Neuilly-sur-Seine, petite commune à proximité de Paris, dans les Hauts-de-Seine est la cible d’une explosion le samedi 8 mai 1993 à 5h du matin.
Une charge explosive vient d’éclater avenue du Roule, en face du poste de la Police Municipale et à côté de la Mairie, dirigée à l’époque par M. Nicolas Sarkozy.
Il est aussi Ministre du budget du gouvernement de Edouard Balladur.
Le Ministre de l’Intérieur, M. Charles Pasqua habite non loin de là.
Les experts se rendent sur place et les débris sont envoyés au laboratoire central de la Préfecture de Police.
L’engin est de conception artisanale fabriqué à base de dynamite, la mise à feu a été commandée par un détonateur composé d’un minuteur de cuisine alimenté par une pile.
La menace est prise au sérieux, le soin apporté à la confection de l’engin inquiète, d’autant plus que des lettres de menace ont été envoyées la veille au Ministère de l’Intérieur et aux commissariats des 12°, 13° et 14° arrondissements de la capitale.
Les grands quotidiens nationaux du soir avaient également reçu ce courrier.
Le message était le même : « Dans les jours prochains aura lieu une explosion, signé HB ».
L’auteur informait son intention de passer à une action plus importante.
La police est en alerte, les services de renseignement et les enquêteurs de plusieurs services dont ceux de la section antiterroriste de la Brigade Criminelle travaillent d’arrache-pied.
Des interpellations ont lieu mais sans trouver le fameux « HB ».
Le 13 mai, le groupe scolaire Charcot situé au 15 rue de la Ferme à Neuilly-sur-Seine va être le témoin d’une prise d’otages.
Les habitants découvrent vers 10h, un déploiement des forces de l’ordre sans précédent.
Des barrières sont installées pour filtrer les accès à l’école.
Les médias sont également sur place.
Vers 9h du matin, un homme a pénétré dans l’enceinte de l’école. Cagoulé, habillé en noir et les mains gantées, il s’est fait conduire dans la classe de Laurence Dreyfus et ses 21 enfants âgés de 3 à 4 ans.
En entrant dans la salle, il brandit une arme de poing et montre des bâtons de dynamite. Il porte un sac contenant d’autres bâtons de dynamite et à la ceinture, une commande de mise à feu à distance.
La directrice de l’école, alertée, informe sa hiérarchie des faits ainsi que la Police Nationale.
Il ne dira pas un mot et remet une lettre sur laquelle est écrit : « C’est une prise d’otages, évitez la tragédie. Je dispose d’une bombe et les enfants me servent de bouclier ».
Il colle des feuilles de papier aux fenêtres et réclame une rançon de 100 millions de francs.
A 10h16, le préfet de police des Hauts-de-Seine sollicite l’intervention du RAID.
Le patron du RAID, le commissaire divisionnaire Louis Bayon, a remplacé Ange Mancini depuis 1990.
Il a comme adjoint le commissaire Borel-Guérin, le numéro 3 est Loïc Janot, c’est le chef opérationnel du RAID.
A 12h, la Brigade Criminelle et le procureur de la République arrivent à Neuilly.
Il y a du monde sur les trottoirs, les médias essaient de remplir le moindre centimètre, il y en a de nombreux pays étrangers, dont la BBC.
Le dispositif est mis en place, pompiers, SAMU, policiers, psychologues et médecins.
A son arrivée, le patron du RAID entre dans la classe et tente de nouer le dialogue pendant que ses hommes font les premiers repérages. Pour lui, une seule solution : la négociation.
C’est le travail et la spécialité de Michel Marie, commandant de police, négociateur au RAID.
Les parents viennent en nombre à l’école, seuls ceux dont un enfant est pris en otage par l’individu sont invités à entrer dans l’école. Ils sont pris en charge de suite par l’équipe médicale, la police et les représentants de la mairie.
Ils sont regroupés dans une salle de classe où ils pourront avoir un retour d’informations.
Les tireurs d’élite du RAID prennent position, ils se relaieront jour et nuit.
Le groupe d’assaut composé d’une quinzaine de policiers, se place dans le couloir de la salle de classe.
Plusieurs plans sont élaborés, l’absorption d’un médicament est envisagée. Le preneur d’otages réclame souvent du café mais il n’oublie pas de le faire goûter par une personne.
Le commandant de police, Michel Marie lit les 8 feuilles que lui a remis « HB », l’inquiétude grandit. Sur la porte de classe, une feuille a été placée, il est inscrit : « si vous entrez, je fais tout sauter ! ».
Il entre dans la classe et se présente à « HB », le face à face est tendu et le monologue attendu mais Michel Marie ressort avec des renseignements sur l’individu, il est calme, sûr de lui et ne semble pas agressif.
Le groupe technique du RAID réussit à regrouper des infos à l’aide de micros caméras, prises de sons. Le patron du RAID dispose ainsi d’images sur l’emplacement où se réfugie « HB ».
A 13h15, 5 enfants sont libérés.
Nicolas Sarkozy va rencontrer le preneur d’otages à 7 reprises, en libérant plusieurs enfants.
Michel Marie continue à faire le profil de « HB » avec l’aide d’un médecin psychiatre, il est défini comme un paranoïaque dangereux, qui va jusqu’au bout.
Le commandant de police n’oublie pas les parents et les informe des avancées mais aussi des difficultés rencontrées. Il rassure les parents qui lui font confiance.
La première nuit va se dérouler comme la journée. L’institutrice Laurence Dreyfus a été remplacé par Evelyne Lambert, médecin capitaine des Sapeurs-Pompiers. Elle peut ainsi rassurer les parents et les informer que les enfants vont bien.
Le matin, la relève du RAID arrive. Le patron veut des hommes frais en cas d’intervention. Mais le commandant Daniel B., souhaite garder sa place. C’est un ancien de la BRI, c’est un spécialiste du tir et grand amateur de rugby.
L’après-midi voit « HB » s’énervait par les cris et les chants des enfants, il oblige la maitresse à quitter la classe avec un enfant particulièrement agité. Il envisage aussi de prendre Nicolas Sarkozy en otage.
Les Sapeurs-Pompiers continuent à distribuer les plateaux repas pour les enfants et leurs parents.
Le procureur Pierre Lyon-Caen va se rendre à plusieurs reprises dans la classe et va tenter de le faire sortir mais rien n’y fera.
« HB » dispose à ses pieds des 100 millions qu’il a fait compter par Laurence Dreyfus et la capitaine Evelyne Lambert mais il n’en veut plus.
La deuxième nuit sera toute aussi difficile, « HB » dort-il ou simule-t-il ?
Un homme peut rester éveiller entre 36 et 48h.
05H30, le Ministre de l’Intérieur Charles Pasqua donne son feu vert pour une intervention.
07H00, Evelyne Lambert, toujours sans sommeil va jouer un rôle crucial ; elle va réveiller les six enfants l’un après l’autre et leur faire jouer à « la tortue silencieuse », en fait se cacher sous des matelas. Elle range la classe pour faciliter l’entrée des policiers du RAID.
Les enfants jouent avec un maximum de silence, les accès aux portes sont dégagés, « HB » semble dormir.
Un premier groupe de policiers est chargé de maîtriser « HB » et le second d’évacuer les enfants.
Daniel B. et André D. sont choisis pour composer le duo qui va maîtriser « HB ». Les deux policiers se connaissent très bien, leurs familles se connaissent aussi. Ce sont plus que des amis. Le choix est judicieux.
Ils choisissent d’évoluer sans les protections lourdes qui entraveraient leur progression dans cette salle de classe, ils ont besoin d’agir vite. Ils s’entrainent plusieurs fois dans une salle similaire.
L’ordre est clair : « HB » ne doit pas avoir le temps d’activer son dispositif.
Une dernière vérification et Evelyne Lambert, devant une caméra regardée par le RAID, donne le signal en retirant sa blouse.
7H25, les deux portes de la classe s’ouvrent en même temps, le binôme progresse sur « HB » pendant que le groupe « évacuation » commence à sortir les enfants.
Armés de leur Glock 17, Daniel B. et André D. arrivent sur « HB », il se réveille en sursaut et approche sa main du détonateur. Il n’aura pas le temps d’aller plus loin, il est abattu par Daniel B. de trois balles de 9mm.
Les six enfants sont sortis, rapidement examinés par les médecins et remis aux parents.
Charles Pasqua et Edouard Balladur arrivent à l’école, ils sont accueillis par Nicolas Sarkozy.
Ils rendent hommage au courage de Laurence Dreyfus, à Evelyne Lambert, aux personnes présentes et au RAID.
« HB » pour Human Bomb, s’appelait Éric Schmitt. Ancien Sous-Officier dans l’Armée, il créa des sociétés spécialisées dans l’électronique et l’informatique. Mal gérées, elles déposèrent le bilan. Des problèmes sentimentaux et de chômage l’ont certainement conduit à cette fin.
La famille d’Éric Schmitt a porté plainte pour homicide volontaire et se constitua partie civile. Une instruction a été ouverte et aboutira à un « non-lieu ».
Daniel B. a été entendu à plusieurs reprises et lui et son binôme devront faire une reconstitution dans la salle de classe devant un juge, sa greffière, les avocats, le procureur Pierre-Lyon Caen et des magistrates stagiaires.
Le Commandant Daniel B. quitte le RAID en 1994 suite à cette affaire.
Il passera par le SCTIP (Service de Coopération Technique International de Police), l’UCLAT (Unité de Coordination de la Lutte Anti-Terroriste) puis la BREC de Versailles (Brigade de Régionale d’Enquête et de Coordination) avant de rejoindre le RAID en tant que formateur avec ses amis André D. et Robert P.
Il sera formateur au RAID pendant quatre ans avant de partir à la retraite.

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