) puis Brigade Anti-Criminalité.
Après 5 ans à Maisons-Laffitte, j’ai candidaté pour être moniteur départemental de sport et de tir à la Direction Départementale des Polices Urbaines ; j’ai ainsi formé des gardiens de la paix pendant 15 ans.
A cette époque (1980), les moniteurs de la Police Nationale sont appelés à effectuer des missions délicates : forcenés, prise d’otages… le RAID n’existait pas encore.
Le SPHP
F-S : Christian Prouteau, fondateur du GIGN, a créé le GSPR ( Groupe de Sécurité de la Présidence de la République) sous François Mitterrand. Il est considéré comme un novateur en matière de protection rapprochée ( comme le fait d’avoir intégré un binôme de motard dans le cortège).
Partagez-vous ce concept ?
J-P D : Il faut reconnaitre que les Voyages Officielles étaient composés de policiers « civils » (inspecteurs, enquêteurs et commissaires de police et les gardiens de la paix n’étaient utilisés que pour des missions de conducteur.)
A partir de l’arrivée de Christian Prouteau, il a institué des choses favorables à la protection rapprochée.
Il n’a pu faire que des choses positives par rapport à ce que faisait le service des Voyages Officiels.
Petit à petit, il a créé une unité fiable. Il a fait avancer les choses dans la protection rapprochée.
Il faut rappeler que la protection rapprochée parfaite n’existe pas, il faut être en perpétuelle évolution (technologie, armement, véhicule, logistique, organisation humaine…).
Aussi bien du côté des forces de l’ordre que du côté des « méchants ».
F-S : Le concept populaire du garde du corps le représente musculeux, avec un costume sombre et des lunettes de soleil.
Qu’en est-il réellement ?
J-P D : Pour avoir travaillé dans beaucoup de pays, on constate plusieurs types de gardes du corps.
Certains adhèrent pour une protection visuelle, où les gardes du corps massifs seront privilégiés. Dans le jargon on appelle ça un abri visuel (protection devant un objectif par exemple).
Le garde du corps comme on l’entend est quelqu’un de réfléchi, réactif, avec de la réflexion, du bon sens et méthodique. Il doit être instruit, intelligent, faire preuve de répartie, sportif.
F-S : A quel moment intégrez-vous le SPHP ?
J-P D : En 1994, les VO changent d’appellation et deviennent le SPHP, ouvert aux gardiens de la paix.
Le tg demandait des moniteurs APP pour la structure de formation au sein du Service de Protection des Hautes Personnalités, on était 18 au total, 9 ont été retenu, puis 3.
Tous les 3 avons travaillé sur le contenu de structure et modalités de recrutement.
J’avais constaté que les personnes massives, avec une force musculaire importante avaient du mal à utiliser leur corps, ils avaient des difficultés à passer au-dessus d’une table, dégager rapidement d’une pièce… j’ai donc décidé d’intégrer un parcours d’habilité motrice dans les sélections et nous avons eu des surprises. Les résultats concordaient avec ce que j’avais déjà constaté, les individus très musculeux rencontraient des problèmes dans ce parcours.
Le petit tonique était plus véloce et efficace que le massif. Mais dans une équipe, il faut tous les gabarits, en fonction des missions.
F-S : Quels étaient les prérequis pour intégrer le SPHP ?
J-P D : Il fallait que la hiérarchie laisse partir le fonctionnaire qui voulait candidater.
Remplir un dossier administratif, passer les tests (entretiens avec chef de service ou commandant, tester la répartie, tests physiques : parcours, sports de combat, natation, conduite, montées de cordes, le tir…)
Cinq années de service en actif étaient conseillées. Le travail de voie publique est une excellente école.
F-S : Comment se déroule la formation ?
J-P D : La formation commençait par 3 semaines à Saint Malo,
Après la réussite et la formation, le policier débutait par le poste de conducteur pendant un an (s’habituer à la conduite spécifique de la Protection Rapprochée avec la S1 s2, bien connaitre Paris et voir les différents dispositifs) mais pour celles et ceux qui sortaient du lot étaient intégrés au pool piéton.
Dans quel service as-tu travaillé au sein du SPHP ?
J’étais au groupe formation et il y avait une ambiguïté avec le Groupe d’Appui Protection, formation en France et à l’étranger.
A l’époque des VO, les renforts de mission étaient composés par les moniteurs du Centre National de Tir.
Le Groupe Appui et la formation ont fusionné avec le commandant Jo Tallman qui a créé le groupe pour devenir le GAHP (Groupe d’Appui des Hautes Personnalités).
On s’est entrainé très durement
F-S : Le policier du SPHP peut-il faire toute sa carrière au sein de la même sous-direction ?
J-P D : Franchement, je ne suis pas sûr que ça soit bon pour le policier. Il arrive parfois que le policier qui soit affecté aux côtés d’un ministre ou d’un président le reste toute sa carrière et même après…
Il faut évoluer et avoir envie de bouger. Généralement, les policiers cherchent à partir aux Hautes Personnalités Françaises.
F-S : Comment se déroule l’organisation du planning des fonctionnaires ?
J-P D : Orange en astreinte, verte en repos et rouge en mission.
Il arrive que lors de grands évènements, tous les personnels soient engagés.
F-S : Y a-t-il des hommes spécialisés dans tous les domaines ou vous êtes tous polyvalents ?
J-P D : Nous sommes tous polyvalents, cependant, on préfère mettre des gens qui sont bons dans leurs domaines (conducteur S1 S2, flanc gauche…)
F-S : Quelles habilitations as-tu passées ?
J-P D : Moniteur de sport de combat, moniteur de tir, moniteur de self défense, tonfa, moniteur d’éducation physique…
F-S : Quels sont les arts martiaux et sports de combat que vous utilisez ?
J-P D : J’insisterai d’abord sur le fait que quelle que soit la pratique utilisée, il faut l’adapter à notre métier en vertu des lois et règlements.
Pour répondre à ta question, les pratiquants de sports de combat et d’arts martiaux du SPHP ou du GAHP entrainent les collègues, kravmaga, boxe (toutes)
Au GAHP, tous les jours nous pratiquions un sport de combat différend. Chacun apportait son univers sportif, boxe, judo, karaté, lutte, kravmaga…. Il faut inclure dans l’entrainement une résistance, d’économie d’énergie. Dans une bagarre, c’est celui qui s’est économisé et celui qui a observé qui a le plus de chance de l’emporter.
Le GAHP
F-S : Quelles sont les missions du GAHP ?
J-P D : Le GAHP est chargé de protéger des personnalités à risques. Le risque est évalué par l’UCLAT (Unité de Coordination de Lutte Anti-Terroriste). Nous avons des missions de formation en France et à l’étranger, nous testons les nouveaux matériels en armement et matériels.
F-S : Qui sont les policiers du GAHP ?
J-P D : Le policier du GAHP est tout d’abord un policier du SPHP qui aime le sport. Chez nous, la pratique du sport est quotidienne. Il faut avoir un minimum d’années de service au sein du SPHP. Excepté lorsque les collègues venaient d’un GIPN ou du RAID.
Le GAHP est composé d’une vingtaine de fonctionnaires.
F-S : Y a -t-il des éventuels échanges entre policiers et gendarmes ?
J-P D : Nous avions fait des échanges avec les GIPN, le RAID à la protection rapprochée, les retours ont toujours été bons.
Jamais d’échanges avec les gendarmes.
C’est le Ministère des Affaires Étrangères qui sollicitait des formations du GAHP auprès du Ministère de l’Intérieur.
Nous sommes intervenus dans plus de 24 pays pour des missions de formation de protection rapprochée (Afrique, Mexique, Guatemala, Dubaï, Abu D’Abi, Bolivie, Indonésie…)
C’est très formateur, en Afrique, il faut faire avec les moyens du bord, rien n’est fourni, il faut s’adapter. Alors qu’à Dubaï, tout est fourni et nous ne manquions de rien.
F-S : Quel est le matériel utilisé par le policier du GAHP ?
J-P D : Je ne m’étendrais pas trop sur le sujet pour les collègues qui sont sur le terrain. Mais je dirai qu’il dispose d’une grosse puissance de feu. En fonction de la mission, on adapte l’armement aux lieux et aux déplacements.
F-S : Le GAHP dispose d’un appui lourd, l’ EST (Equipe de Soutien Tactique) de quoi s’agit-il ?
J-P D : Dans les gros dispositifs, le degré des menaces est évalué et en fonction du code déterminé, le dispositif est adapté. Plus la menace est élevée et plus le nombre de policiers sera élevé (avec le matériel et armement adaptés).
F-S : Quelles sont les personnalités que tu as protégées et laquelle t’a la plus marquée?
J-P D : Nicolas Sarkozy, le pape Jean-Paul II, Vladimir Poutine…. Mais celui qui ’a le plus marqué est Arafat (en faisant abstraction de toute idée politique), ce dernier avait toujours une parole gentille à notre égard, il était content de te voir quand il te reconnaissait. Toujours un sourire et s’inquiétait de notre état, si on avait mangé…. Leïla Shahid, la porte-parole en France de la Palestine, nous avait laissé sa suite de façon à ce que l’équipe puisse se reposer.
D’autres ne nous prêtent aucune intention, c’est différent mais on effectue notre travail comme on en a l’habitude.
F-S : Quels sont les avantages et inconvénients d’un policier du SPHP ?
J-P D : Les avantages sont de vivre des moments forts, intenses, de voyager , de travailler avec des gens qui ont les mêmes idées que toi et qui vont dans le même sens que toi.
Le plus gros inconvénient est la vie de famille, les horaires sont compliqués. Notre travail nécessite de vivre à proximité de Paris et d’être disponible rapidement. Ma femme l’a supporté pendant toute ma carrière et nous sommes toujours mariés.
F-S : D’où est venue ton idée d’écrire ton livre ?
J-P D : C’est lors d’une formation à Saint-Malo, une équipe de M6 est venue nous filmer.
On a eu des bons rapports avec l’équipe, on a eu accès aux rushs et le contact s’est très bien passé.
Après la diffusion, le reportage a eu un bon chiffre d’audience, on m’a proposé de faire un livre sur un homme qui travaille au SPHP.
Aujourd’hui
F-S : Que fais-tu maintenant ?
J-P D : J’ai quitté la Police il y a 7 ans, comme je suis entré jeune j’ai pu partir tôt, je suis réserviste de la Police Nationale pour le SDLP.
J’ai tout arrêté mais j’ai gardé un œil sur ce qu’il se faisait dans le privé. Je me suis inscrit sur plusieurs forums et ai pu discuter avec plusieurs personnes qui se plaignaient de leur vécu.
J’ai continué les formations pour les sociétés privées, en France et dans le monde entier ainsi que pour des institutions comme l’UNESCO.
Le CNAPS a mis au point des structures pour suivre des formations permettant d’obtenir une carte professionnelle (carte d’état) mais le problème est que les différents centres agrées n’ont pas le même contenu de formation.
Depuis ma retraite, j’ai créé la Fédération Française de la Protection Rapprochée avec deux amis suite à des questions sur l’organisation de la protection rapprochée en France pour les privés.
J’ai été contacté par le CNAPS pour participer aux thématiques de l’A3P (Agent de Protection des Personnes Physiques).
Le livre de Jean-Pierre Diot est toujours disponible, si vous voulez en savoir plus sur sa carrière et le métier d’officier de sécurité, n’hésitez pas.