La négociation est la marque du Raid.
Christophe Caupenne, ex-flic devenu consultant, a été chef des négociateurs de cette unité spéciale. Durant onze années, il a parlementé avec des terroristes ou des forcenés.

Vous prenez la tête du pôle négociation du Raid, fin 1999. Comment êtes-vous arrivé là ?
J’arrivais de la Police judiciaire, j’étais en groupe criminel et groupe de répression du banditisme. Le poste se libérait, j’ai postulé et j’ai été sélectionné. Il a fallu que j’apprenne la négociation. Je suis parti voir ce que faisaient les collègues étrangers, en Angleterre, aux États-Unis et en Afrique du Sud. J’ai pris des cours d’expertise mentale à la fac de médecine.
 
 
Pourquoi avoir recours à la négociation ?
En 1972, la prise d’otage de Munich [pendant les Jeux olympiques d’été, des terroristes palestiniens ont pris en otage et assassiné onze membres de l’équipe israélienne et un policier allemand, NDLR] a été un véritable électrochoc pour l’ensemble des polices parce qu’il n’y avait pas d’unité d’intervention à l’époque. Il y avait des petits groupes un peu plus sportifs que les autres. Mais c’est tout. À Munich, il y a eu tellement d’erreurs commises par les Allemands que tout le monde a cherché à créer sa propre unité d’intervention. En France, les GIPN [groupes d’intervention de la Police nationale au niveau local, NDLR] ont été créés en 1972. Le GIGN [groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale, NDLR] en 1974. Et en 1985 le RAID, pour la police.
 
 
Au Raid, la négociation prime sur le reste ?
Il faut savoir que le Raid arrive en dernière intention opérationnelle. Quand tout le monde a échoué et se retrouve dans une situation d’impasse. Plus on intervient en force, plus il y a des risques pour nos hommes, pour les otages et pour le forcené. La négociation, c’est le meilleur outil stratégique. On arrive à 80% de taux de résolution par la négociation. Les 20 % d’échec sont dus à des psychopathologies lourdes ou à des situations de détresse irrécupérables. Nos hommes ont la nécessité d’être très bien équipés, très bien armés mais l’usage de la force vient en dernier recours. À partir du moment où on donne l’assaut, c’est fini, on ne pourra plus discuter avec le gars.

 
Pourtant, le pôle négociation n’émerge que 10 ans après la création du Raid ?
Oui. Avant 1995, c’était les commissaires de police qui négociaient. La négociation s’est développée à partir de 1972 avec deux Américains du NYPD (New York City Police Department), Franck Bolz et Harvey Schlossberg. Ils ont mis au point une très bonne méthode de négociation qui a été reprise par les membres du FBI à la Crisis Negotiation Unit. À partir de ce moment, un cours de négociateur a été créé. Après la prise d’otages des enfants de l’école Charcot, à Neuilly-sur-Seine, par le Human Bomb, en mai 1993, mon prédécesseur au Raid, Michel Marie, a senti qu’il fallait se former. Il est parti en 1995 aux États-Unis suivre les cours de négociation.
 
 
Comment votre travail de négociateur a-t-il évolué au sein du Raid ?
En plus de onze ans à ce poste, j’ai fait plus de 350 opérations, de tout type ; forcené, suicidaire, prise d’otage, kidnapping à l’étranger. Pendant les trois premières années, j’ai étudié l’ensemble des sciences humaines. J’ai démarré avec un savoir-faire embryonnaire et quand je suis partie en 2011, c’était complètement abouti. J’estimais que j’avais rempli ma mission.
 
 
Quelle est la négociation qui vous a le plus marqué ?
Toutes les négociations très longues, de 24 ou 36 heures, ont bien sûr pesé en termes de fatigue. Mais ce ne sont pas forcément celles qui marquent le plus. Celles qui m’ont marqué étaient à très forte charge émotionnelle. Par exemple, un paranoïaque qui veut tuer sa femme et ses enfants, et qui est vraiment déterminé à passer à l’acte. On sent qu’on a vraiment la vie de sa femme et ses enfants entre les mains. C’est une très grosse pression psychologique. Je pense aussi aux kidnappings à l’étranger car on n’a pas la maîtrise du terrain, c’est très stressant. Toutes les opérations où il y avait des enfants ont eu un très gros impact sur moi.
 
 
À l’avenir, comment la négociation au Rai peut-elle évoluer ?
Il y a tellement d’amélioration possible. Tout dépend des hommes qui sont à la tête de l’unité. En matière de technologie et de neurosciences, il y a des avancées colossales. Des progrès très forts ont été réalisés sur la détection des émotions, sur l’analyse de la voix pour savoir dans quelle situation de stress le forcené se trouve. Par exemple, quelqu’un annonce être suicidaire. En discutant avec lui, on cherche à évaluer s’il est suicidaire ou suicidant. S’il est suicidant, il peut passer à l’acte alors il faut intervenir immédiatement pour le sauver. On va utiliser une méthode proactive pour sauter dessus pour l’empêcher de se jeter dans le vide. »
 
 
Source : Ouest France.fr – article écrit le 05 octobre 2015 par Klervi Drouglazet

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